Enrico Letta dévoile ses antidotes au « décrochage » économique de l’Europe

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Enrico Letta et le président du Conseil européen Charles Michel, ce 18 avril à Bruxelles. LUDOVIC MARIN/AFP

Décryptage L’ancien chef du gouvernement italien a présenté, à l’occasion d’un Conseil européen extraordinaire, les conclusions d’un rapport marathon qui met en garde contre la vulnérabilité de l’Europe dans la nouvelle concurrence mondiale.

Par Timothée Vilars

Publié le 18 avril 2024 à 18h18

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Enrico Letta ne mâche pas ses mots. « Nous n’avons même pas réussi à développer des trains à grande vitesse entre nos capitales, dommage sur un petit continent comme le nôtre »dit-il au Conseil européen dont il est l’invité d’honneur ce jeudi 18 avril. « J’ai dû prendre l’avion pour venir ! » Appelé à travailler sur l’avenir du marché européen, l’ancien président du Conseil italien a souvent pris l’avion depuis l’automne, s’infligeant un marathon de 400 réunions dans 65 villes européennes. Diagnostic ? L’Europe traverse une grave crise “risque d’abandon” : « L’écart se creuse entre l’UE et les États-Unis. La prochaine législature doit être celle du rattrapage.»affirme le leader de centre-gauche.

Le marché unique européen – grande œuvre de son inventeur Jacques Delors – a été lancé à une époque où l’URSS existait encore et où la Chine et l’Inde représentaient 5 % du PIB mondial, rappelle-t-il. Enrico Letta se montre particulièrement sévère sur trois secteurs clés du déclassement européen. Tout d’abord, le marché des télécoms est en proie à une fragmentation caricaturale : plus de 100 opérateurs cohabitent aujourd’hui sur le continent. « La révolution des télécoms se produisait en Europe dans les années 1990, aujourd’hui elle est ailleurs », note-t-il. Ensuite le secteur de l’énergie, qui souffre d’interconnexions insuffisantes au niveau européen. Enfin, celui de la défense, où l’Europe paie encore « le prix de la fragmentation » : « 80 % de ce que nous avons dépensé pour soutenir militairement l’Ukraine est allé à des fournisseurs non européens. C’est de la folie “» a paniqué Enrico Letta mercredi auprès des journalistes. « Il faut être moins naïf ! » »

« On partage les miettes »

Ces secteurs ont en commun d’être touchés par la fragmentation des réglementations nationales qui les empêche de bénéficier des effets d’échelle d’un marché de 450 millions d’habitants. Pour Letta, tout nécessite une intégration continentale accrue, et surtout une réforme européenne des marchés financiers, qui est le nœud du problème. “On partage les miettes, tout se passe aux Etats-Unis”, souligne-t-il. En Europe, l’épargne privée est abondante – estimée à 35 000 milliards d’euros – et largement inexploitée. Mais cette manne est aussi un tuyau qui fuit : 295 milliards d’euros quittent chaque année l’Europe vers les marchés financiers américains, vers des investissements et des fonds de pension plus attractifs… qui rachètent ensuite des entreprises européennes. Comme le résume un haut responsable français, « Aujourd’hui, nous finançons l’économie américaine de trois manières : par l’épargne, par les achats de défense et par les importations de gaz. »

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Cependant, l’Europe se trouve au pied d’un « mur d’investissement » – l’expression revient comme un leitmotiv à Bruxelles. Rien que pour mener à bien sa transformation écologique et numérique, l’Europe doit investir plus de 620 milliards d’euros supplémentaires par an, selon la Commission européenne. De l’argent public qui manque partout, et plus encore dans les États du sud, les plus endettés. « Il y aura toujours des investissements publics, mais il n’y en aura jamais assez. Nous avons besoin de capitaux privés, d’investisseurs.», insiste le haut responsable. Du côté de la présidence française, qui se targue d’avoir lancé le débat sur « l’autonomie stratégique » lors du sommet de Versailles en mars 2022, les conclusions du rapport Letta semblent appréciées. Paris espère notamment profiter de la séquence pour faire avancer son agenda sur la création d’un produit d’épargne européen, favori de Bruno Le Maire. Pour une fois, un alignement entre la France et l’Allemagne semble même se dessiner sur la question. Dans l’état actuel du débat, ce sont principalement les « petits » pays – Luxembourg, Malte, Chypre – qui refusent d’entendre parler de supervision financière européenne ou d’harmonisation de la fiscalité, deux chiffons rouges historiques.

L’écart se creuse avec les États-Unis

«Le rapport d’Enrico Letta montre que le marché unique est tout sauf une question technique, c’est un débat éminemment politiquesouligne un haut responsable du Conseil européen. Il s’agit désormais de réfléchir aux intérêts européens, au-delà des intérêts nationaux. » En vue de “l’urgence”le social-démocrate se dit déterminé à ne pas voir son rapport finir au bas d’un ” tiroir “ comme ceux de ses prédécesseurs. Les anciens chefs de gouvernement italiens ont également la cote à Bruxelles puisque l’ancien président de la BCE Mario Draghi doit remettre en juin un autre rapport, également très attendu, sur la compétitivité européenne. Régulièrement cité comme successeur potentiel d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne, il a appelé mardi à un ” changement radical “.

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Frappée par la hausse des prix de l’énergie depuis la guerre en Ukraine, l’industrie européenne doit faire face à la concurrence américaine et chinoise bénéficiant de subventions massives et d’une réglementation allégée. L’écart s’est encore creusé depuis l’IRA, le grand plan de relance protectionniste lancé par Joe Biden à l’été 2022 pour sauver l’économie américaine des effets de l’inflation, au détriment de ses partenaires économiques. Au cours des quatre dernières années, l’Europe a perdu près d’un million d’emplois dans l’industrie manufacturière, prévenait en mars une étude de la Confédération européenne des syndicats.

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