«Je n’aiderai plus jamais la justice genevoise»

«Je n’aiderai plus jamais la justice genevoise»
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Retour sur les révélations de nos confrères de la télévision suisse alémanique et une histoire incroyable. Un témoin algérien a aidé la justice genevoise à élucider une affaire importante. Mais aujourd’hui, l’homme est menacé de mort et le Ministère public genevois, qui avait demandé sa protection, a fini par l’abandonner. Léman Bleu vous propose une version française de cette enquête du magazine 10 von 10.

«Je suis menacé. L’agresseur m’a dit qu’il appartenait à la mafia… Lui, ses amis et ses proches ont menacé de me tuer. Aujourd’hui, je ne peux plus sortir en public sans avoir peur. La justice genevoise m’avait promis une protection, alors je pensais qu’il n’y avait aucune raison d’avoir peur.»

Mohammed Hamdi est algérien et a contribué à résoudre un grave crime à Genève. Le 13 mars 2017, trois hommes ont dévalisé un diamantaire. Armés de pistolets et de grenades, ils obligent leurs victimes à ouvrir des coffres-forts. Ils ont volé des diamants d’une valeur d’au moins 15 millions de francs, puis ont détruit leurs traces ADN à l’aide d’extincteurs. Les auteurs disparaissent alors sans laisser de trace.

La police avait alors publié ces images sur YouTube, dans l’espoir que quelqu’un reconnaisse les voleurs. C’est la première fois que les autorités genevoises utilisent cette méthode. C’est là qu’un témoin se présente : Mohammed Hamdi. Il dit que son voisin est venu le voir avec la vidéo et s’est vanté d’être l’un des auteurs. Les bandits sont arrêtés. Le voisin de Mohammed est condamné à 10 ans de prison en Algérie. «Je vis dans la peur. Avant, je travaillais dans le bâtiment. Maintenant, je suis au chômage. Mon fils va à l’école tout près de la maison du bandit. Je vais l’y emmener et venir le chercher. Si mon fils arrive en retard, je panique à l’idée qu’il lui soit arrivé quelque chose », explique le témoin.

Menaces et agressions

L’homme n’ose presque plus sortir de chez lui. Même depuis la prison, son voisin continue de lui envoyer des menaces sur son téléphone portable. En 2018, le procureur alors en charge du dossier a demandé la protection des témoins. Motif invoqué : « Au vu de la dangerosité avérée de Nabil A. et parce que, malgré son confinement, il est capable d’entrer en contact avec des personnes à l’extérieur, (…) je crains pour l’intégrité physique de Mohammed Hamdi et de sa famille.

C’est pourquoi toute la famille doit être emmenée en Suisse. Pourtant Mohammed vit toujours sans protection dans la ville algérienne de Tlemcen. Puis au printemps 2022, alors qu’il était assis dans un café, l’oncle de Nabil A. l’a attaqué à coups de marteau.

Des radiographies et un rapport médical documentent la blessure. Au début de cette année, un policier algérien avait prévenu : les auteurs finiront par se venger. Et dans le dossier du Ministère public de Genève, on peut lire : « L’homme a respecté ses engagements et est très menacé. Il mérite le soutien que les autorités lui ont promis.»

Demande de protection révoquée

Mais le dossier est transféré à un autre procureur. Là, avec l’aval du procureur général Olivier Jornot, la demande de protection n’est pas maintenue : toute la procédure s’est déroulée en Algérie, les menaces et l’agression ne sont pas suffisamment graves pour mettre en place cette mesure.

L’avocat genevois de ce témoin, Me Jordan, a alors fait appel. Mais la Chambre pénale d’appel de Genève confirme cette décision : pas de protection des témoins pour Hamdi. Romain Jordan est indigné. « Je vois que mon client n’est pas protégé, il est menacé, il a été agressé. Et je trouve cette situation insupportable», explique l’avocat.

Le cas Hamdi n’est pas isolé. Il y a quelques années, Olivier Jornot n’accordait pas de protection dans une affaire d’attaque de fourgon blindé. A l’époque, la police avait recruté un ancien bandit comme informateur. Grâce à son aide, des arrestations ont eu lieu. Mais selon son avocat, l’informateur a ensuite dû révéler son identité à la justice française et, depuis, les gangsters s’en prennent à sa vie.

Sentiment d’abandon

« Dans des cas aussi graves, c’est le devoir de protection qui prime. Un devoir de l’Etat qui a bénéficié auparavant de témoignages. Qu’on les laisse tomber comme ça, je trouve ça choquant», déclare M. Romain Jordan. La SRF a demandé à plusieurs reprises des entretiens avec le procureur général de Genève, sans réponse.

Mohammed Hamdi est amer. «Je n’aiderai plus jamais la justice genevoise. Si je savais quelque chose aujourd’hui, je ne le signalerais pas à la police, car on ne peut pas leur faire confiance. La justice genevoise m’a promis une protection, mais elle n’a pas tenu sa promesse. Je ne m’attendais pas à ça», regrette-t-il.

La Suisse n’accorde pas plus de trois ou quatre cas de protection des témoins par an. Mais les enjeux n’en demeurent pas moins importants.

 
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