Une infirmière du CHUM menacée d’expulsion par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Une infirmière du CHUM menacée d’expulsion par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
Une infirmière du CHUM menacée d’expulsion par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

C’est écrit en caractères gras sur la lettre officielle : si elle ne tente pas de rétablir son statut d’immigration, elle doit quitter le Canada « immédiatement ».

Laurence Ameline, une infirmière française de 53 ans, n’aurait jamais imaginé qu’elle pourrait se retrouver sans statut au Canada lorsque le gouvernement du Québec est venu la recruter en France. Mais après trois ans de travail au CHUM de Montréal, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a refusé de prolonger son permis de travail le 2 mars. Elle a donc immédiatement perdu son droit de travailler.

« J’ai toujours été hétéro, je n’ai jamais eu de problème particulier », se sent-elle désormais obligée de préciser. Mais depuis cette lettre de refus, « c’est l’enfer », dit-elle dans un entretien à Le devoir. “Ils viennent nous trouver en France, car il y a beaucoup de pénurie d’infirmières dans le pays, et ils nous mettent des bâtons dans les roues”, déplore-t-elle.

Passée par Recrutement Santé Québec, elle est arrivée en février 2021 pour travailler au service de pneumologie du CHUM. Alors que la pandémie de COVID-19 était encore très présente, elle a rapidement pris son envol.

Avec son employeur, elle a entamé en octobre dernier le processus de renouvellement de son permis de travail avant son expiration. Tout le monde lui promet alors qu’il ne s’agit que d’une « simple formalité » et qu’elle est une « priorité », compte tenu de son métier.

Mais début mars, elle reçoit un coup dur : IRCC refuse sa demande. La raison invoquée ? Elle n’aurait pas fourni le numéro d’offre d’emploi de son employeur, ce qu’elle prétend avoir fait. Avant de déposer cette demande en novembre, la direction des ressources humaines avait pris le temps de l’enregistrer sur le portail employeur du même ministère, preuve que Le devoir a pu consulter. Le numéro ainsi généré a été inclus dès le dépôt de la demande de prolongation, confirme-t-elle.

Erreur administrative ? Gâcher? Des problèmes informatiques ? IRCC n’était pas en mesure de répondre à nos questions au moment de la rédaction.

Laurence Ameline contacte alors son employeur, puis le bureau du député de sa circonscription. Rien ne fonctionne. Dans l’interview, elle secoue la tête, toujours abasourdie : « Je ne comprends tout simplement pas. »

C’est aussi qu’il est presque impossible d’obtenir plus d’informations sur votre propre demande. “Nous sommes complètement impuissants face à ce mur de l’immigration”, souligne M.moi Améline. Même le bureau de circonscription, disposant d’une ligne dédiée, ne peut pas résoudre le problème : « Quand [l’adjoint au bureau du député] appelle l’Immigration, il n’y a que quelqu’un derrière un ordinateur qui n’a plus d’informations. »

La commissaire à l’information Caroline Maynard a également souligné cette impossibilité dans son plus récent rapport intitulé Un statu quo intenable, qui fustige sévèrement IRCC. Des dizaines de milliers d’immigrants font actuellement l’objet de demandes d’accès à l’information pour obtenir des renseignements de base sur leur propre dossier. Or, ces informations leur appartiennent, a précisé M.moi Maynard.

De la rigidité à la fin de l’irrecevabilité

Sans travail, sans revenus, elle se sent très anxieuse. « J’ai des amis ici, mais finalement, nous sommes seuls dans le bateau. Je dois continuer à payer mes factures», déclare Laurence Ameline, la voix momentanément tremblante. Ses yeux s’éblouissent derrière ses lunettes rouge vif, juste avant que son chat ne s’approche.

Pourtant, elle était venue ici pour rester, avec l’illusion que les gens l’attendaient à bras ouverts pour combler la fameuse pénurie de main d’œuvre. « Je n’allais pas tout laisser en France s’il n’y avait pas une belle promesse », illustre la femme. Elle a également déposé au même moment une demande de résidence permanente, pour laquelle Québec l’a déjà approuvée. Rien n’indique que les dernières étapes de cette demande lui permettront de régulariser sa situation avant la date limite du 2 juin donnée par IRCC.

Après avoir fait carrière dans le domaine de la santé dans son pays d’origine, elle complète en 2013 sa formation d’infirmière clinicienne. Elle travaille ensuite dans un service de pneumologie, comme elle le fera plus tard à Montréal. C’est une amie qui lui parlait en 2020 des milliers d’infirmières recherchées ici : « Mes enfants étaient grands, j’étais seule, j’ai fait des démarches. »

Lorsque Recrutement Santé Québec lui a présenté plusieurs offres d’emploi alors qu’elle était encore en poste, elle était loin d’imaginer qu’elle pourrait devenir sans statut au Canada. « Vous n’avez pas de statut de résident temporaire au Canada », est-il pourtant clairement indiqué sur la lettre d’IRCC.

“Je comprends tout ça, les exigences, il faut que ce soit sécurisé, et le Canada ne veut pas de gens sans toutes les justifications”, dit M.moi Améline. Mais elle se sent abandonnée, voire négligée : « La personne à l’immigration derrière son ordinateur a le pouvoir sur votre avenir. Elle ne sait pas ce que c’est d’attendre des papiers, de se retrouver sans travail, sans salaire, du jour au lendemain. »

« Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas reçu de mail au moins pour me dire de rendre ces papiers sous 7 jours, ça aurait été simple », suggère-t-elle. Le soutien reçu de son employeur et du bureau du député peut conduire à un renouvellement à temps de son permis de travail. Ou peut-être que sa demande de résidence permanente sera approuvée en un temps record, mais elle continue d’en douter.

Pour l’avocat spécialisé en immigration Maxime Lapointe, il existe une solution simple à la portée d’IRCC. « Pourquoi ne pas donner la possibilité de produire un document manquant dans les 30 jours avant de clôturer bêtement le dossier ? ” il a dit.

Impossible de commenter directement la situation de Mmoi Ameline, il constate néanmoins une certaine rigidité dans ces cas où un document complémentaire aurait pu régler les problèmes. Me Lapointe appelle les autorités responsables à considérer le « préjudice irréparable » causé par la perte d’un statut, puisque « le droit du travail tombe », a-t-il notamment souligné dans un livre publié en septembre 2023.

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