La responsabilité des États sous le microscope de l’ONU

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Intensifiées par le réchauffement climatique, les pluies extrêmes de mousson inonderont un tiers du Pakistan en 2022, affectant des millions de personnes et tuant plus de 1 500 personnes, dont 500 enfants, selon l’UNICEF.

KEYSTONE/2022/AP Tous droits réservés

La condamnation de la Suisse pour son inaction climatique clarifie l’obligation qui incombe aux gouvernements de limiter le réchauffement climatique. Mais qu’en est-il de leur responsabilité pour les dommages liés au climat ? La Cour internationale de Justice tranchera bientôt. Un tournant pour la justice environnementale.

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24 avril 2024 – 17h02

Quelles sont les responsabilités des gouvernements dans les dégâts causés par le réchauffement climatique ? Dans les prochains mois, la Cour internationale de Justice, principale instance judiciaire des Nations Unies, rendra son avis sur la question.

Le 29 mars 2023, répondant à une demande du Vanuatu, qui connaît déjà la montée des eaux, l’Assemblée générale des Nations Unies a appelé la Cour internationale de Justice à se prononcer, à titre consultatif, sur les obligations des États pour limiter le réchauffement climatique. , mais aussi sur leurs responsabilités face aux dégâts qu’elle provoque, notamment dans les régions vulnérables.

Ce sera la première fois que la « Cour mondiale » se prononcera sur ce sujet. Elle a déjà reçu 91 observations écritesLien externe de pays et d’organisations, « le plus grand nombre à ce jour dans une procédure de ce type », a relevé la CourLien externe qui tiendra des auditions cet automne avant de rendre son avis début 2025. Si un avis consultatif n’est pas contraignant, il pourrait avoir des répercussions importantes sur le droit international.

La récente condamnation de la Suisse pour inaction climatique pourrait également influencer les conclusions des juges de La Haye. Pour rappel, le 8 avril, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le gouvernement suisse violait les droits humains des femmes âgées – réunies au sein de l’association « Aînés pour le climat » – en ne prenant pas les mesures nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique.

« La Cour européenne a ainsi montré que les États ont l’obligation d’agir pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais pas seulement : elle a posé les bases pour déterminer leur responsabilité juridique face aux dommages causés par la crise climatique », fait valoir Nikki Reisch, directrice du programme climat et énergie au Centre international de droit de l’environnement (CIEL), à Genève.

Vers le droit à un environnement sain

Si la décision des Aînés pour le climat est contraignante et crée un précédent pour toute l’Europe, le combat ne s’arrête pas là. Depuis lors, plus de 400 ONG et instituts de recherche ont demandé que le droit à un environnement propre, sain et durable soit inclus dans la Convention européenne des droits de l’homme.Lien externe (CEDH), en adoptant un protocole additionnel. Jusqu’à présent, ce droit est indirectement garanti par les articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la CEDH.

«Le verdict de Strasbourg est une avancée pour la justice climatique, mais les critères d’admissibilité restent très stricts», déclare Raphaël Mahaim, avocat des Aînés pour le Climat et député des Verts suisses. La Cour européenne a ainsi jugé irrecevableLien externe des actions similaires intentées par six jeunes Portugais et par le Français Damien Carême, estimant qu’ils n’étaient pas « personnellement et directement concernés par l’action ou l’inaction des pouvoirs publics ». “L’arrêt ne concerne également que les obligations en matière de réduction de CO2”, ajoute-t-il. Avec un protocole additionnel à la Convention européenne, nous pourrons être plus précis et concrets.»

Un constat partagé par Nikki Reisch, du CIEL : « Un protocole additionnel sur le droit à un environnement sain permettrait de renforcer et de clarifier les obligations des États en matière de protection du climat. Ce droit est déjà reconnu par le Conseil des droits de l’homme et l’Assemblée générale des Nations Unies, respectivement depuis octobre 2021 et juillet 2022.

Des États insulaires à la « Cour mondiale »

Désormais, tous les regards sont tournés vers la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye, dont l’avis aura des répercussions bien au-delà des frontières européennes, comme le souligne Nikki Reisch : « En tant que ‘Cour mondiale’, les avis de la CIJ ont du poids. Sa déclaration sur les obligations des États en matière de protection du climat influencera les tribunaux du monde entier, ainsi que les gouvernements qui cherchent à éviter des poursuites judiciaires.» Pour l’expert, la CIJ pourrait inciter les gouvernements à être plus ambitieux, et clarifier la question des dommages causés par le climat, qui touchent davantage les régions qui ont souvent le moins contribué au réchauffement climatique.Lien externe

Qu’il s’agisse de réduction des émissions ou de réparations, la question se pose cependant de savoir comment mettre en œuvre un tel mécanisme de responsabilité, alors que les objectifs climatiques, même contraignants de l’Accord de Paris, sont rarement respectés. « Le talon d’Achille du droit international climatique est l’absence de systèmes efficaces d’établissement des responsabilités », reconnaît David R. Boyd, rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement, qui soutient la demande d’ajout d’un protocole à la Convention européenne.

Pour lui, le droit à un environnement sain devrait être reconnu dans les constitutions et législations nationales de chaque État, puis appliqué à travers des mesures concrètes comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la protection de la biodiversité ou encore l’amélioration de la qualité de l’air.

Vers un raz-de-marée de procès ?

Pour la directrice du programme climat et énergie au CIEL Nikki Reisch, outre les négociations à l’ONU, les tribunaux nationaux et internationaux jouent un rôle crucial pour garantir que les gouvernements respectent le droit à un environnement sain. Elle prend comme exemple le récent arrêt La Oroya.Lien externe, dans les Andes. Le 28 mars, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que le Pérou avait violé les droits des communautés locales en permettant la contamination de la région par une fonderie de métaux.

Mais les tribunaux ne risquent-ils pas d’être submergés par un raz-de-marée de poursuites environnementales ? Le rapporteur spécial David R. Boyd tempère : « Les procès climatiques ne représentent, et continueront de représenter, qu’une infime fraction du nombre total d’affaires jugées par les tribunaux. Il est important de souligner que si les États et les entreprises respectaient leurs obligations en matière de droits humains et environnementaux, ces essais ne seraient plus nécessaires !

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David R. Boyd, rapporteur spécial de l’ONU : « Le Conseil de l’Europe doit adopter le droit à un environnement sain »

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17 avril 2024

La condamnation de la Suisse pour son inaction climatique a un effet d’entraînement sur le droit international. Entretien avec le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement.

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Il insiste également sur la nécessité de mettre en place des politiques environnementales « plus populaires, plus équitables et plus efficaces ». [qui] ciblerait les entreprises et les personnes riches qui génèrent une part disproportionnée des émissions de gaz à effet de serre. Tout au long de son mandat, David R. Boyd a dénoncé les conflits entre entreprises et États qui ralentissaient la mise en place de réglementations plus strictes, notamment dans l’exploration pétrolière. « Au lieu de faire payer les pollueurs, les États paient les pollueurs ! » » dit-il en faisant référence à des litiges valant plusieurs centaines de milliards de dollars.

Genève, nouveau siège du contentieux climatique ?

Comme le souligne Nikki Reisch, la décision des Aînés suisses du climat ouvre une brèche en posant « les bases juridiques » permettant de tenir les grands émetteurs pour responsables des dommages liés au climat. Le verdict démontre que le réchauffement climatique est un problème d’actualité qui affecte déjà les régions et les populations vulnérables, note-t-elle. À tel point que certains pays réclament des compensations, notamment des États insulaires comme l’Indonésie et le Vanuatu. Lors de la COP28, un fonds pour « pertes et dommages », dédié à la réparation des catastrophes climatiques, a ainsi été adopté, même si son montant reste à ce jour insuffisant, selon de nombreux experts.Lien externe.

Au bout du lac Léman, à Genève, un nouvel organisme de l’ONU est en train de se créer : le Réseau Santiago, qui soutiendra les pays frappés par des catastrophes climatiques en leur apportant une assistance technique. Son objectif premier sera de limiter les pertes et dégâts en équipant les régions vulnérables. «Le réseau contribuera à la collecte de preuves des dommages liés au climat», commente Nikki Reisch. Ces informations pourraient éclairer les interprétations des devoirs des États. Mais il reste à voir quel rôle concret elle jouera dans la résolution des conflits climatiques.» Cependant, l’article 8 de l’Accord de Paris, qui reconnaît les pertes et dommages, ne fixe à ce jour aucune obligation juridiquement contraignante.

A la fin du mois, David R. Boyd passera le flambeau à sa successeure Astrid Puentes. A cette occasion, son poste sera renomméLien externe «Rapporteur spécial sur le droit de l’homme à un environnement propre, sain et durable», pour refléter et incarner la naissance de ce nouveau droit de l’homme.

Texte relu et vérifié par Virginie Mangin/sj

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