Dakar exige de nouvelles relations avec Paris

Dakar exige de nouvelles relations avec Paris
Dakar exige de nouvelles relations avec Paris

Après le Burkina Faso, Mali et Niger, le Sénégal sera-t-il le prochain pays à y licencier les soldats français ? La question est loin d’être nouvelle dans le pays de téranga ( l’hospitalité», mais elle se fait de plus en plus pressante. “Soixante ans après l’indépendance, il faut s’interroger sur les raisons pour lesquelles l’armée française bénéficie encore de plusieurs bases militaires dans nos pays”, a lancé le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, sous les applaudissements de 1 500 étudiants de l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, jeudi 16 mai.

Ce jour-là, l’ancien opposant au président sortant, Macky Sall, participait pour la première fois à un événement public depuis son accession au pouvoir en avril, après la victoire du candidat de son camp à la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye. En présence de Jean-Luc Mélenchon, soutien inconditionnel en visite dans le pays, Ousmane Sonko a prononcé un discours très critique envers la France et Emmanuel Macron.

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Indépendance de la sécurité

Le Premier ministre a soutenu « la volonté du Sénégal d’avoir son propre contrôle, volonté incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères au Sénégal ». Une antienne de son parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dont il est le fondateur et toujours le président. Sous les ovations et devant le leader de La France insoumise, Ousmane Sonko a rappelé que la France elle-même avait prôné son indépendance sécuritaire au temps du général de Gaulle, face à l’allié américain, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Guerre mondiale.

« Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko se revendiquent panafricanistes de gauche, patriotes et souverainistes sur les questions économiques, mais aussi sécuritaires, explique Babacar Ndiaye, directeur de recherche spécialisé sur les questions de sécurité pour le think tank Wathi. Ce discours s’inscrit parfaitement dans leur ligne de conduite. Reste à savoir comment ils vont le concrétiser. » Au total, 350 militaires français sont déployés au Sénégal, sur deux bases situées au cœur de la capitale, Dakar. Il y en avait près d’un millier quelques années plus tôt. Paris n’ignore pas la vague de protestation contre la présence militaire française qui déferle sur le continent africain.

Lors d’un conseil de défense tenu mi-décembre 2023, Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’une réduction drastique des troupes au Gabon, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. En février, Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d’État à la Coopération sous Sarkozy, a également été nommé « envoyé spécial du président en Afrique ». Sa feuille de route prévoit de revoir les formats et modalités d’action du futur système militaire français sur le continent, largement mis à mal par les coups d’État successifs au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Trois pays d’où les forces militaires françaises ont été expulsées. “On ne peut plus confier notre sécurité à d’autres, ça n’a aucun sens” soutient Aminata Touré, ancienne Première ministre et désormais proche du nouveau président, Bassirou Diomaye Faye. Le Sénégal doit pouvoir défendre ses intérêts en étant souverain. »

L’avenir des bases militaires de Dakar sera probablement évoqué lors d’une rencontre entre les deux chefs d’Etat. Selon les informations du journal Jeune Afrique, Bassirou Diomaye Faye devrait effectuer sa première visite hors du continent en France le 20 juin et rencontrer Emmanuel Macron en marge du Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales. Il y sera sans doute question des contours de la future relation entre la France et le Sénégal.

Lors de son discours aux allures de meeting, sous les acclamations des étudiants enthousiastes de l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a sévèrement critiqué l’action de l’Occident et de la France, dénonçant à plusieurs reprises « Des contrats léonins au détriment des Africains ». « Il est évident que les relations avec la France vont se poursuivre, mais elles devront évoluer vers plus d’équité et d’égalité. » prévient Aminata Touré, rappelant que l’ancienne puissance coloniale est le premier partenaire économique du pays. L’un des principaux investisseurs également.

« Période de persécution »

Le chef de l’exécutif sénégalais s’en est également durement pris au président français, dont il a dénoncé la complaisance à l’égard du régime de Macky Sall. Emprisonné pendant plusieurs mois, Ousmane Sonko a été empêché de participer à l’élection présidentielle alors qu’il était favori. Faisant référence aux manifestations de l’opposition qui seront durement réprimées entre 2021 et 2023, le Premier ministre a déclaré : «Pendant toute la période de persécutions extrêmement violentes qui ont entraîné et causé la mort de plus de soixante personnes […], vous n’avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qui s’est passé. »

« Il y a un discours anti-français très décomplexé et, en même temps, assez nuancé » observe Caroline Roussy, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Le 21 mai, cinq jours après sa diatribe contre Emmanuel Macron, Ousmane Sonko a rencontré l’ambassadrice de France au Sénégal, Christine Fages. Un échange décrit par ce dernier comme « constructif et prometteur pour le renforcement et la rénovation du partenariat entre le Sénégal et la France ».

 
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