une mairie de Dordogne attaque l’Etat pour avoir été classé catastrophe naturelle après refus

jeIls passent à l’offensive. Les élus du Conseil communal de Chancelade, en Dordogne, viennent d’annoncer qu’ils assignent l’État à comparaître. En effet, la commune n’a pas été retenue pour la catastrophe naturelle liée à la sécheresse. Et dans cette commune du Grand Périgueux, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe, notamment auprès des 150 logements fissurés.

Car si l’on regarde une carte des localités qui ont obtenu satisfaction, on se rend compte qu’elles sont tout autour de Chancelade. Les cinq voisins sont classés catastrophes naturelles. « Pourquoi pas nous ? C’est totalement incompréhensible», déplore Daniel, l’une des victimes.

” Ce n’est pas possible “

L’homme de 78 ans s’est installé ici en 1980. « En quarante ans, ma maison n’avait pas changé. Mais en 2018, on a entendu des craquements à l’intérieur. Un jour, en allant au jardin, j’ai vu la première fissure. Je me suis dit « ce n’est pas possible ». Et puis au fil des mois, ça a grandi, et ça s’est multiplié. Aujourd’hui, j’ai une vingtaine de fissures, plus ou moins importantes. »

Pour le retraité, c’est certain : seules les sécheresses qui se sont multipliées ces dernières années peuvent expliquer la dégradation. La preuve ? Ces derniers mois, il a beaucoup plu et les fissures se sont rétrécies à cause de l’argile du sous-sol.

C’est en recueillant les témoignages que le maire Pascal Serre a décidé d’agir. « Sur plusieurs années, nous avons 302 dossiers en cours d’instruction pour reconnaissance de catastrophe naturelle », révèle l’édile. La seule année 2002 s’est terminée avec 106 dossiers déposés par les administrateurs. »

« Mais peut-être allons-nous créer un précédent ? »

Estimant qu’il « ne pouvait pas décevoir ses électeurs », l’élu Chancelade a décidé de saisir le tribunal administratif de l’Etat, afin que celui-ci révise la décision de refus de classement pour sécheresse : « Ça nous va, ça nous coûte 2 000 euros de frais de procédure. . Très peu de communes attaquent, et celles qui l’ont fait n’ont jamais eu gain de cause. Mais peut-être créerons-nous un précédent ? »


Pascal Serre, le maire de Chancelade, a convaincu le conseil municipal de convoquer l’Etat « pour montrer qu’on prend soin des citoyens ».

archives Stéphane Klein / SO

La démarche du premier magistrat est donc essentiellement politique : « C’est un message envoyé à l’État pour dire qu’il revoit les critères concernant le classement en catastrophe naturelle. Ils ont trente ans. Nous ne pouvons plus fonctionner ainsi. Il y a des gens dont il faut s’occuper. »

Aucun lien avec les carrières

Alors, qu’est-ce qui explique pourquoi Chancelade n’est pas reconnue pour la sécheresse alors que toutes les autres villes voisines le sont ? La mairie a demandé à la préfecture, et cela n’aurait rien à voir avec la présence de carrières en sous-sol.

Dans la réponse du ministère de l’Intérieur que nous avons pu consulter, les justifications des services de l’Etat sont très techniques. Il est reconnu que 60 % des sols de la commune sont constitués d’argiles « sensibles au retrait et au gonflement des argiles ». Cela semblerait suffisant. Mais non : une autre ligne du rapport indique que « la sécheresse n’est pas avérée ». Étrange, alors que six localités autour de Chancelade sont en sécheresse. Pourrait-il y avoir un microclimat Chancelad ?

Pour les gens de la Chancellerie, ce maelström administratif a des conséquences bien réelles. « Mon carrelage craque, la cloison en brique s’effrite et j’ai peur que des enfants dorment dans ma chambre. Et bientôt, je ne pourrai plus fermer les portes, assure Véronique, habitante. Mon assurance ne veut rien faire tant que l’état de catastrophe naturelle n’est pas déterminé. »

Véronique a calculé : elle ne peut pas payer les 17 000 euros nécessaires à la réparation de sa maison à Chancelade suite à l'apparition de fissures.


Véronique a calculé : elle ne peut pas payer les 17 000 euros nécessaires à la réparation de sa maison à Chancelade suite à l’apparition de fissures.

JG

« Réparer à mes frais, je ne peux pas me le permettre. C’est une catastrophe ! »

Dans sa maison, les fissures sont absolument partout. « J’ai demandé un devis en 2021, et c’était 17 000 euros. Sachant qu’il y a de nouvelles brèches et que les coûts du matériel ont augmenté, le prix des réparations a dû monter en flèche. J’ai une petite pension, je ne peux pas m’engager sur une somme aussi importante. Réparer à mes frais, je ne peux pas me le permettre. C’est une catastrophe ! On ne sait plus vers qui se tourner et on se sent abandonné. »

Des fissures sont apparues depuis 2012 sur certaines maisons.


Des fissures sont apparues depuis 2012 sur certaines maisons.

JG

Même désarroi chez Daniel. « Tout cela me dérange. Je travaillais pour ma maison et maintenant je perdrais beaucoup si je la vendais telle quelle. Mais est-ce que je pourrais même le vendre… J’ai trois enfants à qui je voulais le transmettre. Mais l’État nous laisse tomber. »

50% non classé

En 2023, un rapport du Sénat estimait que 48 % du territoire national était soumis au risque de « retrait et gonflement des argiles ». Cela représente 10,4 millions de maisons unifamiliales.
Seules 50 % des communes parviennent à obtenir la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sur ce motif, et seulement 50 % des dossiers déposés dans ces communes bénéficient d’une indemnisation.

 
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