Je viendrai moins souvent à la Cinquième Salle – .

Je viendrai moins souvent à la Cinquième Salle – .
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Comment recréer devant un public la relation entre une grand-mère au crépuscule de sa vie et sa petite-fille, une jeune adulte attendant de créer la sienne ? Comment éviter de tomber dans le pathos, le voyeurisme et l’égocentrisme ? C’est l’exercice d’équilibriste auquel se livre Camille Paré-Poirier dans je viendrai moins souventune pièce présentée par Duceppe pour quelques soirées à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

La scène reflète cette exploration intime : simple, presque dépouillé, avec pour décor principal un grand fauteuil invitant à l’histoire. Les chariots à plateaux qui se dressent dans l’ombre n’en sont que plus saisissants, évocation sans fard de ces résidences pour personnes âgées où la solitude pèse si lourd. Car c’est dans un CHSLD que Pauline, la grand-mère de Camille, finira ses jours.

Pauline est un personnage à part entière, dont la voix nous accompagne tout au long de la pièce. Sa petite-fille, qui a enregistré des heures de conversations entre 2017 et 2021, fait le lien entre les différentes phases de ces échanges, alternant explications, confessions et réflexions.

On découvre une nonagénaire drôle, piquante et encline à partager ses souvenirs. D’abord. Car le grand déchirement de cette pièce, c’est de perdre peu à peu, tout comme Camille, cette femme de 70 ans son aînée, dont elle était si proche. Alors qu’elle décline physiquement et mentalement, Pauline se met en colère, Pauline oublie, Pauline a des mots qui font mal.

«Je te déteste», dit-elle un jour, avec une passion d’enfant.

UNE INTROSPECTION NÉCESSAIRE

Ces extraits, plus difficiles à entendre, ont été exclus de Camille Paré-Poirier. Quelqu’un d’immortel, le podcast qui a précédé la pièce. Pour je viendrai moins souvent, la pièce présentée pour la première fois en 2023 au Théâtre d’Aujourd’hui, la comédienne et auteure a pris du recul. Elle s’interroge notamment sur le consentement de sa grand-mère aux enregistrements et sur les raisons pour lesquelles elle continue de lui rendre visite. Elle évoque le deuil blanc, ressenti face aux troubles cognitifs d’un proche. Cela rappelle les heures sombres de la pandémie, les préposés débordés, l’état physique et mental catastrophique des résidents privés de tout contact physique.

Au fur et à mesure de cette introspection, la pièce gagne en profondeur. On ne sera peut-être pas convaincu par le parallèle quelque peu artificiel entre une actrice au chômage, arrivée à Montréal, et sa grand-mère, qui entame elle aussi un dernier chapitre loin de chez elle. Ou par les intermèdes musicaux, durant lesquels les phrases de Pauline reviennent en boucle dans une ambiance discothèque.

Mais il est impossible d’ignorer ce que vibre en nous une femme dont on imagine la vie si pleine. Qui exprime son désarroi de ne plus pouvoir terminer un livre, son dernier compagnon de réconfort. Qui console sa petite-fille d’une rupture, avec des mots qui percent le cœur : « Quand tu te sens triste, c’est parce que c’était beau. »

En faisant écouter son podcast à des personnes âgées, parfois centenaires, Camille Paré-Poirier a eu la surprise de découvrir qu’elles s’identifiaient à elle, l’aide-soignante, et non à Pauline. La pièce nous rappelle plus d’une fois cette incapacité très humaine à accepter notre propre perte de contrôle, même lorsque nous en faisons l’expérience.

«Je m’ennuie à mourir», dit Pauline, coincée dans son CHSLD, à sa petite-fille qui l’appelle pendant la pandémie.

A ce moment, un léger bruit émane du public. Un son venu de loin, presque un réflexe. Nous ressentons de l’empathie, de la peur, de la résignation face à une vieillesse inévitable. A la fin de la pièce, alors que les paroles de Pauline résonnent pour la dernière fois, on l’imagine aisément dans le fauteuil désormais vide. A moins que ce soit nous-mêmes, dans cet avenir que nous refusons d’entrevoir.

 
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