La Fondation Baur part pour la Corée éternelle

La Fondation Baur part pour la Corée éternelle

Publié aujourd’hui à 14h57

C’est une histoire d’anniversaire, même s’il n’y aura ni gâteaux ni bougies. «La Fondation Baur a ouvert ses portes à Genève il y a soixante ans», explique sa directrice Laure Schwarz Arenales. “C’est l’occasion de le rappeler au public avec différents petits événements qui ont débuté cet hiver.” On y trouve aussi aujourd’hui l’évocation du voyage unique effectué en 1924 par Alfred et Eugénie Baur en Corée, alors colonie japonaise. “Il y a quelques photos de lui.” Les époux n’y faisaient pas de courses. Les rares objets coréens du musée privé sont arrivés plus tard de Tokyo, via leur marchand habituel Tomita Komasaku. « Certains d’entre eux sont exposés en permanence chez nous. » Mais pas tout! L’exposition actuelle « Jusqu’ici, si près » peut ainsi proposer une étonnante jarre « maebyeong » de la dynastie Goreyo, datant du XIIIe siècle. « Une pièce extraordinaire, dont il n’existe qu’un seul équivalent, découverte lors de fouilles en 2019. » Elle était dans la réserve. Trop grand pour tenir dans une fenêtre normale…

La Fondation Baur a jusqu’à présent peu fait pour « le pays du matin calme » (calme sauf pendant les guerres, bien sûr…). « Pris entre la Chine, à laquelle il rend hommage, et le Japon, qui finit par l’annexer, il développe néanmoins au fil du temps une culture originale. » Le pot en question en constitue la manifestation évidente, tout comme la céramique blanche « lune », en forme de boules. Mais l’aventure continue dans un pays désormais divisé en deux, dont le sud est surtout connu pour sa folie technologique. “Nous avons donc souhaité proposer deux artistes actuels en résonance avec des pièces anciennes, en partie empruntées au musée Guimet de Paris.”

Les Baurs en Corée. C'était en 1924. Le musée derrière eux a depuis disparu.

Comme lors des précédentes expositions de la fondation, ce sont des personnages qui revisitent toute une culture avec des moyens traditionnels. Ou non. «C’était pour moi l’occasion de renforcer les contacts avec Ji-Young Demol Park, qui habite tout près de Genève.» Née à Séoul en 1970, la femme est venue chez nous pour étudier les techniques occidentales. Elle s’est fait connaître par ses peintures sur papier utilisant la perspective sans renoncer aux caractéristiques ancestrales. “Il y a le papier, l’importance du blanc, une certaine abstraction et l’art du pinceau qui ramène une tradition de paysage semi-réaliste introduite dans la peinture coréenne au XVIIIe siècle par Jeong Seon.” Un maître qui reste encore aujourd’hui une référence. Malheureusement, il n’existe aucun original de lui rue Munier-Romilly.

Ji-Young Demol Park dans son atelier.

En temps normal, Ji-Young Demol Park peint les montagnes suisses, du Cervin au Salève. Des sommets qui se retrouvent orientalisés sous son pinceau. “Le musée lui a commandé une série de vues de son pays d’origine, où elle errait en altitude avec son carnet de croquis à la main.” La femme donne des visions à la fois réalistes et poétiques, composant ensuite ses œuvres définitives en atelier. Le public peut en juger dans les sous-sols de la Fondation Baur. Il présente sur ses murs à la fois des paysages suisses et coréens, les deux pays finissant ici par fusionner. Regardez attentivement les cartels. Ils nous réservent des surprises. “On peut à juste titre parler avec elle d’un art mixte.”

Lee Lee Nam dans son atelier.

L’autre artiste choisi par Laure Schwarz Arenales s’avère bien différent, du moins en apparence. Il s’agit de Lee Lee Nam, que le réalisateur a rencontré à plusieurs reprises sur place. “Un contact difficile dans la mesure où l’homme ne parle aucune langue étrangère.” Egalement la cinquantaine (il est né en 1969), Lee Lee réalise des vidéos depuis longtemps. Cet autodidacte fait donc partie des pionniers asiatiques. Ce n’est pas un de ces jeunes qui aspergent votre regard de plans ultra-courts, finissant ainsi par fatiguer l’œil. C’est une vidéo contemplative et lente, comme peut l’être celle de l’Américain Bill Viola en Occident. « Le spectateur doit être très attentif à voir évoluer ces plans fixes, où apparemment rien ne bouge. » Lee Lee Nam travaille également dans la mémoire vive de Jeong Seon, parfois mêlée à des échos de Cézanne. “Il réactive, ou actualise si l’on veut, certains des tableaux les plus célèbres.” La Fondation Baur a sélectionné trois courts métrages, dont un est projeté dans l’escalier. Ce sont presque des supports de méditation.

Image tirée d'une vidéo de Lee Lee Nam.

À l’automne, le petit musée proposera une autre exposition, cette fois japonaise. Il s’agira alors de marquer les 160 ans de relations entre la Suisse et le Pays du Soleil Levant. «Cette présentation rappellera également le grand voyage des Baurs.» Autour de très beaux objets conservés à Genève, comme des laques, des porcelaines ou des estampes, seront présentées les créations d’un brodeur dont les soies se veulent « plus légères que l’air ». C’est pour le 29 octobre. Inutile de dire que j’aurai le temps d’y revenir.

Pratique

« Jusqu’ici, si près », Fondation Baur, 8, rue Munier-Romilly, Genève. Tel. 022 704 32 82, https://fondation-baur.ch Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 18h

Une œuvre de la grande référence Jeong Seon (1676-1759)

Né en 1948, Étienne Dumont étudié à Genève qui lui furent de peu d’utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il se tourne vers le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant par parler de cinéma. Viennent ensuite les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’informations

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