Quand le TOC résiste – Planète santé

Quand le TOC résiste – Planète santé
Quand le TOC résiste – Planète santé

Anne-Marie Trabichet

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Souvent minimisé, réduit à de petites habitudes comme fermer la porte trois fois de suite ou compter les files d’attente au sol, le TOC est une maladie insidieuse qui semble parfois n’être rien. Dans les films ou les séries (pensez à Monk), il est représenté par des personnages pleins de tics et de bizarreries pas très méchantes. Vous pourriez même entendre un simple « J’ai un TOC » de la part de quelqu’un décrivant son penchant pour l’ordre et la propreté.

En réalité, comme c’est souvent le cas pour les maladies mentales, le TOC est sous-estimé. Il s’agit pourtant d’une pathologie courante, touchant 2 à 3 % de la population. Mais seulement la moitié des personnes touchées sont diagnostiquées et suivies, laissant l’autre moitié souffrir en silence. Sans compter que parmi les personnes traitées, au moins 20 à 30 % sont résistantes aux thérapies les plus courantes. Cependant, les TOC peuvent devenir un véritable handicap, empêchant parfois de travailler ou de sortir de la maison.

La peur irrationnelle du désastre

Le TOC est la combinaison d’obsessions (pensées, images) qui s’imposent à l’esprit et de compulsions, c’est-à-dire de comportements que la personne se sent obligée d’avoir (par exemple des contrôles) pour réduire l’anxiété provoquée par les pensées obsessionnelles. Le TOC tourne essentiellement autour de la peur et s’alimente dans un cercle vicieux, comme l’explique le Dr Marie-Thérèse Clerc, médecin associée à l’unité de psychiatrie interventionnelle du Service universitaire de psychiatrie des grands âges du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) : « Le les rituels visent à empêcher la catastrophe redoutée de se produire. Par exemple, une personne qui a peur d’être contaminée par une maladie devra se laver les mains pour éviter d’être infectée. Voir qu’elle n’est pas contaminée lui confirmera que les rituels fonctionnent. Elle va donc les multiplier au point d’y consacrer parfois plusieurs heures par jour. C’est presque une prophétie auto-réalisatrice. »

Si la logique peut paraître absurde au premier abord, c’est parce qu’elle l’est. De plus, les personnes atteintes de TOC le reconnaissent et se rendent compte du côté excessif des rituels, mais ne peuvent toujours pas s’en empêcher. « L’anxiété n’est pas rationnelle, mais l’admettre ne la diminue pas. Tout le monde a des sensibilités qui peuvent provoquer de l’anxiété dans certaines situations. Mais chez les personnes qui ont un TOC, c’est constant, comme un détecteur d’incendie qui se déclenche même s’il n’y a pas de fumée”, résume le psychiatre.

Une électrode dans le cerveau

Le traitement recommandé en priorité est la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) souvent associée à la prise d’antidépresseurs (lire encadré). Pratiquée dans de bonnes conditions, cette thérapie peut conduire à une réelle amélioration des symptômes, mais pas pour tout le monde : la moitié des personnes traitées n’y sont pas sensibles. D’autres options de traitement non invasives existent (notamment la stimulation magnétique ou les traitements psychédéliques), mais elles ne sont pas encore courantes. Pour ceux qui résistent à tout, une innovation pratiquée depuis les années 2000 pourrait tout changer.

Il s’agit d’une stimulation cérébrale profonde (DBS pour Stimulation cérébrale profonde). Une électrode est implantée dans le cerveau et contrôlée par un type de stimulateur cardiaque placé sous la peau pour moduler l’activité cérébrale. « Les premiers travaux ont été menés sur la maladie de Parkinson, et des patients souffrant également de TOC ont signalé une réduction de leurs symptômes. Aujourd’hui, la DBS n’est proposée qu’à une petite proportion de la population chez laquelle tous les autres traitements ont échoué. On observe une amélioration des symptômes dans deux tiers des cas», explique Luc Mallet, psychiatre et chercheur en neurosciences, professeur à l’Université de Genève et à l’Université Paris-Est Créteil.

Espoir pour le TOC

L’intervention neurochirurgicale est invasive et n’est pas devenue le traitement de base pour tout le monde. Pour être encore plus efficace, elle nécessite une approche au cas par cas car la cible, c’est-à-dire l’emplacement précis optimal où est implantée l’électrode, n’est pas la même pour tous les cerveaux. « Pour savoir où poser l’implant, il faut avoir la meilleure compréhension possible des symptômes de la personne. La meilleure cible est la cible personnalisée. De plus, la stimulation nécessite des ajustements et un temps d’adaptation de plusieurs mois», ajoute le Dr Kevin Swierkosz-Lenart, médecin associé à l’unité de psychiatrie interventionnelle du Service universitaire de psychiatrie des grands âges du CHUV.

Des études sont encore en cours et l’intervention est rarement remboursée par les assurances. Pourtant, pour ceux qui y ont accès, c’est un véritable espoir de reprise. « Cela peut changer considérablement la qualité de vie. Il s’agit d’une perspective d’avenir pour le TOC et en termes de recherche pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau », explique le Dr Swierkosz-Lenart.

Qu’est-ce que la TCC ?

Dans le cadre du traitement des TOC, le principe de la TCC est d’exposer le sujet à ce qui lui fait peur, en lui demandant de ne pas réaliser son rituel. Par exemple, une personne qui craint une contamination bactérienne est placée devant un évier avec pour consigne de ne pas se laver les mains. « L’exposition est progressive, on commence par ce qui fait le moins peur, et d’abord par l’imaginaire. Nous enseignons des techniques pour réduire l’anxiété autrement que par le rituel, comme la respiration contrôlée ou la méditation », explique la Dre Marie-Thérèse Clerc, médecin associée à l’unité de psychiatrie interventionnelle du Service de psychiatrie d’âge universitaire. avancé au CHUV et spécialiste en TCC. Le but est de vivre une situation anxiogène de manière positive. En observant que l’anxiété peut diminuer sans avoir recours au rituel, le patient est renforcé dans sa capacité à la gérer. « En fin d’exposition, si la personne se lave encore les mains, ce n’est pas grave, l’essentiel est d’avoir déjà osé ​​résister à la contrainte pendant dix secondes, puis vingt secondes. Chaque petite victoire compte», rassure le psychiatre.

Vivre avec une personne atteinte de TOC

Pour les proches, le TOC est également très difficile à vivre. Paola Tedeschi est présidente de l’Association de soutien aux personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs (AETOC) à Genève et fondatrice de l’association VivaMente. Son fils a souffert de TOC sévères et résistants pendant des années avant de chercher à se faire soigner dans le cadre d’un programme intensif de TCC. « Vivre avec quelqu’un qui souffre de TOC, c’est vivre avec un TOC, tout le monde est dedans. Au début, nous pensions qu’il valait mieux aider notre fils à faire ses rituels, mais plus nous participions, plus il rituellait et plus nous faisions le jeu de la maladie. Petit à petit, toute la famille est prise en otage. Il faudrait refuser d’entrer dans le rituel mais c’est très difficile et il y a trop peu d’informations disponibles pour les proches. À l’AETOC, nous offrons la possibilité aux proches de participer à des groupes de discussion. »

 
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