Le Jura, champion de l’édredon

Publié le 6 octobre 2024 à 11h05. / Modifié le 6 octobre 2024 à 15h31

Ma semaine suisse

Chaque dimanche, notre chroniqueur suit l’actualité politique suisse.

Retrouvez toutes ses chroniques

Ici, on ne cesse de commémorer le passé. Et se poser en héros rebelle. Le plus récent canton de la Confédération, le Jura, sort d’une nouvelle année d’autocélébration à l’occasion du 50e anniversaire du plébiscite de 1974. Le vote qui a vu les Jurassiens accepter de se séparer de Berne et d’entrer en souveraineté. Films, expositions, conférences, exhumation de la pierre symbolique d’Unspunnen, autrefois volée aux Bernois par des militants, c’est le retournement des morts. Et dans cinq ans, nous récidiverons pour le 50e anniversaire de la reconnaissance par le peuple et les cantons suisses. On passe donc des commémorations aux anniversaires pour mieux ignorer le vide. Cet avenir qui nous tourmente.

A cet égard, le canton créé par les purs et durs Jurassiens d’hier est sans doute le plus bel hommage vivant à la capacité d’assimilation de la Confédération. L’apothéose de la technique du quilt. Plongez dans les opinions des autres sans vous exposer. Dans ce canton, la révolution n’a pas dévoré ses enfants, elle les a décorés. Ou plutôt commémoré. Pour mieux respecter leur révolte. Et puis elle s’est rendormie. Pas de bruit, pas de vagues. Ni la tête ni l’idée ne ressortent. Nous administrons. Au fond, cette petite région a retrouvé ses racines conservatrices. Même s’il s’autorise parfois des votes progressistes, ce canton reste un peu effrayé par son audace d’antan. Trop d’idées, trop de rêves, trop d’utopies sont nées il y a 50 ans pour qu’il n’éprouve pas de remords aujourd’hui. Rêver, ce n’était pas très suisse. Son penchant naturel le pousse à se fondre dans cette Suisse institutionnelle, un peu terre à terre, isolée, sans grandes visions ni grands projets. Cette Suisse officielle tant vilipendée au temps de la lutte nationale.

Le Temps publie des chroniques, rédigées par des membres de la rédaction ou des personnes extérieures, ainsi que des avis et tribunes, proposés à des personnalités ou demandés par elles. Ces textes reflètent le point de vue de leurs auteurs. Ils ne représentent en aucun cas la position des médias.