Pourquoi la Belgique a-t-elle du mal à utiliser les fonds européens ?

Pourquoi la Belgique a-t-elle du mal à utiliser les fonds européens ?
Pourquoi la Belgique a-t-elle du mal à utiliser les fonds européens ?

Présentant le rapport de la Cour des comptes européenne, Annemie Turtelboom, membre belge de la Cour, a souligné le faible taux d’absorption des fonds structurels par notre pays.

«En Belgique, un élément est frappant», constate Annemie Turtelboom, membre belge de la Cour des comptes européenne. C’est notre faible taux d’absorption. En d’autres termes, nous ne sommes pas doués pour tirer pleinement parti de la dotation en argent européen. «C’est économiquement préjudiciable, car plus vite cet argent européen est absorbé, plus vite il entre dans l’économie et plus vite l’économie peut bénéficier de cette valeur ajoutée. Et la rapidité avec laquelle un pays absorbe les fonds est aussi un signe de bonne gestion financière », ajoute Annemie Turtelboom.

Ce n’est pas un signe de bonne gestion

En 2023, le montant total des paiements au titre des Fonds structurels et d’investissement accordés pour la période 2014-2020 a atteint 450,6 milliards d’euros, ce qui correspond à un taux d’absorption de 91,5 % de l’enveloppe totale de 492,6 milliards d’euros. Mais la Belgique se situe en dessous de cette moyenne. «Nous sommes en 19e position, avec un taux d’absorption de ces fonds de 88%», regrette Annemie Turtelboom. On est loin des pays comme la République tchèque, l’Irlande ou la Hongrie qui ont des taux de 98 à 99 %.

« Nous n’avons jamais fait d’analyse par État membre et je ne peux donc pas dire pourquoi la Belgique a autant de difficulté à absorber ces fonds. Cela pourrait être dû à la complexité de l’État, mais je ne peux pas vraiment le dire avec certitude. Mais la situation se détériore. Il y a cinq ans, le taux d’absorption en Belgique était meilleur qu’aujourd’hui. »

La Cour est encore plus sévère à l’égard du budget de l’Union européenne. Un budget relativement réduit : il s’élève à 191 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 48 milliards du FRR, la « facilité pour la reprise et la résilience », principal instrument de financement de Next Generation EU, la relance post-covid.

Avis défavorable

Si la Cour des comptes n’a pas d’observations majeures sur les recettes du budget européen, elle se montre en revanche très critique du côté des dépenses, sur lesquelles elle donne un « avis défavorable », et ce pour la cinquième année consécutive !

La Cour constate en effet une augmentation significative des erreurs. Une erreur est une dépense qui n’aurait pas dû être financée par le budget de l’Union, car, explique la Cour, cet argent « n’est pas utilisé conformément à la législation européenne en vigueur et n’est donc pas dépensé comme prévu par le Conseil et l’Union européenne ». Parlement lors de l’adoption de cette législation, ou lorsqu’elle n’est pas utilisée conformément aux règles nationales spécifiques».

«Nous évaluons négativement les dépenses du budget général, car le taux d’erreur continue d’augmenter. Alors qu’il était de 2,7% en 2019, 3% en 2021, 4% en 2022 et 5,6% en 2023», souligne Annemie Turtelboom. C’est notamment le cas des Fonds de cohésion, qui représentent près de 40 % du budget européen, et pour lesquels la marge d’erreur dépasse 9 % », a-t-elle précisé. Et on peut penser que ce qui est vrai pour les fonds de cohésion l’est aussi pour le FRR, le fonds de résilience, pour lequel la Belgique a reçu une avance de 770 millions en juillet dernier. Annemie Turtelboom donne également l’exemple d’un projet ferroviaire français qui a bénéficié de ce fonds de résilience alors même que les bons de commande de ce projet avaient été émis avant la période covid.

Erreurs et fraude

“La plupart des erreurs concernent le non-respect des règles en matière d’aides d’Etat et de marchés publics, ainsi que des projets qui ne sont normalement pas subventionnables”, explique Annemie Turtelboom.

Une erreur n’est pas une fraude, mais elle n’est pas non plus le signe d’une bonne gestion financière. « Je vais vous donner un exemple. Si à un moment donné une institution a un projet pour lequel elle n’a pas publié d’avis de marché, il est tout à fait possible qu’elle utilise cet argent de manière non frauduleuse, mais le fait que toutes les entreprises n’ont pas la possibilité de participer sur ce marché n’est pas non plus le signe d’une bonne gestion financière. »

Pourquoi tant d’erreurs ? « Nous voyons plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est la fin du cadre pluriannuel, ce qui signifie qu’il y a une certaine pression (sur les administrations nationales) pour absorber les budgets européens. Ce ne sont donc pas toujours les meilleurs projets qui sont présentés. En 2020, les États membres ont également bénéficié d’une grande flexibilité dans la reprogrammation des fonds et la déclaration des dépenses. Une plus grande flexibilité signifiait également qu’une plus grande créativité était possible. Et troisièmement, dans cette période post-Covid, il est devenu plus difficile pour les autorités d’effectuer davantage de contrôles et de vérifications, ce qui a bien entendu également un impact négatif sur le taux d’erreur. »

« Le taux d’erreur n’est pas une mesure de fraude, d’inefficacité ou de gaspillage », rappelle Annemie Turtelboom. Il s’agit d’une estimation du montant d’argent qui n’a pas été utilisé conformément aux règles européennes ou nationales en vigueur. Cependant, nous signalons régulièrement des cas de fraude présumée. Cette année, nous avons signalé vingt cas, contre 14 en 2022. L’OLAF a ouvert 4 enquêtes et 17 de ces cas ont été signalés simultanément au Parquet européen, qui a ouvert 9 enquêtes », ajoute-t-elle.

 
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