Le nombre de sans-abri « explose » à Granby

Cinq mois après la mise en place du premier plan d’action contre l’itinérance, tout n’est pas résolu comme par magie.

Loin de là.

99% des lits occupés

Au refuge Passant, «notre taux d’occupation est de 99%», affirme Steve Bouthillier, directeur de l’organisme situé sur la rue Horner à Granby.

Steve Bouthillier, director of Le Passant shelter (Alain Dion/La Voix de l’Est Archives)

Dix-huit personnes attendent un lit en « hébergement régulier », parmi les 26 proposées par Le Passant. Ils vivent dehors, accroupis chez des amis ou en famille, en attendant qu’une place se libère.

Et sur les 10 lits d’urgence supplémentaires proposés par Le Passant – et auxquels les personnes peuvent avoir accès même si elles sont légèrement intoxiquées – neuf ont été régulièrement occupés ces derniers mois.

L’une des raisons est qu’il existe actuellement un manque criant de logements disponibles.

« L’accès au logement traditionnel est très, très, très faible. [Parmi celles qui en ont un]les personnes qui bénéficient de l’aide sociale ou qui travaillent au salaire minimum ont de la difficulté à trouver ou à pouvoir payer leur logement.

— Steve Bouthillier, director of Le Passant shelter

« Malgré tout ce que nous avons mis en place, notre plan d’action, le leadership qu’a assumé la Ville, nous nous rendons compte que sur le terrain, les choses ne s’améliorent pas nécessairement », reconnaît la mairesse Julie Bumblebee.

Julie Bourdon, mairesse de Granby (Stéphane Champagne/La Voix de l’Est)

Concernant la halte de répit 24h/24 et 7j/7, qui est l’une des mesures phares du plan d’action sans-abri, elle est également toujours attendue.

Mme Bourdon nous a toutefois fait comprendre que des nouvelles en ce sens seraient annoncées prochainement, sans vouloir en dire plus.

Sur le terrain, les besoins sont criants.

Cet été, je suis allée me promener avec la police sur les berges du fleuve. […] Ce qui m’a frappé, c’est l’explosion du nombre de personnes.

— Julie Bourdon, mairesse de Granby

Selon le bourgmestre, le sans-abrisme visible concerne actuellement environ 80 personnes, contre 50 l’an dernier. Cela représente une augmentation de 60 %.

Pour quantifier le sans-abrisme caché – les personnes ayant un toit provisoire, passant d’un plan B à un autre –, elle estime qu’il faudrait multiplier ces chiffres par deux ou trois.

Elle ajoute que la grande majorité de ces sans-abri proviennent de Granby, voire des environs.

Si vous doutez de l’ampleur du phénomène, Partage Notre-Dame a servi plus de repas à petits prix que jamais.

« Une personne assistée sociale qui perd son logement n’arrive plus à en trouver un nouveau. Avez-vous vu les prix des loyers ? — Chantal Descoteaux, directrice de Partage Notre-Dame (Jessy Brown/Archives de la Voix de l’Est)

Du 1er avril 2023 au 31 mars 2024, 2 020 repas de plus ont été servis que l’année précédente, pour un total de 19 371 repas sur cette période.

«La demande pour nos services est toujours croissante», note Chantal Descoteaux, directrice de Partage, qui prévoit dépasser cette année le cap des 20 000 repas servis annuellement.

Un coffre dépourvu d’outils

Le maire refuse d’admettre une certaine impuissance. Il n’aime pas l’expression.

« Nous ne pouvons pas tout réparer, nous ne pouvons pas remplacer, par exemple, le système de santé. Mais même si nous sommes limités dans nos actions, il y a une volonté de la Ville d’agir.

— Julie Bourdon

Selon elle, il manque des éléments dans la boîte à outils de la Ville pour qu’elle puisse réellement faire une différence en matière d’itinérance.

The CIUSSS de l’Estrie singled out

« La toxicomanie et les problèmes de santé mentale sont plus présents parmi la population sans abri. Cette situation est très préoccupante», souligne le maire Bourdon.

À Partage Notre-Dame, nous confirmons cette analyse. «Les problèmes rencontrés par les gens sont plus lourds et plus complexes», explique Mme Descoteaux. Les gens sont plus désorganisés. Nous rencontrons plus souvent des personnes qui souffrent à la fois de problèmes de toxicomanie et de problèmes de santé mentale.

Le directeur de Partage Notre-Dame constate également que ces personnes ont difficilement accès aux services de santé.

Une tente au bord de la rivière Yamaska ​​Nord, à Granby en juillet

Une tente au bord de la rivière Yamaska ​​Nord, à Granby en juillet (Stéphane Champagne/Archives La Voix de l’Est)

Les travailleurs du CIUSSS de l’Estrie-CHUS sont plus présents sur le terrain, mais cela ne suffit pas.

Julie Bourdon aimerait que le CIUSSS accueille et accompagne mieux les sans-abri, notamment « ces quelques-uns » qui assument la majorité des interventions sur le terrain.

Selon Mme Bourdon, « lorsque les interventions sont faites sur le terrain par les travailleurs de rue, le médiateur social ou la police, ces dernières amènent les personnes qui ont besoin de soins vers les services de santé — parce que ce n’est pas notre rôle de les soigner. Mais c’est extrêmement compliqué : ils revenaient parfois dans la rue une heure plus tard.

« Ces personnes ne peuvent pas attendre trois mois avant de bénéficier de services de santé mentale », dit-elle.

Le maire soutient que dans d’autres villes du Québec, « les personnes en situation d’itinérance ont un accès privilégié et peuvent être prises en charge plus rapidement afin de les aider à avancer et à [ultimement] pour sortir de la rue.

Le maire Bourdon donne en exemple le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière qui faciliterait apparemment l’accès aux services de santé mentale aux personnes itinérantes de cette région.

Québec appelé à clarifier les rôles

« Les policiers ne sont ni des travailleurs sociaux ni des psychologues. Ils ne peuvent pas prodiguer de soins. J’ai l’impression que la Ville va bientôt arriver au bout de ce qu’elle peut faire», répète le premier magistrat de Granby.

Si la Ville et le gouvernement ont chacun un rôle à jouer, il serait bien « que le gouvernement du Québec définisse les rôles de chacun », estime Mme Bourdon.

Parce que Granby n’est pas un groupe à part. « La situation est mondiale. L’itinérance continue d’exploser partout», assure celle qui siège également au comité sur l’itinérance de l’Union des municipalités du Québec.

« C’est une question qui me tient à cœur et que j’aimerais résoudre, car pour moi cela n’a pas de sens que les gens dorment dehors et n’aient pas de toit au-dessus de leur tête. Ce n’est pas concevable. [Au final]c’est plus une question de responsabilité et de rôle que d’argent.»

— Julie Bourdon, mairesse de Granby

LE SUCCÈS MALGRÉ TOUT

La réalité de l’itinérance est évidente à Granby. Toutefois, le plan d’action présenté ce printemps n’a pas produit de souris, assure le maire Bourdon.

“Je ne me sens pas impuissant, car je suis optimiste de nature […] et je ne veux pas minimiser les actions qui sont menées sur le terrain.

«Nous avons la chance d’avoir des policiers dévoués, d’avoir notre médiateur social et d’avoir nos organismes communautaires, qui soutiennent tout», énumère-t-elle.

Un deuxième forum sur l’itinérance aura lieu à Granby le 22 novembre.

 
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