« La Guyane est encore une colonie », dénonce le député Jean-Victor Castor

« La Guyane est encore une colonie », dénonce le député Jean-Victor Castor
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Vous êtes un député RDA de Guyane et l’un des dirigeants du Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale (MDES). Pourquoi défendez-vous une transition vers l’autonomie de ce territoire ?

Nous établissons simplement le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Guyane a la taille du Portugal ou de l’Autriche. Il partage 700 kilomètres avec l’une des plus grandes puissances du monde, le Brésil, et possède 8,4 millions d’hectares de terres couvertes à 97 % de forêts équatoriales. C’est une terre de ressources minérales sans mesure.

C’est une forêt immense, au potentiel énorme et à la biodiversité gigantesque, dont l’un des milieux aquatiques les plus poissonneux au monde. Et c’est un peuple cosmopolite avec une culture et une histoire, qui vit très loin de Paris mais dont la vie quotidienne reste dépendante des décisions prises à Paris. Je le dis clairement : la Guyane est toujours une colonie, sous tous ses aspects.

Toute l’administration vient de France. L’autonomie comme statut particulier que nous revendiquons n’est pas une revendication récente. Elle date des années 1960. Depuis 2020, nous avons développé un projet grâce à un comité de pilotage de plus de 70 personnes. Tous les partis, chambres consulaires, syndicats patronaux et salariés, représentants de la société civile du mouvement des Accords de Guyane et chefs traditionnels sont représentés. On ne peut pas faire mieux en termes de représentation.

Que demandez-vous?

Nous souhaitons le transfert complet des compétences et des dotations vers tous les domaines non souverains. La France garde la monnaie et la défense par exemple, et le reste est transféré aux Guyanais, comme en Nouvelle-Calédonie. Nous voulons avoir le contrôle sur les programmes scolaires.

Il n’appartient pas à Paris de continuer à enseigner à nos enfants l’histoire de France avant celle de la Guyane, ni à nous apprendre la géographie européenne avant celle du bassin où nous nous trouvons. Nous sommes actuellement dans une relation paternaliste et colonialiste.

Juste avant la visite d’Emmanuel Macron cette semaine, trois jeunes enfants de moins de dix ans sont décédés, suite à un dysfonctionnement du service hospitalier, par carence, ou par imprudence. Nous n’avons pas assez de routes, pas de service téléphonique fonctionnel, pas assez de médecins. Il y a aussi des fusillades. C’est le quotidien de la société guyanaise qui nous pousse à vouloir reprendre le contrôle de notre destin.

Demandez-vous également la restitution des terres ?

Oui. J’en ai parlé à la Fête de l’Humanité. Sur plus de 8 millions d’hectares, l’État en administre 95 %, sur la base d’un arrêté royal dont l’interprétation relève aujourd’hui du révisionnisme. Les accords de Guyane ont protégé 400 000 hectares pour les peuples autochtones. 250 000 hectares sont allés aux collectivités locales et 20 000 au secteur agricole. Mais c’est bien peu comparé à tout ce qui reste entre les seules mains de la France.

Avez-vous pu évoquer le statut de la Guyane avec Emmnuel Macron lors de sa venue en début de semaine ?

Davy Riman, également député de Guyane, et moi-même avons décidé de ne pas participer à la visite du Président de la République. Nous savons que c’est un gouvernement de communication et que rien ne se passe. Nous avons, avec l’ensemble des élus, mené un travail et demandé de réunir, comme en Corse, l’Assemblée territoriale. Mais le président est venu faire une simple escale avant de se rendre au Brésil.

Son objectif est de signer des accords et de positionner la France, à travers la Guyane, dans le bassin amazonien. Il veut sans doute tenter d’avoir un siège au sein de l’Organisation du traité de coopération amazonienne et préparer la COP 30. Durant son séjour, il s’est exprimé à trois reprises sur la question de l’autonomie.

« La balance commerciale est déséquilibrée car il n’y a pas de secteur productif développé, donc pas de revenus pour les communautés. »

Il nous propose de faire des demandes de transfert de compétences. Sauf qu’en Martinique, en Guadeloupe et ici, les présidents de collectivités locales ont déjà tenté de le demander, sans que cela fonctionne.

L’autonomie de la Guyane est-elle possible d’un point de vue économique ?

Ce territoire est mal géré. Nous avons une balance commerciale complètement inversée, avec 90 % d’importations et à peine 10 % d’exportations, ce qui n’a pas toujours été le cas. Depuis 40 ans, l’orpaillage illégal représente en moyenne 10 tonnes par an, soit 500 à 600 millions d’euros par an, pillées en Guyane, ce qui correspondait, il y a encore peu, au budget de la communauté. territorial.

Il y a à peine 15 ans, nous avions 150 orpailleurs légaux, il n’en reste plus qu’une vingtaine aujourd’hui, qui ne produisent qu’une tonne d’or par an. Jusque dans les années 1970, nous avions le troisième port de France et jusqu’à 200 chalutiers. Aujourd’hui, il n’en reste plus que six. Mais l’État cible les entreprises avec une réglementation excessive et des normes absurdes venues de métropole.

La balance commerciale est déséquilibrée car il n’y a pas de secteur productif développé, donc pas de revenus pour les communautés. Il manque 80 millions d’euros par an pour les collectivités de Guyane, selon un rapport de l’Agence française de développement. Les élus et les techniciens estiment également ce chiffre inférieur à la réalité.

Et puis il y a des problèmes majeurs liés aux logements insalubres, à une démographie très croissante, à la drogue, aux armes, à la prostitution. La Guyane est devenue un no man’s land. Sept communes sur 22 ne disposent pas de route d’accès. Pour s’y rendre, il faut prendre soit l’avion, soit le canoë. C’est un territoire qui a 50 ans de retard, et il n’y a aucune réaction du gouvernement pour rattraper son retard et anticiper les besoins croissants.


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