La Réunion, une transition électrique à grande échelle

La Réunion, une transition électrique à grande échelle
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Sur le quai des matières premières du port de Saint-Denis, à La Réunion, le paysage a bien changé ces derniers mois. La dernière livraison de charbon a eu lieu cet hiver et la petite montagne de minerai qui s’entassait sur le côté a été remplacée par deux énormes boules blanches dans lesquelles sont stockés des granulés de bois, venus d’Asie et bientôt d’Australie.

Le dernier pétrolier en provenance de la mer du Nord à livrer ses dizaines de milliers de tonnes de fioul lourd a accosté en juillet, remplacé depuis par des chimiquiers transportant de l’huile de colza depuis le port de Sète.

À La Réunion, la transition électrique s’accélère. Le département, qui est aussi une région, devrait être le premier de France à disposer d’une électricité 100 % renouvelable d’ici fin 2024. Disons 99%, car il existe encore trois turbines à combustion, qui servent de solution de dernier recours, notamment pendant les cyclones », précise Dominique Charzat, le directeur pour La Réunion d’EDF SEI (Island Energy Systems), qui gère le réseau électrique.

La Réunion, une île obligée de se débrouiller seule

Un défi dans cette île de l’océan Indien qui n’est pas interconnectée avec les autres et doit donc se débrouiller seule. En 2022, 62 % de la production électrique provenait encore du pétrole et du charbon.

Le pas de géant franchi pour sortir de cette dépendance est dû en grande partie au programme de reconversion des centrales thermiques lancé par les deux grands opérateurs présents sur place, EDF et Albioma.

Le fioul lourd utilisé par EDF a été remplacé par de la biomasse liquide et le charbon a cédé la place aux pellets de bois dans les installations d’Albioma qui fonctionnent déjà une partie de l’année avec de la bagasse, l’écorce de canne à sucre. “ L’huile de colza permet de réduire les émissions de CO2 de 63%, avec 500 000 tonnes évitées par an, mais aussi d’éliminer le soufre et les poussières, explique Alexandre Sengelin, le directeur de la centrale thermique EDF de Port-Est, en désignant les grandes cheminées d’où ne sort plus de fumée jaunâtre.Le site assure à lui seul jusqu’à 40 % de la production électrique de l’île avec ses 212 MW.

L’électricité trois fois plus chère qu’en France métropolitaine

Ces transformations suscitent néanmoins de nombreuses critiques parmi les associations environnementales. Ils soulignent notamment l’augmentation du volume de terres nécessaire pour répondre à cette demande en agrocarburants et estiment que l’empreinte carbone n’est pas si positive, compte tenu du transport par bateau d’un continent à l’autre. EDF assure n’utiliser que des produits certifiés conformes à la directive européenne Red II, et rappelle que l’huile de colza est un coproduit de farines destinées à l’alimentation du bétail.

Reste le prix. L’huile de colza est ainsi nettement plus chère que le fioul, alors que le coût de l’électricité est déjà trois fois plus élevé à La Réunion qu’en France métropolitaine. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) estime le surcoût à un milliard d’euros d’ici 2036. Mais pour les consommateurs réunionnais, l’impact sera neutre sur la facture, puisqu’ils sont tous au tarif réglementé de vente d’électricité (TRV). En clair, ce sont tous les Français disposant de l’électricité qui sont responsables de cette transition.

Difficile de construire de nouvelles installations

Quoi qu’il en soit, faute de ressources locales suffisantes, l’île n’a d’autre choix que de recourir à la biomasse importée. L’hydraulique, qui fournit jusqu’à 21 % de l’électricité en période de pointe, principalement le matin et le soir, à travers quatre barrages, est quasiment à sa capacité maximale, même si EDF a encore un projet de barrage.

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Entre 2019 et 2023, la part des énergies renouvelables à La Réunion est passée de 31 % à 57 %. / Visactu pour La Croix

Le potentiel éolien est également limité. Tout au plus cela ne représenterait qu’environ 2% de la production électrique avec deux parcs. TotalEnergies a modernisé la sienne en remplaçant 37 éoliennes totalisant 10 MW par 9 éoliennes plus grandes délivrant 20 MW. Pour EDF, les travaux sont en cours, avec quatre nouveaux mâts à la place des 22 existants pour une puissance passant de 6,3 à 8,8 MW.

« Mais il y a peu de perspectives de développement : les vents ne sont pas favorables et il y a un manque de terrains disponibles. », reconnaît Bérangère Kalyntschuk, responsable régionale d’EDF renouvelables. Quatre ou cinq nouveaux parcs éoliens, tout au plus, pourraient voir le jour à La Réunion, où 40 % du territoire est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La solution de stockage

Certains ont un peu plus d’espoir pour l’énergie éolienne flottante. C’est le cas de l’énergéticien Akuo, qui a présenté en février un grand projet de 200 MW, situé à une dizaine de kilomètres des côtes. Le groupe avance que les nouvelles technologies permettent de construire des installations à grande profondeur d’eau et résistantes aux cyclones. Restent des questions environnementales, notamment la coexistence avec les baleines, nombreuses autour de l’île.

Le photovoltaïque, qui assure 9,5 % de la production électrique réunionnaise, a un peu plus de chances de se développer. La concurrence est également très forte entre opérateurs pour trouver des terrains, car les tarifs de rachat proposés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sont attractifs, autour de 140 €/MWh, soit deux fois plus qu’en ville. Des projets agrivoltaïques sont également à l’étude.

Le programme énergétique pluriannuel (PPE) adopté par la région prévoit que les capacités solaires doubleront d’ici 2028 pour atteindre 500 MW. “ Mais aller au-delà paraît compliqué, si l’on ne développe pas en parallèle des dispositifs de stockage », juge Emmanuel Cerqueira, chef du service système EDF SEI pour la Réunion.

La nécessité de garder la même fréquence

Aujourd’hui déjà, l’intégration des énergies renouvelables intermittentes nécessite une gestion très fine. Sur le grand écran du dispatching (où l’électricité est distribuée selon les besoins) de Saint-Denis, s’affichent en temps réel l’alimentation de toutes les centrales, ainsi que la fréquence, qui doit toujours rester la même, à risques faire dérailler le système.

Il suffit d’un nuage pour que la production photovoltaïque chute brutalement et il faut absolument des centrales thermiques et des barrages, qui puissent assurer instantanément l’équilibre du système. », explique Emmanuel Cerqueira. A la Réunion, le ciel n’est jamais complètement bleu.

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Centrale photovoltaïque de Rivière des galets. A la Réunion, l’énergie solaire représentait environ 9% de la production électrique en 2023. / Serge Marizy/EDF

Sur l’île, le réseau est capable d’absorber environ 37 % d’énergie renouvelable intermittente (c’est-à-dire éolienne et solaire). L’objectif est d’atteindre 55 % en 2028, à condition d’installer des batteries. Ils ne représentent que 10 MW de capacité, mais un appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a été lancé pour l’augmenter de 20 MW. D’autres devraient suivre.

Inciter les utilisateurs à consommer moins

Des programmes d’économie d’énergie ont également été lancés. ” La Réunion était plutôt en avance sur ce sujet. Les aides à l’achat de chauffe-eau solaires datent de la fin des années 1990. Aujourd’hui, nous incitons les ménages à s’équiper de mélangeurs d’air, moins consommateur d’énergie que les climatiseurs »explique Yves-Emmanuel Berthou, responsable du département efficacité énergétique chez EDF SEI.

Selon lui, 78 GWh ont ainsi été économisés l’an dernier, soit la consommation de 20 000 habitants, sur une île qui en compte 885 000. Comme en France métropolitaine, l’autoconsommation progresse également. Fin 2023, 6 300 producteurs photovoltaïques sont recensés, soit 1 075 de plus sur un an.

Les voitures électriques en plein développement

Mais le chemin est encore long pour parvenir à l’autonomie énergétique, alors que les transports représentent encore les deux tiers des émissions de CO2 de La Réunion. C’est tout l’enjeu de la transition vers les véhicules électriques, sur laquelle les autorités fondent beaucoup d’espoir.

Au 1er janvier, 15 000 véhicules hybrides et électriques circulaient sur les routes, soit 3 % du parc, soit plus que prévu. L’objectif est d’au moins doubler ce chiffre d’ici 2028. Mais avant d’y parvenir, une grande campagne sera lancée à destination des utilisateurs, afin qu’ils ne rechargent pas tous leur voiture en même temps. pointe du soir. Pour ne pas fragiliser davantage le réseau.

 
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