“ C’est arrivé très, très vite. » Depuis octobre 2023, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), placé sous la tutelle scientifique et administrative de la Direction régionale des arts et de la culture (Drac) de Nouvelle-Aquitaine, va de découverte en découverte dans la commune de Vieux-Mareuil. (Dordogne), 380 âmes.
Christelle Ehrhardt, archéologue spécialiste de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge, qui a supervisé jusqu’en février des fouilles archéologiques préventives, menées parallèlement à un grand projet d’assainissement (lire ci-dessous), a des étoiles dans les yeux. « Nous connaissions l’existence de cette zone sensible, mais nous ne nous attendions pas à découvrir autant de vestiges riches et bien conservés. »
« Nous connaissions la zone sensible, mais nous ne nous attendions pas à découvrir autant de vestiges riches et bien conservés »
Premier « wow »
Dès les premières pelles, dans le bas de la ville, lors de l’installation de la station de pompage, les archéologues ont poussé leur premier « wow ». Nous sommes sur le site d’un ancien moulin détruit dans les années 1970 et d’une carrière de calcaire du Moyen Âge avec diverses occupations chronologiques. C’est le début d’un millefeuille archéologique, qui s’étend de l’Antiquité au Moyen Âge.
Point culminant des découvertes, faites en janvier : une mosaïque polychrome mesurant un mètre sur 10 cm de large, qui décorait probablement une salle de réception ou la galerie d’une ancienne villa, demeure aristocratique et luxueuse entre la fin du IIIe siècle et le début du du Ve siècle, tout proche de l’église romane classée Monument Historique. « Nous n’avons pas découvert de mosaïques provenant d’anciennes villas depuis plus de 20 ans. Celle-ci sort du lot, elle est plutôt rare, contrairement aux nombreuses villas gallo-romaines de Dordogne », confirme Hervé Gaillard, archéologue au service régional d’archéologie (SRA) de la Drac. Autre particularité, avoir retrouvé « ce qui ressemble à la partie rurale et agraire de la villa gallo-romaine ».
Os et sarcophages
Autour de l’église du XIIe siècle, une très belle architecture funéraire a été découverte immédiatement, sous le cimetière paroissial. «Nous avons collecté des ossements, des sarcophages, des coffrages, une architecture privilégiée», explique Christelle Ehrhardt. Tessons de céramiques, vestiges d’une occupation ancienne, qui datent des Ier et IIe siècles, recouverts par d’autres maçonneries du IVe siècle.
Son casque de chantier vissé sur la tête, ses bottes pleines de neige fondante, Christelle Ehrhardt montre les tranchées de l’ancien réseau d’assainissement, nettoyées avant l’installation des nouveaux réseaux. C’est ici que la mosaïque a été exhumée en janvier, avant d’être nettoyée en février. Il restera enterré au même endroit pour éviter qu’il ne soit endommagé. « Les niveaux anciens apparaissent 10 centimètres au fond de la tranchée creusée à 1,20 m sous le niveau de circulation. On peut observer en coupe quelle maçonnerie gallo-romaine a été détruite », explique l’archéologue.
Un festival de vestiges qui rassure les élus locaux, déjà convaincus que leur village était très ancien. «Nous avons aussi des grottes gravées et des habitations troglodytes», souligne Christian Monceyron, adjoint au maire de Vieux-Mareuil, inclus dans la nouvelle commune XXL de Mareuil-en-Périgord, plus grande que Paris en superficie. “Nous avons toujours comparé le nom de la localité à celui de Marullius, un Romain qui fut ancien maire de Périgueux et qui y aurait eu une résidence secondaire, ce qui reste une hypothèse”, souligne Hervé Gaillard, de la Drac.
Une fois la phase de terrain terminée, les études post-fouilles ont pu débuter. Elles dureront au moins 18 mois et permettront à l’Inrap d’affiner les dates et de remettre son rapport final d’exploitation, visé par la Drac. Elle pourrait faire l’objet de publications et d’expositions scientifiques, ce que les élus de Mareuil souhaitent vivement.
Site d’assainissement
Les découvertes faites au Vieux-Mareuil sont dues au projet de renouvellement de l’assainissement et de l’eau potable de la commune, dont le maître d’oeuvre est la Socama. Coût : 1,4 million d’euros. « C’est un projet possible grâce à la mutualisation des moyens budgétaires », souligne Christian Monceyron, adjoint au maire du Vieux-Mareuil.
Ici, le service archéologique de la Drac a prescrit des fouilles directes, sans envisager de diagnostic préventif, compte tenu d’une forte présomption de prescriptions archéologiques. « On savait grâce à une notice de la Société historique et archéologique du Périgord (Shap) qu’un fragment de mosaïque polychrome à rosaces avait été découvert en 1884. Il aurait été déposé au Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord (Maap) avant en voie de disparition », contextualise Hervé Gaillard, archéologue au SRA de la Drac.