La Fondation Gandur s’installe enfin à Caen

La Fondation Gandur s’installe enfin à Caen

Publié aujourd’hui à 10h11

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Vous le savez sans doute grâce à un communiqué, repris sans grand commentaire par une presse française et suisse trop souvent réduite à l’état de caisse enregistreuse (1). Jean Claude Gandur a tranché. Cela prendra du temps. Le Genevois d’adoption installera finalement son musée à Caen. Celui-ci devrait ouvrir vers 2030, avant le Musée d’art et d’histoire (MAH) de Genève (2). On sait que c’est chez nous que le milliardaire était initialement censé déposer une partie de ses collections naissantes depuis 99 ans. Celles-ci ont également considérablement augmenté tant en taille qu’en nombre de sujets depuis le refus en votation populaire en février 2016. Un volet d’art contemporain africain s’y est ajouté, sans doute en hommage à l’origine de sa fortune née sur le continent noir avec Addax Petroleum et Groupe Oryx. Cette partie actuelle viendra ainsi compléter le noyau important des sculptures tribales africaines et océaniennes.

Sept villes en lice

Il y a quelques années, Jean-Claude Gandur ne parlait pas encore d’ouvrir un musée personnel. Il se considérait, comme l’Allemand Christoph Blocher, comme disposant d’un énorme stock d’œuvres qui pouvaient être prêtées sur demande à diverses institutions publiques ou privées. Il faut dire que les fondations dotées d’un bâtiment deviennent très (trop ?) nombreuses en Suisse comme en France. Ils ont même tendance à prendre des champignons. L’envie d’avoir sa place est cependant revenue chez un homme aujourd’hui âgé de 75 ans. Il a mis en lice sept villes françaises, qui se sont battues avec plus ou moins d’ardeur pour ses beaux yeux. On a parlé de Rouen ou d’Arles, un endroit où tout le monde se rend en ce moment. Finalement, comme pour un second tour, il restait Bordeaux, Caen et Strasbourg. Bordeaux et Strasbourg (cette dernière ville étant devenue « verte », donc un peu inculte) n’ont pas su plaire suffisamment. Caen a remporté la palme en payant le prix. Terrain de 51 000 mètres carrés mis à disposition par la Municipalité. Cette parcelle est apparemment proche du Mémorial de la Seconde Guerre mondiale, créé en 1988. Un musée où le collectionneur a déjà exposé avec succès en 2020, puis en 2023. Je vous en ai également parlé.

Dire que le Mémorial est attrayant me semble être une grande exagération. Ce monstre de béton, censé commémorer le Débarquement du 6 juin 1944, a la grâce d’un bunker power10. Il attire cependant de nombreux visiteurs, plus intéressés par l’histoire (c’est une sorte de parc à thème) que par l’art. Ce n’est donc pas automatiquement gagné. Il faut aussi s’y rendre, très loin du centre de Caen, à un carrefour difficile. La ville elle-même a été une victime collatérale du conflit qui en a rasé une grande partie il y a quatre-vingts ans. La ville médiévale a disparu, à l’exception de quelques splendides églises gothiques. Des ruelles rectilignes aux immeubles d’un goût presque stalinien relient désormais le cœur de Caen à une gare menant de la métropole normande à Paris par des TER à la lenteur. Le TGV n’est en effet jamais arrivé ici, ce qui rend la desserte (et donc la visite du Mémorial ainsi que du futur musée Gandur) difficile.

Jean Claude Gandur lors de l'exposition 2020 au Mémorial de Caen.

Qu’apportera Jean Claude Gandur à Caen ? Ce sera forcément un choix, avec des virages possibles. On parle de 3.800 œuvres entrées dans la collection (3). C’est beaucoup, même si l’on reste loin des 30.000 pièces entassées par le boulimique Bruno Stefanini à Winterthour. L’ensemble apparaît cependant très varié. A la collection d’archéologie méditerranéenne (Italie, Grèce, Egypte), qui ne s’enrichit plus, s’ajoute rapidement la peinture abstraite française, puis européenne, des années 1950-1970. Une spécificité Gandur, notamment révélée au Musée Rath de Genève ou au Musée d’Art de Pully. Il y a aussi les arts décoratifs, qui restent méconnus. On parle notamment d’une somptueuse collection de sculptures du Moyen Âge ainsi que de meubles français du XVIIIe siècle. Certains éléments ont été récemment vus lors de l’exposition sur la Régence organisée à Paris par le musée Carnavalet. J’ai également fait écho à cela.

Le grand Hans Hartung à l'entrée de l'exposition Pully. Commissaire Yan Schubert.

C’est ce que nous savons pour le moment. Le musée (25 000 mètres carrés, si j’en crois les journaux !) sera installé dans un grand jardin. Il restera très éloigné physiquement du Musée de Normandie et du Musée des Beaux-Arts, une vilaine construction semi-enterrée qui possède pourtant une superbe collection de peintures anciennes. Jean Claude Gandur prendra en charge le chantier à ses frais (qui seront sans doute énormes). On sait qu’il dispose déjà d’un personnel hautement qualifié pour sa fondation, créée en 2010. Sept conservateurs de haut niveau, c’est beaucoup pour un particulier. Un particulier pour qui il faudra sans doute organiser des manifestations temporaires pour durer. Que veux-tu? Le public est devenu de grands enfants. Vous devez constamment lui présenter quelque chose de nouveau afin de l’attirer.

(1) L’affaire a pourtant été lancée par une interview accordée à un journaliste du « Monde ».

(2) Tant que le grand MAH existera un jour, bien sûr !

(3) Il est possible d’en découvrir une partie sur le site de la Fondation Gandur pour l’art, située rue Michel-Servet à Genève, https://fg-art.org

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Né en 1948, Étienne Dumont étudié à Genève qui lui furent de peu d’utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il se tourne vers le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant par parler de cinéma. Viennent ensuite les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’informations

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