Les inégalités qui touchent les jeunes du 93 freinent leur réussite scolaire

Alors que les enseignants de Seine-Saint-Denis se mobilisent depuis six semaines pour dénoncer les conditions de scolarisation dégradées de leurs élèves, le Café Éducatif donne la parole à l’association Profession Banlieue. Partenaire de la région depuis plus de trente ans, l’association constate le manque de mixité sociale et la ségrégation dont sont victimes les jeunes habitants de la région. « Les inégalités sociales et éducatives qui touchent les enfants et les jeunes de notre département ont des conséquences sur leur réussite scolaire et freinent leur épanouissement et leur épanouissement personnel. C’est aussi un immense gâchis pour la société qui se prive de la richesse sociale, culturelle, économique et intellectuelle que ces enfants et jeunes pourraient déployer si on leur en donnait les moyens », explique Vincent Havage, directeur de Profession Banlieue.

Une image contenant un visage humain, une personne, un sourire, un intérieur Description générée automatiquement Profession Banlieue est le centre de ressources politiques de la ville de Saint-Denis-Denis. Une association qui a fêté ses 30 ans à l’automne 2023 et qui est née à l’initiative de chercheurs de l’université Paris 8, à l’heure où la politique de la ville s’institutionnalisait avec la création de contrats de ville. Ils ont noté la nécessité de créer un outil pour accompagner et soutenir les acteurs de terrain dans leurs missions, et nourrir leurs pratiques professionnelles de toutes les connaissances scientifiques produites sur les sujets qui les concernent. Profession Banlieue intervient sur toutes les thématiques qui traversent la politique de la ville et la réalité sociale de notre département : emploi, développement économique, lutte contre les discriminations, santé, logement, urbanisme, transition écologique, participation citoyenne, politiques sociales, jeunesse, éducation… Dotée d’un conseil scientifique et de professionnels travaillant dans le domaine des politiques de la ville, l’association Profession Banlieue a organisé en janvier dernier une journée de réflexion sur « la mixité sociale à l’école : enjeux, perspectives et solutions ».

Vous avez organisé une journée de réflexion sur la mixité sociale à l’école. Vous qui êtes basé en Seine-Denis-Denis, quels constats faites-vous sur ce point ?

Le sujet de la réussite scolaire et scolaire est un sujet majeur dans les banlieues populaires, avec à la fois un fort consensus sur la nécessité de mobiliser tous les moyens disponibles pour garantir la réussite de tous les élèves, mais aussi un certain fatalisme face à la de nombreux problèmes rencontrés par les écoles dans les quartiers prioritaires : phénomène de ségrégation sociale, évitement scolaire ou départ vers des établissements privés, difficultés de recrutement et de rétention du personnel enseignant, bâtiments vétustes ou accès aux équipements sportifs et culturels… Des enjeux qui sont étroitement liés et qui nécessitent une réflexion globale approche du problème. C’est pourquoi, avant tout, il nous semble important de pouvoir débattre de ce sujet avec tous ceux qu’il concerne. Et c’était l’objectif de cette journée du 16 janvier 2023 que nous avons co-organisée avec la DSDEN 93. L’objectif principal de la politique de la ville est de réduire les inégalités qui touchent les quartiers populaires et leurs habitants. Cependant, la question de la mixité sociale à l’école, en s’attaquant à la ségrégation sociale, pose la question de l’égalité dans le domaine de l’éducation : égalité pour tous les élèves de bénéficier d’un enseignement de qualité leur offrant les mêmes conditions d’accès au savoir, de développement culturel et académique. succès.

La mixité sociale à l’école est un sujet d’actualité car il existe une conscience collective que la réalité contraste fortement avec cet objectif d’égalité. Plusieurs facteurs contribuent aujourd’hui à rendre cette situation visible et objective. La publication d’indices de position sociale a confirmé que la relation entre inégalités sociales et inégalités éducatives était un phénomène structurel à l’échelle nationale. La quasi-totalité des collèges en REP+ et les trois quarts des collèges en REP ont un IPS inférieur à 90 quand. Seuls 8 % des collèges publics hors éducation prioritaire se retrouvent dans cette situation. Alors que les collèges et lycées privés sous contrat ne représentent qu’un tiers de l’ensemble des établissements, ils regroupent près de 80 % des établissements ayant un IPS supérieur à 140. La Seine-Saint-Denis représente un miroir grossissant de ce phénomène national. 70 % de nos collèges publics ont un IPS moyen inférieur à 90, contre seulement 9 % des collèges parisiens. Ajoutons que le rapport parlementaire porté par les députés Christine Decodts et Stéphane Peu, publié en novembre 2023, mettait en avant l’insuffisance du déploiement des moyens de l’État pour les écoles de Seine-Saint-Denis. Ce sous-dimensionnement et cet affaiblissement du service public de l’Éducation Nationale en 93 ne peuvent qu’aggraver les inégalités sociales et éducatives qui touchent les étudiants et les jeunes de notre territoire.

À mesure qu’elles s’objectivent aux yeux du public et que leurs conséquences commencent à se faire fortement sentir au sein de la société française, les inégalités scolaires en viennent à s’imposer sur l’agenda public à travers la question de la mixité sociale à l’école. Les initiatives en la matière se multiplient, comme la création d’observatoires de la diversité – en Haute-Garonne, en Seine-Saint-Denis… Les mobilisations sociales aussi, comme celle entamée le 26 février 2024, et toujours en cours, enseignants, étudiants et parents, pour exiger un plan d’urgence de 358 millions d’euros pour assurer un enseignement de qualité à tous les élèves du département.

La journée de réflexion que vous avez organisée s’inscrit dans la lignée de ces initiatives ?

La journée que nous avons consacrée à la mixité sociale à l’école le 16 janvier 2023 s’inscrit tout à fait dans ce contexte. Il nous a semblé important de pouvoir offrir un espace de dialogue et de réflexion en abordant cette problématique dans toute sa complexité et sous tous ses aspects. C’est ce que nous avons tenté de faire en mobilisant les résultats de la recherche. Choukri Ben Ayed est ainsi revenu sur les causes structurelles de la ségrégation scolaire et les dimensions politiques du sujet lorsque Marion Monnet et Pauline Charousset nous éclairaient sur les effets des politiques de mixité sociale à l’école. Mais nous avons également demandé des contributions statistiques aux services de l’Éducation nationale, dont le travail important en la matière doit être salué par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Nous avons mis en avant les initiatives locales menées pour favoriser la mixité sociale à l’école (notamment les expérimentations menées dans le nord-est de Paris et dans le département de la Haute-Garonne).

A l’issue de cette journée, nous avons eu le sentiment d’être en phase avec les préoccupations de la communauté éducative de Seine-Saint-Denis. Cette initiative a rassemblé plus de 70 participants d’horizons différents – professionnels de l’Éducation nationale, des collectivités territoriales et de l’État, associations, élus. Et on a perçu une réelle volonté collective de faire avancer le projet de mixité sociale à l’école en Seine-Saint-Denis. Cette journée nous a également permis de partager plusieurs observations. Aux niveaux local et départemental, plusieurs initiatives existent et produisent des résultats encourageants, mais elles nécessitent d’être soutenues et mises en cohérence par une politique publique nationale volontariste. Pour être efficaces, les politiques publiques menées dans ce domaine doivent également s’appuyer sur la collaboration étroite de tous les partenaires concernés. L’objectivation des données et l’évaluation des expérimentations menées sont déterminantes pour orienter les actions menées dans le bon sens. La réussite d’une politique publique de diversité sociale à l’école relève non seulement de la responsabilité de l’école publique, mais aussi de celle de l’enseignement privé.

Cette ségrégation, ce manque de diversité, quelles conséquences pour les étudiants ?

Comme l’affirmait le philosophe Lucien Sève au début des années 1960, les dons n’existent pas ! La vocation de l’école de la république est de promouvoir et de rendre effectif le principe d’éducabilité pour tous. Tous les étudiants, ceux du 93 comme les autres, sont capables. Capables de s’approprier tous les savoirs, capables de développer des compétences multiples, capables de devenir des citoyens actifs, capables de décider de leur avenir, de la place qu’ils souhaitent occuper dans la société et de la contribution qu’ils entendent apporter au bien commun. Les inégalités sociales et éducatives qui touchent les enfants et les jeunes de notre département ont des conséquences sur leur réussite scolaire et freinent leur épanouissement et leur épanouissement personnel. C’est aussi un immense gâchis pour la société qui se prive de la richesse sociale, culturelle, économique et intellectuelle que ces enfants et jeunes pourraient afficher si on leur en donnait les moyens. Une politique publique cohérente de mixité sociale à l’école permettrait de lever ces obstacles et d’instaurer une égalité effective en termes de réussite scolaire.

Que recommande votre association ?

Il appartient à l’ensemble de la communauté éducative d’esquisser et de mettre en œuvre les réponses à apporter en matière de mixité sociale à l’école. En tant que centre de ressources politiques de la ville, nous continuerons à faire de notre mieux pour offrir des espaces de dialogue, de débat et de travail commun. Comme nous l’avons suggéré, c’est ce travail collectif qui est capable de dégager la direction à prendre. Mobilisation du droit commun pour répondre aux enjeux, coopération, mobilisation des mécanismes de la politique de la ville comme outils d’accompagnement, calibrage et adaptation des actions entreprises aux spécificités de notre département. A ce titre, la génération de Villes éducatives constitue un enjeu important dans la mesure où ces espaces peuvent jouer un rôle de rapprochement des initiatives portées par la diversité des partenaires impliqués. Le renforcement des parcours de réussite scolaire en est une autre, puisqu’il représente un levier important d’accompagnement individuel des élèves en difficulté.

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda

 
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