Ottawa s’attaque au racisme environnemental

Ottawa s’attaque au racisme environnemental
Ottawa s’attaque au racisme environnemental

(Ottawa) Le Canada s’apprête à adopter sa première législation contre le racisme environnemental. Le projet de loi C-226 de la chef du Parti vert, Elizabeth May, sera bientôt soumis à un vote final au Sénat. Il vise à empêcher l’installation de sites toxiques à proximité des communautés autochtones, racisées ou marginalisées.


Publié à 1h31

Mis à jour à 8h00

Ce qu’il faut savoir

Le gouvernement fédéral s’apprête à reconnaître le racisme environnemental dans la législation, une première au Canada.

Ce faisant, il reconnaît que les communautés autochtones, racialisées ou marginalisées sont touchées de manière disproportionnée par les rejets industriels toxiques.

Le gouvernement adoptera une stratégie nationale pour contrer ce phénomène.

« Il existe plusieurs exemples ici au Canada, dans les communautés autochtones particulièrement, mais aussi dans les communautés noires », précise M.moi Mai en entretien. « J’espère qu’avec le projet de loi, ils auront plus de pouvoir pour refuser les déchets et la pollution rejetés par d’autres communautés. »

Il y a la contamination au mercure de la Première Nation de Grassy Narrows dans le nord de l’Ontario causée par les rejets d’eaux usées d’une usine de pâtes et papiers, les usines pétrochimiques entourant Aamjiwnaang dans le sud de l’Ontario, le pipeline Coastal GasLink qui traverse les terres Wet’suwet’en en Colombie-Britannique. , l’ancienne décharge qui a pollué la communauté noire de Shelburne en Nouvelle-Écosse pendant 75 ans et même la décharge illégale de Kanesatake, au Québec, qui, bien que appartenant à deux membres de la communauté, a longtemps fait face à l’inaction des autorités.

« Où est le ministère de l’Environnement ? Où est le ministère de la Pêche ou le ministère de la Santé ? demande M.moi Peut. C’est une situation complètement différente uniquement parce qu’il s’agit d’une communauté autochtone qui n’a pas le pouvoir d’exiger que le gouvernement fasse les choses essentielles pour protéger sa santé et sa propre sécurité. »

On ne connaît pas le nombre de communautés à travers le pays touchées par ce phénomène, mais un projet pour les cartographier est en cours, affirme Ingrid Waldron, professeure à l’Université McMaster, qui étudie la question depuis 12 ans.

Le principe de justice environnementale est reconnu par l’Agence américaine pour l’environnement (EPA) depuis 20 ans. L’ancien président Bill Clinton a signé un décret en 1994 pour lutter contre les effets nocifs et disproportionnés de la pollution sur les minorités et les populations à faible revenu.

Les communautés les plus touchées ne participent jamais aux discussions. Ils ne sont pas invités à participer à la prise de décision, à l’élaboration des politiques par les organismes de réglementation, les commissions, etc.

Ingrid Waldron, professeure à l’Université McMaster

Le projet de loi vise à leur redonner la parole avec l’élaboration d’une stratégie nationale pour contrer ce phénomène et ses impacts négatifs sur leur santé. Le ministère de l’Environnement a déjà lancé des consultations et le professeur Waldron participera aux travaux à titre de consultant. Le projet de loi prévoit également la réalisation d’une étude et une indemnisation des personnes et des communautés affectées, dont le montant reste à déterminer.

«Ce que nous essayons de faire, c’est de donner plus d’outils à ces communautés pour pouvoir faire valoir leurs droits, notamment en matière de qualité de l’environnement», a indiqué le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, en mêlée de presse mercredi.

Il a appuyé le projet de loi C-226, qu’il considère comme un complément à la réforme du Loi canadienne sur la protection de l’environnement adoptée l’année dernière, qui inclut le droit à un environnement sain. Une première version du projet de loi a été présentée par la députée libérale Lenore Zann en 2020, mais est morte au Feuilleton. Elle a ensuite perdu son siège en 2021.

Les conservateurs et les bloquistes sont contre

Toutefois, le texte législatif était loin de faire l’unanimité à la Chambre des communes. Il a obtenu l’appui des libéraux et des néo-démocrates lors du vote en troisième lecture, mais les conservateurs et le Bloc s’y sont opposés pour des raisons différentes.

«Nous avons déjà un cadre réglementaire compliqué lorsqu’il s’agit de réaliser des projets au Canada», a soutenu le député conservateur ontarien Kyle Seeback lors des débats à la Chambre. En commission parlementaire, son collègue Gérard Deltell a rappelé que le projet d’oléoduc Northern Gateway reliant l’Alberta à la Colombie-Britannique avait le soutien de plusieurs communautés autochtones avant d’être stoppé par le gouvernement en 2016.

Le Bloc Québécois aurait préféré que la notion de racisme environnemental soit remplacée par celle de justice environnementale. « Si nous instituons de nouvelles politiques fondées sur de nouveaux droits, comme le droit à un environnement sain, chacun devrait en jouir, sans exception », a soutenu la députée Monique Pauzé.

Elle a donné en exemple le district de Limoilou, au Québec, où les résidents respirent les poussières générées par le transbordement de minéraux au port de Québec, sous juridiction fédérale, quelle que soit leur origine ethnique. « La particularité de ce quartier, c’est qu’il a des revenus très faibles », souligne-t-elle.

Il est difficile de prédire l’impact que pourrait avoir ce projet de loi sur le développement de l’énergie nucléaire préconisé par le gouvernement. Le projet de mettre en décharge la centrale électrique de Chalk River pour y éliminer ses déchets radioactifs avait fait l’objet d’une forte opposition de la part de diverses nations autochtones.

 
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