le sacrifice de l’agriculture française au profit des exportations marocaines

le sacrifice de l’agriculture française au profit des exportations marocaines
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CONTREen rupture avec les bonnes intentions exprimées par le président de la République, son Premier ministre et les membres du gouvernement lors de leurs visites très médiatisées fin février à la porte de Versailles, le récent déplacement de Marc Fesneau au Salon marocain de l’agriculture (SIAM) nous informe sur la considération à géométrie variable dont bénéficient les filières rurales françaises.

Si le match aller s’est tenu fin février au SIA de Paris entre le locataire de la rue de Varennes et son homologue marocain, Mohamed Sadiki, avec la signature d’un accord relatif à un « arrangement administratif de coopération dans le domaine des et formation professionnelle», le match retour à Meknès a été beaucoup plus cohérent en termes de concessions faites au Maroc.

Des accords autour de plusieurs axes cruciaux

Pays avec lequel la diplomatie française, à quelques mois des Jeux olympiques et dans un contexte où les céréales ukrainiennes constituent un enjeu stratégique au Maghreb, a tout intérêt à désamorcer les tensions géopolitiques opposant, depuis quelques temps, les deux rives de la Méditerranée. Un accord a donc été signé pour articuler la coopération des deux États autour de plusieurs axes, dont « la transition vers des systèmes agricoles et forestiers résilients, durables et productifs ».

Huit autres accords professionnels et institutionnels ont également été ratifiés, dont des accords-cadres entre Intercéales et la Fédération Interprofessionnelle des Activités Céréales (Fiac), entre la Semae et la Fédération Nationale Interprofessionnelle des Semences (Fnis), entre Interbev et Maroc Lait, ainsi que des protocoles ont été établis. entre les Races Ovines du Massif Sélection (ROM Sélection), la chambre régionale d’agriculture d’Auvergne-Rhône-Alpes et l’Association nationale ovine et caprine (Anoc), ainsi que, pour le projet « Fasep Maroc » », entre l’Avril groupe, Agropol et la Fédération Interprofessionnelle de la filière oléagineuse marocaine (Folea). Voilà pour la décoration.

Un accord de libre-échange entre le Maroc et l’UE

Revenons maintenant dans les coulisses et revenons à cet autre accord qui lie l’Union européenne au Maroc depuis 2012. Un accord qui a été remis en cause par le Front Polisario (Front populaire de libération de Saguia-el-Hamra et le Rio de Oro), mouvement politique créé en 1973 contre l’occupation marocaine du Sahara occidental. Un appel très médiatisé à l’époque et bien entendu jugé inacceptable par l’ancien ministre marocain de l’Agriculture et de la Pêche : « Tout obstacle à l’application de cet accord est une atteinte directe à des milliers d’emplois, des deux côtés, dans des domaines extrêmement sensibles. secteurs, ainsi qu’un risque réel de reprise des flux migratoires que le Maroc, grâce à des efforts soutenus, a réussi à gérer et à contenir. »

Nous voilà ! Dans un contexte où le Maroc exerce un contrôle important sur le trafic de migrants et de drogue, il n’en fallait pas plus pour convaincre Bruxelles de prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les relations entre l’UE et le royaume chérifien. De quoi renforcer la production marocaine de tomates et de melons, auprès du roi Mohammed VI lui-même qui possède des cultures sous couvert sur plusieurs milliers d’hectares en territoire occupé au sein de « domaines royaux » joliment rebaptisés « domaines agricoles ».

A noter que le 15 février 2012, dans un article de Courrier Atlason pouvait lire : « Suite à une récente rencontre entre le président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader) et Xavier Beulin [décédé en 2017, NDLR], président de la Fédération nationale des syndicats agricoles de (FNSEA), ce dernier a assuré son homologue marocain de son soutien inconditionnel à la ratification de cet accord. Une déclaration majeure quand on connaît le poids de la FNSEA, dont les ramifications dépassent l’Hexagone. »

Ajoutons que, dans le cadre de cet accord bilatéral, le Maroc s’est engagé à ouvrir, avec une levée de 70% des droits de douane, les lignes de produits importés de l’UE. A noter également que parmi les principaux pays vers lesquels les céréales européennes ont été exportées (47,8 millions de tonnes) en 2022-2023 figurait le Maroc pour 5,2 millions de tonnes. Et ce, avec une reprise des exportations françaises en 2023 estimées à 1,4 million de tonnes pour le blé tendre contre 1,8 million en 2022.

Transhumance inversée pour les tomates marocaines, dont le quota d’exportation vers l’Europe, toujours en 2012, était fixé à 240 000 tonnes. Dans le cadre de cet accord, le Maroc a bénéficié d’une réduction des droits de douane ad valorem (en pourcentage de la valeur du produit) de 60% entre juin et septembre sans limitation. En 2022, les importations françaises en provenance du Maroc ont atteint 425 552 tonnes, soit 63 % des tomates fraîches importées par la France et une hausse de plus de 19 % sur un an ! Sachant que, dans le même temps, avec les trois quarts de ses tonnages exportés destinés à l’UE, le Maroc a dépassé l’Espagne et est devenu le troisième exportateur mondial de tomates, derrière le Mexique et les Pays-Bas. D’où la colère des producteurs ibériques qui ont manifesté en début d’année.

Les producteurs espagnols et français en colère

Un de leurs dirigeants syndicaux a même déclaré, entre deux camions de légumes importés déversés sur le bitume, à nos confrères de La Vanguardia : « Ce qui arrive aux agriculteurs espagnols avec le Maroc est similaire à ce qui arrive aux Français avec les Espagnols. » Cela explique peut-être cela et afin d’atténuer les effets de ce bain de sang, l’Espagne était l’invitée d’honneur du Salon agricole marocain 2024.

Alors, avec une devise marocaine qui prône « produire pour exporter et importer pour consommer », faut-il en conclure que la filière maraîchère française est sacrifiée sur l’autel du libre-échange au profit de la filière céréalière et protéagineuse, notamment ? Peut-être, si l’on prend en compte le concept dit des « eaux virtuelles de la Méditerranée », où l’on a pris l’habitude, sans doute depuis les répartitions fixées en 1957 en amont du Traité de Rome, d’envoyer des céréales au sud pour assurer une certaine la stabilité sur place, tout en maintenant l’emploi dans les secteurs agricoles et en exportant des fruits et légumes vers le nord. Un travail visiblement mal payé, autour de 1,50 euro (smic horaire marocain) contre 11,65 euros pour le smic français, au sein d’un secteur d’activité majeur pourvoyeur de main d’œuvre.

Après celui de 2012 et, entre autres, celui de 2018, où le Maroc et la France ont signé un nouvel accord de coopération associant paradoxalement les interprofessions françaises des fruits et légumes, Marc Fesneau vient donc de sceller un peu plus les relations agricoles et, pour certaines filières, compétitif entre le Maroc et la France.

Qui a évoqué, lors de cette visite officielle, la progression constante des exportations de tomates et autres légumes du Maghreb vers notre pays et l’UE ? Où sont passées les clauses miroir tant évoquées lorsqu’il s’agit de freiner les importations de céréales ou de protéagineux d’Ukraine ou du Brésil et de viande ou volaille du Mercosur ? Les survivants et les sacrifiés, en quelque sorte, des échanges bilatéraux où nos gouvernements, dans des proportions qui défient l’homme, l’économie et l’environnement, encouragent, depuis des années, la compétitivité déloyale du moins-disant.

 
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