– À Lausanne, il y a 60 ans, Expo 64 secouait la Suisse
L’Exposition nationale ouvre ses portes le 30 avril 1964, dans le but de remuer le pays, considéré comme prospère mais amorphe. Mission accomplie.
Publié aujourd’hui à 7h30
Le 30 avril 1964, les cloches du pays sonnent bruyamment. A Lausanne, le président de la Confédération Ludwig Von Moos coupe le ruban rouge et blanc avec des ciseaux dorés. Les Suisses débarquent à Vidy sur 60 hectares, dont un tiers gagnés sur le lac Léman. Là, le futur commençait. Nous nous y rendons en monorail. Nous nous apprêtons à visiter le fond du lac à bord du premier sous-marin touristique De l’histoire. Et la garderie Expo 64 propose aux enfants un voyage sur la Lune à bord d’une soucoupe volante.
Audacieuse et controversée, l’Exposition nationale de Lausanne coïncide avec une époque de changements dans Infrastructure et dans les mentalités, qu’il s’agisse de la consommation – l’ère de l’automobile et de la cigarette, vers laquelle nous revenons aujourd’hui – ou de la société, avec l’évolution du statut de la femme. La plus grande manifestation jamais organisée en Vaud est le résultat de ces divisions entre traditionalisme et modernisme.
La « Feuille d’Opinion lausannoise » ne s’y trompe pas, dans un supplément de quatorze pages paru le jour J : « Malgré un climat de scepticisme trop répandu, voire de défaitisme – qui prouvait déjà à quel point, dans une Suisse de prospérité, cette démonstration était nécessaire. – Lausannois et Vaudois ont trouvé soutien et enthousiasme partout, dans toute la Confédération, explique le journaliste Pierre Cordey. Expo 64 s’est déjà affirmée, dans sa préparation, à l’échelle nationale.
La capitale vaudoise peut se targuer d’être la première prête à temps, contrairement aux expositions nationales de Zurich (1883), Genève (1896), Berne (1914) et Zurich (1939). Et Lausanne réserve bien plus qu’une consolation après avoir laissé filer les Jeux olympiques d’été de 1960 au profit de Rome. Le jour de l’ouverture, l’événement comptait 21 246 inscriptions, avant que la fréquentation ne décolle pour atteindre 165 290 visiteurs le dernier jour. Au total, 12 millions de personnes s’y rendront dans six mois.
Soutenu par la dégénérescence
Au début des années 1960, l’économie nationale se portait si bien que la Suisse semblait en souffrir, a constaté le Conseil fédéral. “La population pourrait dégénérer en une masse amorphe”, ajoute le directeur d’Expo 64, Edmond Henri. Parmi les individus interrogés lors d’une étude préparatoire, certains étaient d’accord : « Beaucoup ne voient pas plus loin que le réfrigérateur ». Expo 64 ne peut donc se contenter, comme les expositions précédentes, de glorifier l’identité nationale. Et cela soulève donc deux questions essentielles : où en sommes-nous ? Et que nous réserve l’avenir ?
Les visiteurs peuvent imaginer leur avenir dans huit secteurs répartis dans une seule entité « multicellulaire », selon l’expression de l’architecte en chef Alberto Camenzind, et non plus dans un ensemble de pavillons. Le premier secteur, « La Voie Suisse », vous invite à méditer sur l’histoire du pays, ses valeurs culturelles, son système politique.
Un autre secteur célèbre l’industrie rationalisée à laquelle répondent trois attractions : la symphonie « Les échanges » pour machines à écrire composée par Rolf Liebermann, et « Eurêka », la machine de Jean Tinguely, qui ne produit que de l’émerveillement. Dans les films qu’il propose, le réalisateur et ethnologue Henry Brandt, chargé de déceler les failles et les défauts du système socio-économique, s’interroge : “Est-ce que tout va vraiment si bien ici ?” Mais, dans le dernier secteur, l’armée veille toujours en exhibant ses armes les plus efficaces.
Du haut de la tour « Spirale », les visiteurs découvrent l’ampleur du site conçu par 53 bureaux d’architecture. Des pyramides ont été construites. Max Bill a construit un théâtre Vidy « éphémère ». Une vallée (de la jeunesse) a été façonné. LE premier rond-point du pays voit circuler les premiers passionnés de conduite automobile. L’exposition recommande également aux visiteurs de venir en voiture. Et deux nouveaux ports ont été développés.
A l’Expo 64, où le pass journalier coûte 6 francs, on passe du noir et blanc à la couleur et donne sa propre vision de la Suisse au géant Gulliver, un automate géant connecté à un ordinateur IBM chargé de les étudier. Les réponses à cette enquête sociologique, idée du directeur – et objecteur de conscience – Charles Apothéloz, à laquelle répondront 580’000 personnes, ont tellement embarrassé le Conseil fédéral qu’il censuré. L’une des questions posées reste célèbre : « Peut-on être un bon Suisse et ne se lever qu’à 9 heures du matin ?
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Collaboration : Raymond Esatoglu et Anne-Marie Jaquier, bibliothécaires
Claude Béda est journaliste au journal vaudois de 24 heures. Passionné par les questions de société et la vie des gens d’ici, il a couvert plusieurs régions du canton, avant de rejoindre la rédaction de Lausanne. Plus d’informations
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