France, Belgique, même combat ?

France, Belgique, même combat ?
France, Belgique, même combat ?

Une explosion. L’Espagne emprunte désormais à un taux plus avantageux que la France. C’est déjà le cas depuis un certain temps pour le Portugal. Chez nos voisins, nous semblons enfin prendre la mesure de la dégradation des finances publiques. Michel Barnier, Premier ministre, a réclamé un effort de 60 milliards d’euros, rien que pour l’année prochaine. En Belgique, le réveil est également douloureux. Avec une différence notable : notre « petite » économie ne peut probablement pas se permettre les largesses de notre voisin.

Depuis plusieurs jours, les finances publiques agitent (enfin) le monde politique français. La faute en revient à un dérapage budgétaire incontrôlé, qui pousserait le déficit à plus de 6 % du PIB en 2025 – le dernier de la classe européenne – si aucune mesure n’est prise. Le pire, c’est que cette anticipation accrue est venue de nulle part. Le « quoi qu’il en coûte » de la période covid ou de la crise énergétique n’est pas ici en cause. Au point que la presse française se demande si ce dérapage n’a pas été délibérément dissimulé et s’il n’a pas provoqué la dissolution surprise d’Emmanuel Macron en juin dernier.

Michel Barnier, Premier ministre, n’a eu d’autre choix que de siffler la fin des vacances. La semaine dernière devant l’Assemblée, le vieux loup de mer de la politique française a appelé un chat un cha : si la France ne remet pas de l’ordre dans ses finances publiques, elle sera confrontée à une dette « colossale » qui « placera le pays au bord du précipice ». ». Fin juin, cette dette s’élevait à 3 228 milliards d’euros, soit 112 % du PIB. Les frais de la dette représentent déjà le deuxième poste de dépenses de l’État français, derrière l’éducation.

L’ampleur de l’effort est désormais connue. Michel Barnier veut revenir au déficit de 3% en deux temps : 60 milliards d’euros pour ramener le déficit à 5%, en 2025, avant d’atteindre l’objectif européen de 3%, en 2029. Pour ce faire, celui qui n’a plus grand-chose perdre politiquement, c’est viser un tiers de nouveaux impôts et deux tiers de réductions des dépenses. Les idées pour le premier tiers ont proliféré ces derniers jours. Pour les deux tiers restants, le Premier ministre s’est montré beaucoup plus vague.

Taux d’emprunt

Cette situation précaire des finances publiques a pesé sur le sentiment du marché à l’égard de la dette française. Depuis fin septembre, l’Espagne peut régulièrement se refinancer à un taux plus attractif que la France. Le taux de référence, le rendement de l’obligation à 10 ans, est, au moment de la rédaction, de 2,96% pour la France contre 2,93% pour l’Espagne. C’est une première depuis 2006, deux ans avant la crise financière qui a plongé l’Espagne, le Portugal, l’Italie et surtout la Grèce dans la crise des dettes souveraines.

Le taux d’emprunt du Portugal à 10 ans, à 2,73%, est déjà inférieur à celui de la France depuis plusieurs mois. Mais le 26 septembre, nouveau coup de foudre, le rendement des obligations grecques à cinq ans est tombé en dessous de celui de la France. Oui, la Grèce, un État au bord de la faillite, il y a une quinzaine d’années.

Cette dégradation de la dette française s’est accentuée depuis la dissolution décrétée par Emmanuel Macron. LE propagé alors que le taux allemand à 10 ans était alors de 0,5%, il est désormais de 0,8%, alors que l’économie allemande est au plus mal. Mais selon Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management de Paris et Lille, l’origine du problème est antérieure au séisme politique et n’est pas vraiment une surprise. “Car depuis quelques temps, nous avons la conjonction de plusieurs facteurs de soutenabilité de la dette qui se détériorent en France, alors qu’ils s’améliorent sensiblement en Espagne et au Portugal.”

Le rendement des obligations grecques à cinq ans est tombé en dessous de celui de la France.

Dette nette de l’État

Trois facteurs déterminent la viabilité de la dette. Premièrement, l’ampleur de cette dette et du déficit. On constate cependant que depuis 2023, le déficit français est plus profond que le déficit espagnol. Le Portugal a même réussi à créer un excédent de 1,2% de son PIB cette année-là. « Et quand on regarde les perspectives pour 2024 et les années suivantes, on voit que cette situation va perdurer », ajoute Eric Dor. Cela s’établit donc dans le temps. Et le même constat s’applique au niveau de la dette publique française qui est désormais supérieure à celle de ses voisins ibériques : « Le Portugal est même déjà tombé en dessous de 100 % », souligne l’expert.

Ensuite, il y a la situation économique. Plus la croissance est forte, plus la dette est facile à supporter. Tout simplement parce que la dette et le déficit sont mesurés en proportion du PIB. Plus la croissance augmente, plus le dénominateur augmente et plus les ratios seront faibles. Et qui dit plus de croissance dit aussi plus de recettes fiscales, via la TVA, l’IPP et l’Isoc.

« Mais que voit-on ? Que depuis 2023, l’Espagne et le Portugal ont eu une bien meilleure croissance que la France », note l’économiste. Avec 2,5% de croissance en 2023, l’Espagne est même au niveau de croissance des États-Unis, alors qu’elle n’était que de 0,7% en France. Le Portugal a connu une croissance de 2,3%. « Et encore une fois, les prévisions montrent que cela va continuer. »

Le dernier facteur est moins connu et concerne la dette nette des États, c’est-à-dire la position globale d’une nation vis-à-vis du reste du monde. La situation d’un pays est favorable lorsque les actifs nets privés sont supérieurs à la dette publique de l’État. « On dit que ces pays ont une revendication nette sur le reste du monde, explique Eric Dor. C’est une bonne situation car, in finenous ne dépendons pas du financement du reste du monde.

Durant la crise de la dette souveraine, ce sont les pays les plus dépendants du financement extérieur qui ont le plus souffert. La Grèce en premier lieu : les investisseurs étrangers n’avaient plus confiance et boudaient la Grèce qui tombait droit dans le mur. « Aujourd’hui, l’Espagne, le Portugal et la France sont endettés envers le reste du monde. Mais cette dette a tendance à diminuer côté ibérique, alors qu’elle a tendance à augmenter côté français », poursuit Eric Dor.

Sur les cinq pays qualifiés de PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) lors de la crise des dettes souveraines, trois sont clairement sortis de l’ornière. Le Portugal et l’Espagne sont sur la bonne voie, l’Irlande affiche d’énormes excédents et ne sait plus comment dépenser son argent public. La Grèce, de son côté, est désormais bien en dessous de l’objectif de 3% de déficit, à 1,6% en 2023 et bientôt à 0,8% en 2025. Sa dette, qui reste très élevée, va passer de 162 % à 149 % dans la même période de temps. En revanche, l’Italie reste l’enfant terrible des finances publiques de la zone euro. Sa dette passera de 137% en 2023 à 141,7% en 2025, selon les prévisions.

À politique inchangée, notre déficit atteindra 4,7 % l’année prochaine et notre dette augmentera jusqu’à 106,6 % du PIB. © Getty Images/iStockphoto

La Belgique et les sanctions

Et la Belgique dans tout ça ? Elle a visiblement reçu son carton d’invitation au « Club Med » depuis quelques temps. Notre pays peut compter sur une dette extérieure nette positive, mais tous les autres indicateurs sont au rouge. À politique inchangée, notre déficit atteindra 4,7 % l’année prochaine et notre dette augmentera jusqu’à 106,6 % du PIB. A plus long terme, le Bureau du Plan prévoit même une dégradation du déficit à 5,6% et une dette à 116,8% du PIB en 2029. Le poids de la dette dépasse actuellement les 10 milliards d’euros et est, là encore, l’un des premiers postes de dépenses. Si l’on y ajoute un taux d’emploi qui reste un problème structurel dans notre pays, la position de la Belgique n’est, a priori, guère plus enviable que celle de la France. Le taux portugais à 10 ans est également tombé en dessous du taux belge.

La Belgique et la France sont au cœur d’une procédure de déficit excessif. L’Europe attend d’eux une trajectoire tangible qui les mettra sur la bonne voie budgétaire. Sinon quoi ? C’est toute la question. Depuis l’entrée en vigueur du Pacte de stabilité, peu de pays ont effectivement subi des sanctions financières. Et depuis des années, la France reçoit une tape sur les doigts, sans conséquence. Comment sanctionner la deuxième puissance économique du Vieux Continent ?

La Commission européenne, en quête de crédibilité, se pose encore la question. Pour l’instant, il s’agit d’un vœu pieux, mais reste à savoir si la récente réforme des règles budgétaires changera la donne. La Belgique, en tant que « petit » pays, ne peut sans doute pas se permettre les largesses de son voisin et sera plus punissable.

Mais si l’on s’en tient aux marchés, ils semblent accorder un peu plus de crédit à la soutenabilité de la dette belge. L’explication ici est en partie politique. Le gouvernement de Michel Barnier a une durée de vie inconnue. “Le contexte est qu’on ne sait pas s’il réussira à mener à bien son effort de 60 milliards d’euros”, commente Eric Dor. En Belgique en revanche, une majorité stable semble se dessiner, avec la volonté de prendre des mesures visant à respecter le Pacte de stabilité.»

Dépenses publiques

Dans les deux cas, reste à préciser comment réduire ces fameuses dépenses publiques. Avec un avantage pour notre pays, selon le professeur de l’IESEG : “La Belgique, l’Espagne et le Portugal ont déjà réussi à réduire drastiquement leurs dépenses, contrairement à la France.” En effet, de 1995 à 2007, notre pays a réussi à réduire ses dépenses de 4% du PIB, le Portugal de 7,1% entre 2013 et 2019.
Bref, rien d’insurmontable pour la France : « Il faut bien sûr éviter une austérité excessive qui serait contre-productive, mais de nombreux pays européens ont déjà réussi à réduire significativement leurs dépenses publiques récemment. En comparaison, l’effort envisagé par la France est assez banal », conclut l’économiste. D’ailleurs, cette rigueur budgétaire, comme on préfère l’appeler aujourd’hui, semble avoir réussi à ceux qui l’ont pratiquée récemment.

“L’effort envisagé par la France est assez banal.”

En attendant, les Belges et les Français peuvent toujours se porter garants de leurs dirigeants. Avec leur épargne de plusieurs centaines de milliards d’euros et un taux d’épargne parmi les plus élevés de la zone euro, ils restent une grande Source de financement et de calme pour les marchés : l’emprunt obligataire de l’État belge lancé l’année dernière l’a clairement démontré. C’est aussi pour cette raison que nos deux pays conservent une notation plutôt favorable de la part des agences de notation. Mais attention à la pente glissante. Demain, l’agence Fitch se penchera sur le cas français, Moody’s fera de même le 25 octobre.

 
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