Lot. Au Magasin Universel de Latronquière, les œuvres époustouflantes de Gabriel Elbaz Kercoff

Lot. Au Magasin Universel de Latronquière, les œuvres époustouflantes de Gabriel Elbaz Kercoff
Descriptive text here

Par Jean-Claude Bonnemère
Publié le

21 avril 24 à 7h06

Voir mon actualité
Suivre le lot d’actualités

C’était le Magasin Universel de Latronquière. Une grande bâtisse qui, pendant de nombreuses années, fut une sorte de « BHV » du village : façade imposante, grandes fenêtres, deux niveaux, débordant d’une multitude d’objets divers. Un lieu incontournable qui a forcément vu passer toute la population locale au cours d’une longue période d’activité dont la plus grande vitalité se situe dans les années 50-60. Puis, abandonnée, presque oubliée, elle retrouve aujourd’hui une seconde vie grâce à la volonté farouche d’un sculpteur : Gabriel Elbaz.


De la Normandie au Lot, à Latouille-Lentillac

Gabriel ; une vie trépidante depuis le 29 octobre 1948, date de sa venue au monde, en Normandie. Principalement élevée par sa mère depuis qu’il a perdu son père à l’âge de 5 ans. Mère protectrice, orthodoxe de par ses origines russes, puis catholique lorsque son fils atteint l’âge de 12 ans. Elle élève Gabriel dans une éducation à la pratique religieuse qui le laissera une empreinte profonde sur la vie de son fils. En effet, presque à son insu, une vision créative s’est installée dans ses jeunes années, sans qu’il en soit pleinement conscient en même temps qu’il était conquis et façonné par le charme du caractère rural du Pays d’Auge. La foi sans faille de sa mère l’entraîne dans le voyage spirituel de sa religion à travers la visite des plus belles cathédrales et la révélation de leurs trésors artistiques: Chartres, Amiens, Saint-Denis… avec une éducation basée sur l’observation des sculptures, des vitraux, toute une imprégnation mystique qui restera gravée dans l’esprit de l’enfant. Une telle éducation influencée par le sacré l’orientera naturellement vers la sculpture chrétienne qui se révélera quelques années plus tard. Gabriel ne suivra pas de scolarité de longue durée. Trop indépendant et avide de liberté, il veut vaincre l’ennui pesant de l’école et échapper aux exigences des longues études. Il passe son certificat d’études et, répondant à l’attrait qu’il a toujours eu pour le bois, prépare puis obtient un CAP d’ébéniste. Immédiatement, il commence son apprentissage.

S’ensuivent des années de formation et de recherche, sept années principalement à Paris. Grâce à son diplôme d’ébéniste, il exerce divers petits métiers du meuble, souvent de manière temporaire. Rencontre avec la musique à travers la trompette qui l’autorisera à un service militaire adouci « en fanfare ». Dans le même temps, les événements de Mai 68 bouleversent ses premières habitudes de vie, l’excitent en même temps qu’ils enflamment chez lui, comme chez bien d’autres jeunes, une envie de changement, un déferlement d’aspirations nouvelles, de découvertes. . .

En 1970, il emmène un ami dans sa 2cv van et atteint… Auroville en Inde (près de Pondichéry) après un road trip de plus d’un mois. Auroville : ville nouvelle, creuset d’utopies, de rêves de paix et d’harmonie universelle. Une expérience forte, inoubliable, qu’il abandonne néanmoins, ne se sentant pas suffisamment en phase avec cet état d’esprit. Après plusieurs mois, il rentre en France. Et c’est à son retour et après une période de recherches qu’il découvre Latouille-Lentillac. Le lieu de vie qu’il espérait, loin de l’agitation. Entre Latouille et Lentillac, à mi-coteau, une ancienne maison de caractère à restaurer : des pierres, des bois tout autour, un ruisseau en contrebas et là, devant, à perte de vue, un paysage adouci de collines en cascade.

Gabriel au pied de la sculpture : Le Commandeur (Don Juan). ©C. D

Une vocation tournée vers la sculpture

Pendant plusieurs années, Gabriel a restauré la maison dans laquelle il a beaucoup travaillé lui-même, s’est marié, a eu deux enfants et, dans le prolongement des travaux, a créé un bel atelier au sous-sol, dans l’ancienne écurie. C’est alors que l’aventure du bois commence ! C’est d’abord l’ébéniste qui s’exprime à travers de nombreuses restaurations de meubles. Il affine ses actions, enrichit son expérience, se fait connaître. Mais bientôt, rattrapé par l’imprégnation profonde de son éducation orientée vers le sacré, il ne peut échapper à l’envie de sculpter et c’est ainsi qu’est née la première œuvre : « La Femme Lotus » certainement inspirée de son voyage en Inde. Encouragé par les appréciations, Gabriel continue et, pendant des années, se lance dans une boulimie de créations. Sous ses outils, les fûts noueux et rugueux des noyers prennent vie. Ebauchés à la tronçonneuse, puis découpés à la gouge, ils sont ensuite polis, cirés, parfois patinés à la terre de Sienne. Autant de gestes d’assurance, héritage d’une maîtrise acquise au cours de ses années d’apprentissage et de restauration de meubles. Autant d’heures passées, absorbées par son inspiration, soutenues par les oratorios de Bach, fragments de notes sur fragments de bois…

Infatigable et acharné, le sculpteur poursuit son œuvre, toujours animé par l’influence du « ciel ». Le ciel vers lequel nombre de ses personnages tendent les bras, lèvent la tête ou, au contraire, se tournent entièrement vers la terre lorsqu’ils sont accablés par le désespoir, comme dans « La Mise au Tombeau ».

Des sculptures impressionnantes, dépassant souvent les deux mètres de hauteur, dont l’abstraction des formes correspond à une pensée créatrice et permet de concilier des croyances divergentes. Ils sont désormais plus d’une cinquantaine dispersés ici et là. La plupart encore dans la grange d’exposition chez lui à Tillet, d’autres au « musée Gabriel » à Latronquière ou en exposition prolongée à Conques, à l’Hôtel de Région de Toulouse, ou de retour de Vézelay, Moissac, Grand Palais et d’ailleurs…

Vidéos : actuellement sur Actu
Le Magasin Universel de Latronquière, aujourd’hui « musée Gabriel ». ©C. D

Gabriel Elbaz Kercoff continue de nous surprendre

La réalisation de ce musée à Latronquière a nécessité six années de travaux. Une entreprise gigantesque pour un seul homme, un défi à l’échelle de ses œuvres. Le village, un peu à l’écart des manifestations artistiques, dispose désormais d’un lieu d’expression culturelle qui, au-delà des œuvres de son créateur, reçoit et recevra diverses expositions temporaires. Latronquière adopte lentement le concept. Les dernières ouvertures suscitent davantage d’intérêt. Bientôt, les créations plastiques des étudiants du village pourront également trouver place dans l’espace de ce musée local. Alors, certes, peu à peu, cette nouvelle réalisation prendra du sens et donnera raison à son créateur qui a déjà les yeux tournés vers de nouvelles inspirations attachées à la mystérieuse Perse antique, traversée il y a des années, dans sa quête d’aventures juvéniles.

A 75 ans, Gabriel Elbaz Kercoff poursuit sa quête artistique. Ni la taille laborieuse des grandes pièces de bois, ni l’énergie mise pour créer son musée n’ont altéré ses élans créatifs. Il poursuit, serein, déterminé, la quête d’une esthétique sacrée qui rapproche plus que jamais l’imaginaire de l’enfance et les fantasmes de l’artiste. Il est convaincu que dans les temps troubles que nous traversons, la contemplation artistique ne peut que calmer le pessimisme ambiant. Quand les hommes auront épuisé toutes les formes de réconciliation, l’art sera peut-être le seul langage universel capable de les rapprocher. Et Gabriel y travaille.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias préférés en vous abonnant à Mon Actu.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Rêves Artificiels, l’exposition nocturne où l’Art rencontre l’IA au Grand Palais Immersif à Paris
NEXT Salins-les-Bains. Oserez-vous emprunter le parcours de la mythique course de la Montée du Poupet ? – .