En Haute-Vienne, les pharmaciens sont confrontés à une augmentation des fausses ordonnances

En Haute-Vienne, les pharmaciens sont confrontés à une augmentation des fausses ordonnances
Descriptive text here

Le syndicat des pharmaciens de Haute-Vienne et plusieurs professionnels des zones urbaines et rurales se disent confrontés à une augmentation du nombre de fausses ordonnances. Des documents falsifiés afin d’obtenir des drogues utilisées comme stupéfiants, voire revendues au marché noir.

« Nous en avons au moins un chaque semaine. » Si le phénomène des fausses prescriptions est national et touche particulièrement les grandes métropoles, les pharmaciens de Haute-Vienne ne sont pas épargnés.

Certains affirment être confrontés de plus en plus souvent à cette manipulation frauduleuse qui consiste à modifier des éléments sur un document, initialement validé et légalement délivré par un médecin. L’ordonnance peut donc être falsifiée à partir d’une copie authentique, ou provenir d’un carnet d’ordonnances médicales volé.

Vigilance constante

Exemple : une personne modifie délibérément des éléments, comme le nom des médicaments, ou encore la date, avant de se rendre en pharmacie pour obtenir les médicaments qu’elle souhaite, même si aucun médecin ne les a prescrits.

En Haute-Vienne, les pharmaciens ont créé un groupe Facebook pour s’alerter lors d’une visite de fraudeurs dans leur officine. « On assiste à une expansion de ce phénomène qui mobilise tous les pharmaciens. Il faut être vigilant à tout moment, car ces ordonnances falsifiées sont de mieux en mieux exécutées. On peut se tromper si on ne vérifie pas chaque élément », indique Nicolas Grésis, pharmacien à Saint-Yrieix-la-Perche et co-président du syndicat des pharmaciens de Haute-Vienne.

Comment détecter une fausse ordonnance ? « Généralement, il y a des fautes d’orthographe, des dosages erronés, des médicaments qui ne correspondent pas au traitement du patient, voire des erreurs d’identification du médecin. Tout cela nous concerne et nous effectuons plusieurs contrôles », explique Nicolas Grésis.

Certains sont prêts à parcourir des kilomètres pour acheter dans un département voisin.

« Nous vérifions toujours la commande deux fois pour déterminer si elle est recevable ou non. Sur les ordonnances falsifiées, les gens changent parfois le numéro du médecin, alors nous appelons pour voir si nous trouvons le vrai médecin. Parfois c’est un complice qui répond, alors on cherche le vrai numéro sur Internet. L’adresse peut également être modifiée. On procède de la même manière en vérifiant sur Internet si cela correspond», explique Pierre Lalande, gérant de la pharmacie Mas-Cerise à Feytiat.

Limoges : en manque d’héroïne et de cocaïne, il falsifie l’ordonnance de son fils

«On m’en a présenté un falsifié, la semaine dernière encore», déplore un professionnel de la pharmacie Saint-Lazare de Limoges. J’ai vu qu’il s’agissait d’un médicament connu pour son usage abusif, un sirop contre la toux à base de codéine. J’ai fait quelques vérifications supplémentaires et j’ai vu que l’ordonnance datait de novembre. Une erreur indubitable. »

« Le problème est que les erreurs sont de plus en plus difficiles à détecter. Certains parviennent même à reproduire des prescriptions sécurisées. »

vide (vide)

A Feytiat, un médecin et le pharmacien du Mas-Cerise, Pierre Lalande, ont décidé de collaborer pour éviter toute erreur : « Nous échangeons des documents via une messagerie sécurisée pour limiter les risques. » « Nous recevons également des alertes de la Sécurité sociale si des personnes ont déjà été signalées utilisant de fausses ordonnances. Lorsqu’ils viennent chez nous, nous sommes encore plus vigilants. Ensuite, nous conservons les fausses ordonnances et les transmettons à l’agence régionale de santé », explique Nicolas Grésis.

Tensions d’approvisionnement

« Le problème, c’est que ces personnes signalées font le tour des pharmacies du département avant de se rendre compte qu’aucun professionnel du département n’est habilité à leur vendre un médicament. Certains sont alors prêts à parcourir des kilomètres pour acheter des médicaments dans un département voisin. Nous recevons parfois des alertes de Charente par exemple », complète un pharmacien de Limougeau. Résultat, certaines personnes sont inscrites et la Sécurité sociale ne les prend plus en charge.

Si des personnes sont signalées, certains médicaments sont également « répertoriés » pour mauvaise utilisation. « Il existe plusieurs types de produits. Certains sont utilisés comme stupéfiants. Ozenpic est un médicament antidiabétique qui est actuellement largement utilisé à mauvais escient. On l’utilise pour perdre du poids, tout comme la pioche en 2009. Autant vous dire que les conséquences sur la santé peuvent être dramatiques», déplorent les pharmaciens interrogés. Autre médicament détourné, la prégabaline, un antidiabétique « vendu pour tournage au marché noir » selon Pierre Lalande, directeur de la pharmacie Mas-Cerise à Feytiat.

Morphine, anxiolytiques, codéine, tout y passe. Que ce soit pour une addiction ou le marché noir. « Ces drogues trafiquées se vendent à un prix très élevé et sont envoyées comme des colis. En pharmacie, la boîte est vendue 9 euros, contre 20 € la gélule au marché noir », assure Pierre Lalande. Autre phénomène, l’effet de mode sur les réseaux sociaux : « les influenceurs font des vidéos disant qu’un produit fait maigrir alors que ce n’est pas l’usage premier. Ensuite, des gens nous le demandent ou vont jusqu’à rédiger de fausses ordonnances pour l’obtenir. »

Notre rôle est de veiller à ce que les gens prennent correctement leurs médicaments.

« C’est un sujet qui met la profession en tension, car à cause de ce trafic, nous sommes confrontés à des tensions d’approvisionnement, voire à des pénuries de certains médicaments », déplore le coprésident du syndicat des pharmaciens. « C’est une grande responsabilité sur nos épaules. Notre rôle est de veiller à ce que les gens prennent correctement leurs médicaments. Il ne faut pas oublier qu’en cas de mésusage, cela peut avoir des conséquences sur la santé, voire une hospitalisation. Tout cela génère d’énormes coûts en termes de santé publique. Il faut sacraliser la médecine», assure Pierre Lalande.

Le professionnel souhaiterait également qu’une solution soit trouvée pour sécuriser le parcours de la prescription, du médecin au pharmacien : « Il nous faut une structure fiable, un canal sécurisé pour mieux contrôler les prescriptions. Cela pourrait se faire au moyen d’un papier spécifique avec un filigrane impossible à reproduire. Dans d’autres professions réglementées, cela existe. Vous ne repartez pas chez le notaire avec une feuille A4 vierge. »

Pour l’instant, aucun changement n’a été annoncé. Contacté, l’Ordre des Pharmaciens n’a pas répondu à nos demandes.

Le couple a volé et falsifié des ordonnances pour se procurer des médicaments en Haute-Vienne

Émilie Montalban

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV ce qu’il faut savoir sur les routes fermées, les déviations et les parkings
NEXT la musique classique s’invite au Mémorial des Martyrs de la Déportation