« J’évalue la vitalité d’une ville au nombre de grues qui se détachent dans son paysage »

« J’évalue la vitalité d’une ville au nombre de grues qui se détachent dans son paysage »
« J’évalue la vitalité d’une ville au nombre de grues qui se détachent dans son paysage »

Devenue présidente du département de sciences politiques de l’Université de Liège en octobre 2022, cette citadine d’adoption vit désormais à deux pas du va-et-vient incessant des trains en provenance de la gare des Guillemins. “En vingt ans, la commune a indéniablement changé de visage. En tant que résident, je trouve beaucoup plus agréable d’y vivre qu’avant”raconte-t-il, confortablement assis dans son fauteuil.

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Une ville à taille humaine

Cycliste invétéré, Geoffrey Grandjean a pu observer au quotidien la métamorphose de la ville. “J’évalue la vitalité d’une ville au nombre de grues qui se détachent dans son paysage. Force est de constater que Liège en a toujours eu. Ce qui me semble très positif, car cela témoigne de la revitalisation d’une commune.» Entre l’ouverture du musée de la Boverie, le réaménagement des quais de Meuse, la gare de Calatrava, la piétonnisation progressive du centre, la ville enflammée s’est transformée à toute vitesse ces deux dernières décennies. « Mais en même temps, Liège reste une ville à taille humaine. Comparé à d’autres endroits, je ne me sens pas comme un étranger lorsque je me promène. Il y existe là une chaleur humaine et une identité très particulière. Je m’en rends compte lorsque je voyage à l’étranger. Il persiste cet esprit de principauté que j’ai peu à peu appris à découvrir. Je ne le savais pas du tout en arrivant de ma province du Luxembourg.

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A Liège, je sais lire l’histoire quand je marche dans la rue. Je trouve cette sensation particulièrement agréable. La commune ne s’est pas arrêtée à une époque, elle est en constante évolution.

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«Les Liégeois ne sont pas assez fiers de leur patrimoine»

La modernisation de Liège s’est-elle parfois faite au détriment de son histoire ? Directeur de la publication des Cahiers Mémoire et Politique, Geoffrey Grandjean est bien placé pour répondre à la question. “De nombreux vestiges du passé existent encoreil explique. Selon moi, la véritable destruction de la ville s’est produite au cœur des années 1970, lorsque tous ces horribles bâtiments ont été construits au bord de l’eau. Les Liégeois, et plus généralement les Wallons, ne sont pas assez fiers de leur patrimoine. Prenez le Palais des Princes-Évêques. Il reste, en Europe, le seul bâtiment à avoir toujours eu du pouvoir en son sein. Même le Palais des Doges de Venise n’a pas une telle longévité politique et judiciaire. C’est un monument exceptionnel. Mais ni les habitants ni les autorités ne semblent s’en rendre compte.

Il est vrai que lorsqu’on regarde le ciel liégeois, le paysage architectural peut parfois présenter des aspects d’un heureux désordre : hôtels particuliers du XIXe siècle, tours d’habitation austères et quartiers de verre ultramodernes. Un éclectisme qui ne déplaît pas à l’expert. “A Liège, je sais lire l’histoire quand je me promène. Je trouve cette sensation particulièrement agréable. La commune ne s’est pas arrêtée à une époque, elle est en constante évolution« .

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Pensez à Liège comme à une métropole

Avec le recul, ce natif de Vielsalm ne regrette pas un instant d’avoir laissé derrière lui les courbes boisées de son Luxembourg d’origine. “Je n’ai pas le sentiment que Liège soit un lieu oppressant. Bien au contraire. En 20 minutes en transports en commun, vous vous retrouvez au milieu des bois. Et, si l’on monte vers les hauteurs, on se rend compte du caractère verdoyant de la ville. De plus, nous sommes situés au carrefour de l’Europe, à environ deux heures de Paris, Maastricht à une demi-heure et Cologne également.

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Il faut penser Liège comme une métropole en interaction avec les communautés environnantes et non comme une île coupée du monde.

Si, sur la carte de l’Europe, Liège occupe une place de choix, Geoffrey Grandjean s’inquiète néanmoins du manque de lien entre la ville et les communes rurales environnantes. “J’imagine que les utilisateurs de périphériques ne doivent pas toujours s’amuser…», commence-t-il. Pour preuve, l’annulation des extensions du tramway refait alors surface. “Incompréhensiblegronde l’universitaire. Il Liège doit être pensée comme une métropole en interaction avec les communautés environnantes et non comme une île coupée du monde. Cette décision reflète une absence totale de symbiose entre les territoires wallons. Je pense que dans trente ans quand je donnerai mon cours d’histoire politique, je présenterai ce choix comme celui d’élus frustrés par Liège. J’espère surtout que nous ne continuerons pas à faire payer à Liège des erreurs passées comme l’affaire Publifin.»

Au tableau, pour le professeur, il restera aussi à gommer la fuite des entreprises et surtout l’insécurité croissante. “Le trafic et la consommation de drogue sont devenus beaucoup plus répandus qu’auparavant. Cela compromet complètement le bien-être et masque les améliorations. Tout Liégeois a en tête une carte mentale avec les endroits où il ne faut pas aller à partir d’une certaine heure. Il n’est cependant pas si simple pour le maire de régler la situation. Une chose reste sûre : la réponse ne peut pas être uniquement locale.»

 
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