Clara, franco-libanaise contrainte de rentrer à Paris

Clara, franco-libanaise contrainte de rentrer à Paris
Clara, franco-libanaise contrainte de rentrer à Paris

Par

Sarah Coulet

Publié le

4 octobre 2024 à 7h36

Voir mon actualité
Suivez l’actualité parisienne

«J’aurais aimé quitter le Liban quand je l’ai choisi, non pas parce que je fuyais une guerre. » A l’autre bout du fil, l’émotion de Clairede retour à Paris pour trois jours, est palpable. Samedi 28 septembre 2024, au lendemain de l’assassinat de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah tué par une cible israélienne à Beyrouth, notre témoin a décidé de quitter le Liban pour rentrer en France.

A lire aussi : Var : un navire militaire quitte Toulon à destination du Liban pour l’éventuelle évacuation de ressortissants français

Un million de déplacés

La décision a été très difficile à prendre pour cette jeune femme de 27 ans qui vit depuis deux ans dans la capitale du pays du Cèdre, d’où est originaire son père et où elle a construit sa vie professionnelle (elle travaille pour une entreprise libanaise), conviviale et sociale.

Son quotidien est d’abord marqué par l’inflation et les coupures d’électricité. Puis, à partir de ce mois de septembre 2024, par l’ombre d’un conflit armé avec Israël, son voisin du sud.

« En attendant, Beyrouth avait été épargnée. On n’avait pas vraiment l’impression que le pays était en guerre, car les frappes étaient concentrées dans le sud. On était un peu dans une bulle”, se souvient-elle. Actualités parisiennes. Une « bulle » avec, en bande-son, cependant, le bruit des drones et avions israéliens qui « franchissent le mur du son », provoquant des détonations « comme des explosions ».

Le mardi 17 septembre 2024, lorsque des centaines de pagers du Hezbollah ont explosé, les conséquences de la guerre au Moyen-Orient sont devenues plus concrètes, notamment en raison de l’afflux de réfugiés en provenance des plaines de la Bekaa.

Vidéos : actuellement sur Actu

Selon les autorités libanaises, un million de personnes (sur un pays qui en compte cinq) ont pris la route pour tenter d’échapper aux bombardements israéliens. « Les axes étaient totalement submergés. J’ai commencé très progressivement à voir la guerre s’infiltrer sous nos yeuxmoi qui la voyais de loin », raconte Clara.

« Un mini tremblement de terre »

Un équilibre fragile qui a vacillé vendredi 27 septembre 2024, lors d’un gigantesque attentat à la bombe à Beyrouth, qui a donc tué le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. “En l’espace de quelques secondes, 80 bombes sont tombés sur la banlieue sud de la ville, une zone très densément peuplée avec de nombreux civils. Beyrouth n’est pas une grande ville, ça a créé un mini tremblement de terre », se souvient-elle.

Pour la première fois, la jeune femme a eu peur : « J’avais l’impression que des bombes allaient me tomber sur la tête. »

Les quarante-huit heures qui suivent, « une personne malade »va la pousser à réserver un billet dans le premier avion disponible pour Paris.

Il était impossible de dormir. Toutes les dix minutes, des bombes illuminaient complètement la nuit. Il y avait le bruit, l’image, la fumée. C’est très étrange parce qu’on sait que, juste à côté, les gens meurent par centaines.

Claire
Franco-libanais ayant fui Beyrouth

Face à la violence de ces attentats, Clara a le sentiment que ce conflit n’obéit plus pas de logique : « La guerre est rapidement passée à un stade supérieur. Nous n’avons pas suivi les règles d’engagement classiques. C’est complètement ce côté imprévisible qu’ont pris les affrontements qui m’ont convaincu de partir. »

“Certains passent par la Jordanie ou l’Irak”

Un défi en soi puisque seul le Compagnies aériennes du Moyen-Orient continue de desservir le pays, Air France et Transavia ayant annoncé la suspension de leurs vols jusqu’au 8 octobre 2024.

«J’avais peur que l’aéroport finit par être bombardécomme en 2006, reconnaît-elle. Je ne me voyais pas attendre les évacuations par bateau que les ambassades commencent à proposer. »

Après de longues heures passées à mettre à jour le site Internet de la compagnie aérienne nationale, une place s’est libérée dans un vol pour Paris via Chypre. Les escales sont devenues obligatoires pour quitter le pays. « Certains passent par la Jordanie ou l’Irak », énumère Clara.

Prochaine étape : rejoindre l’aéroport de Beyrouth, ce qui nécessite de passer par la banlieue sud, zone particulièrement ciblée par les tirs de l’armée israélienne. Nouvelle montée du stress pour la vingtaine : « Notre vol était en pleine nuit. C’est le pire moment, car c’est là que les grèves sont les plus violentes. »

« On a le sentiment que nous sommes le deuxième Gaza »

Mais le voyage s’est déroulé sans encombre et, après une escale à Chypre, Clara a atterri à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, soulagée.

Je suis heureux d’être chez mes parents et de ne pas avoir à subir ce stress, m’attendant toujours au pire chaque fois que quelqu’un fait une drôle de tête en regardant son téléphone. Mais c’est dur d’être loin.

Claire
Franco-libanais ayant fui Beyrouth

Une distance d’autant plus difficile à vivre qu’elle mes amis, sur famille et son collègues sont toujours sur place. «Je pleure un peu tout le temps», murmure-t-elle.

Alors, pour ne rien rater de l’évolution de la situation, elle suit les informations minute par minute. Mais après avoir vécu les attentats et été témoin de leurs conséquences désastreuses, souvent mortelles, la jeune femme a trouvé un traitement médiatique en France. très distancié, presque déshumanisé et préfère s’appuyer sur les médias libanais.

« Nous entendons parler de la confrontation imminente entre Israël et l’Iran, du Hezbollah… Mais on ne parle pas beaucoup des civils, qui sont néanmoins touchés à chaque grève. Toute cette année, il y a eu Gaza, c’est tout ce dont nous avons parlé au Liban. On a le sentiment que nous sommes le deuxième Gaza. »

L’état d’esprit de la population, face à la possibilité d’un nouveau conflit, oscille entre colère et résignation.

Il y a des membres de ma famille pour qui c’est la cinquième ou la sixième guerre. Les Libanais se sentent pris dans une spirale de violence qu’ils n’ont pas du tout choisie.

Claire
Franco-libanais ayant fui Beyrouth

« Partir, mais pour aller où ? »

Depuis l’appartement du 20e arrondissement de Paris où elle a grandi, la jeune femme mesure sa chance d’avoir pu choisir entre rester ou partir.

« J’ai des cousins ​​qui ont la nationalité américaine par l’intermédiaire de leur père, mais qui ne sont jamais allés aux Etats-Unis. Dans l’absolu, ils auraient pu partir, mais vers où ? Ils n’ont pas pas d’attachement ailleurs qu’au Liban. »

En France depuis moins d’une semaine, Clara sait que ce retour n’est que temporaire. « Cela ne signifie pas du tout la fin de mon expérience au Liban. Ma vie professionnelle et sociale est là. J’ai envie d’y retourner pour me réancrer. Là, pour l’instant, Je me sens juste déchiré. Je suis attaché à ce pays dans le bonheur comme dans le malheur. Aujourd’hui, il est impossible de vivre en paix sachant qu’un de mes deux pays est en guerre. Émotionnellement, j’y suis. »

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias préférés en vous abonnant à Mon Actu.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV le film de Gilles Perret et François Ruffin arrive en avant-première en Haute-Savoie
NEXT L’équipe de France qualifiée pour la demi-finale de la Coupe du Monde après sa victoire face au Paraguay (2-1)