Le Contrôle fédéral des finances a analysé l’état des subventions et est parvenu à une conclusion sans équivoque : les règles ne sont souvent pas respectées lors de leur attribution. La Confédération paie donc beaucoup trop d’argent. Malgré les critiques, il est probable que rien ne changera.
Francesco Benini / ch médias
L’Office fédéral de l’agriculture accorde une subvention à une organisation active dans le domaine de l’élevage. Cette association dispose cependant d’un capital propre plusieurs fois supérieur à ses dépenses annuelles. L’office fédéral devrait alors vérifier s’il est possible d’exiger une contribution propre plus élevée aux éleveurs, mais ce n’est pas le cas, et l’argent fédéral continue d’affluer dans des coffres bien remplis.
Ce n’est qu’un des nombreux dysfonctionnements évoqués par le Contrôle fédéral des finances dans sa nouvelle analyse de l’octroi de subventions par la Confédération. Le document résume les contrôles passés et arrive à une conclusion frappante : si les services responsables ont respecté la loi sur les subventions, la Confédération pourrait économiser beaucoup d’argent.
En 2022, 60% des dépenses fédérales étaient consacrées aux subventions : 48,5 milliards de francs sur 81. Si l’on compare cela aux chiffres de 2013 – cette année-là, la Confédération a dépensé 38,5 milliards en paiements de soutien – on constate que le montant total des subventions a augmenté de 26 % en seulement dix ans. Et lors des « années Covid » 2020 et 2021, les subventions ont même largement dépassé les 50 milliards.
La Confédération jeter l’argent par la fenêtre
Commençons par définir le terme « subvention ». Le Contrôle financier écrit que les subventions permettent à la Confédération d’encourager des activités extérieures à l’administration fédérale qui contribuent à la réalisation d’un objectif social ou politique qui ne pourrait être atteint sans cette aide.
C’est là que réside un point critique. Les autorités qui décident des versements doivent clarifier la situation : les prestations seraient-elles versées même sans subventions ? En d’autres termes, il s’agit d’éviter ce que nous appelons les effets d’aubaine.
Mais cela ne fonctionne pas toujours. Le Bureau de contrôle financier constate qu’il existe des services qui sont subventionnés même si « le bénéficiaire de la subvention aurait très probablement fourni ces services même sans les contributions accordées ». Il en résulte une « perte d’efficacité et de rentabilité ». En termes moins bureaucratiques, la Confédération jette l’argent par les fenêtres.
La Confédération pourrait économiser des milliards
L’attribution des subventions présente d’autres défauts. Parfois, ni le « droit à la subvention » ni le « montant de la subvention » ne sont clairement définis. Par ailleurs, les objectifs des subventions ne sont pas toujours définis de manière suffisamment concrète. Il n’est donc pas possible de vérifier l’effet de la subvention.
Qu’arrive-t-il maintenant à ce catalogue d’échecs ? Offre-t-elle une solution pour éliminer une partie du déficit structurel d’environ quatre milliards de francs qui menace la Confédération ?
La ministre des Finances Karin Keller-Sutter a constitué un groupe d’experts externes pour examiner, entre autres, l’attribution des subventions par la Confédération. Le résultat de cette analyse devrait être disponible à la fin de l’été.
Le conseiller d’Etat Jakob Stark (UDC) estime que le rapport du Bureau de contrôle financier constitue désormais une bonne base pour ce groupe de travail. Il est également président de la Commission des Finances de la Chambre basse, qui prévoit également d’examiner les conclusions du Contrôle financier.
Sarah Wyss (PS), présidente de la commission des finances du Conseil national, explique que la commission examine régulièrement les subventions de tous les départements. Et de déclarer :
« Il me semble important qu’après plus de dix ans, nous nous penchions à nouveau sur des réductions d’impôts. Ces subventions indirectes s’élèvent à 17 milliards de francs par an.»
Sarah Wyss évoque par exemple des taux de TVA réduits. Elles s’appliquent entre autres à l’hôtellerie, aux engrais, aux produits phytosanitaires, aux médicaments et aux journaux. La Confédération perd ainsi des recettes car une série de produits et services ne sont pas soumis à la TVA normale de 8,1%.
Le message central de l’analyse du contrôle financier est cependant différent : la Confédération pourrait économiser des milliards lors de l’octroi de subventions à des organismes privés, aux cantons et aux communes, si les dispositions étaient strictement appliquées.
L’influence de pression
Le Contrôle financier souligne qu’un potentiel d’économies considérable a déjà été identifié lors de précédents audits. Toutefois, la souveraineté budgétaire n’appartient pas au Conseil fédéral, mais au Parlement.
Jusqu’à présent, le Conseil national et le Conseil des Etats n’ont apporté que des corrections superficielles. Le lobbying des organisations subventionnées est efficace – ils trouvent toujours une raison pour laquelle nous ne pouvons en aucun cas réduire ou supprimer les aides financières. Le fait que certains parlementaires appartiennent à des associations qui reçoivent des subventions de la Confédération complique encore les choses.
Karin Keller-Sutter, ministre des Finances.clé de voûte
Si le groupe de travail de Karin Keller-Sutter devait proposer des économies sur les subventions après les vacances d’été, la décision reviendrait au Parlement. Cependant, il approuve volontiers de nouvelles dépenses et a du mal à réduire les subventions.
La ministre des Finances a les mains liées dans son propre ministère. En fait, elle ne verse que 0,1% de toutes les subventions de la Confédération. Le ministère de l’Intérieur est de loin celui qui dépense le plus d’argent ; les ministères de l’économie, de l’environnement et des transports accordent également de nombreuses subventions.
Traduit et adapté de l’allemand par Léa Krejci
