Les commerçants genevois expriment leur frustration face aux manifestations récurrentes, estimant qu’elles nuisent à leur chiffre d’affaires. Le Conseil d’Etat affirme avoir pris en compte leurs inquiétudes et envisage de limiter les rassemblements, posant la question du respect du droit de manifester.
Depuis le début de l’année, un samedi sur deux est marqué par un défilé à Genève. Une situation qui suscite un mécontentement croissant parmi les commerçants.
Samedi dans le 19h30 de la RTS, Anne-Marie de Picciotto, administratrice chez Brunschwig & Cie SA, constate que chaque manifestation entraîne une réduction de 25% du chiffre d’affaires de son magasin : “Nous avons mené une étude approfondie , établissant une base de référence pour les samedis sans événements en les comparant aux samedis avec événements. Cela se traduit par une perte de chiffre d’affaires constante et importante.
Pour certaines marques, la baisse du chiffre d’affaires atteint jusqu’à 40 %. Flore Teysseire, secrétaire générale de Genève Commerces, constate que la liberté économique est un droit constitutionnel et précise que « le secteur compte également 18’000 emplois. Il me semble que c’est une cause tout aussi légitime pour laquelle se battre ».
Le Conseil d’Etat prêt à serrer la vis
Interrogé par les commerçants et la Ville de Genève, le Conseil d’Etat envisage de prendre des mesures plus strictes. Car ces défilés gênent également les transports publics et génèrent des coûts pour la sécurité publique.
Sur la chaîne de télévision genevoise Léman Bleu, la conseillère d’Etat Carole-Anne Kast a exprimé son intention de prendre des mesures : « Il n’est pas question d’interdire les manifestations. Nous analyserons les demandes et les autoriserons, mais compte tenu de ce contexte global et de cette récurrence, nous serons un peu plus restrictifs, que ce soit sur les itinéraires, les horaires voire les jours.
Un projet de loi a été déposé
Murat Julian Alder, député PLR au Grand Conseil genevois, a de son côté déposé un projet de loi visant à mieux encadrer les manifestations sur le domaine public. Il salue la volonté des autorités de redéfinir l’exercice de ce droit. Invité samedi dans Forum, il précise que l’objectif n’est pas d’interdire les manifestations, mais d’apaiser la situation actuelle qui, selon lui, « devient franchement gênante pour tout le monde ».
« On sait que le samedi est le jour où les commerçants font le plus de chiffre d’affaires », souligne-t-il. En conséquence, il demande donc que les manifestations ne soient plus autorisées sur le pont du Mont Blanc et le long des axes où circulent les tramways.
Le député PLR s’interroge sur les lieux où se déroulent les manifestations et pourquoi elles n’ont pas lieu dans la plaine de Plainpalais, où, selon lui, elles ne causeraient aucun mal. « Ce qui me dérange, c’est qu’au final, on semble manifester avec une envie, non seulement d’être vu mais aussi d’embêter les autres », analyse-t-il.
Les syndicats prêts à défendre la liberté d’expression
Clémence Jung, co-présidente de l’association des juristes progressistes et membre du collectif BDS, qui milite pour la fin de l’occupation des territoires palestiniens, exprime son incompréhension : « Il est difficile de comprendre comment on peut estimer la perte du chiffre d’affaires, alors que les manifestations ne durent pas plus d’une heure et que chaque axe traversé n’est bloqué qu’une vingtaine de minutes.»
Elle souligne également l’importance de la participation du public aux manifestations. “Les Genevois viennent en masse, (…) les ignorer, ne pas entendre le fond de ce qu’ils dénoncent, c’est aussi nier le droit de manifester”, soutient-elle.
Clémence Jung dit aussi constater une apparente contradiction. D’un côté, on affirme que le droit de manifester ne sera pas affecté et qu’il serait idéalement garanti, “mais alors pourquoi proposer un projet de loi qui le réduit à néant ?”.
En cas de violation de la liberté d’expression, les syndicats se disent prêts à engager des poursuites judiciaires.
Sujet TV et radio : Gianluca Agosta et Valentin Emery
Adaptation web : Miroslav Mares