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Les dirigeants de l’UEFA épargnent le directeur accusé de sexisme – rts.ch

Les dirigeants de l’UEFA épargnent le directeur accusé de sexisme – rts.ch
Les dirigeants de l’UEFA épargnent le directeur accusé de sexisme – rts.ch

Une enquête externe a suggéré le licenciement d’un haut cadre, notamment pour ses nombreuses insinuations à caractère sexuel. Mais les patrons du football européen ont rejeté cette recommandation. Révélations de la Cellule d’investigation de la RTS.

À l’UEFA, le respect est sacré. Le président de l’instance dirigeante du football européen, le Slovène Aleksander Ceferin, a encore écrit dans le « Rapport Respect de l’UEFA » 2021-22 : « Ces temps troublés nous rappellent clairement que le monde est bien meilleur lorsque nous savons vraiment comment nous en soucier. et s’écouter. Sans respect et compréhension mutuels, nous ne pourrons jamais surmonter les problèmes qui menacent l’humanité. »

Pourtant, l’UEFA semble avoir oublié ces propos dans une histoire qui fait beaucoup de bruit en interne. Cette affaire implique l’un de ses dirigeants les plus puissants, mais touche ses deux plus hauts responsables, le président Aleksander Ceferin et le secrétaire général Theodore Theodoridis, successeur de Gianni Infantino, devenu président de la FIFA en 2016.

L’affaire, jamais médiatisée à ce jour, est assez simple à résumer : une assistante dénonce officiellement l’attitude de son patron ; L’UEFA ordonne une enquête externe ; les experts mandatés recommandent de révoquer le directeur ou de lui retirer ses fonctions de direction ; L’UEFA ne tient pas compte de ces recommandations.

Selon les informations recoupées de la cellule d’enquête de la RTS, le scandale a éclaté en 2019 lorsque l’assistant du réalisateur, qui travaillait sous ses ordres depuis environ un an, s’est plaint de son comportement. La direction de l’UEFA, dont le siège social est à Nyon, dans le canton de Vaud et qui emploie plus de 700 personnes, semble prendre l’affaire au sérieux.

Il faut dire qu’à la maison, sur le papier du moins, on ne plaisante pas avec la conduite. En 2017, l’instance a ainsi adopté des « Lignes directrices relatives à la gestion des conflits sur le lieu de travail et à la lutte contre le harcèlement au sein de l’UEFA », un document de cinq pages paraphé par le secrétaire général.

“Il pleurait parfois”

Après la plainte de l’assistante, la direction a donc adressé à plusieurs salariés, principalement des femmes, un « appel à audition ».

« Suite aux allégations d’un salarié, la direction a pris la décision de mener une enquête administrative », écrit-elle dans sa lettre. « La direction doit vérifier si l’environnement de travail est adéquat et protège la personnalité de ses salariés, et si le devoir de loyauté/fidélité est appliqué et respecté. Afin de mener à bien cette procédure dans de bonnes conditions et d’assurer à la fois une distance ainsi qu’une neutralité adéquate, il a été décidé de confier cette enquête administrative à un organisme externe représenté par Mme Isabelle Fiset et M. Marc Rosset.

L’UEFA transmet une quinzaine de noms aux enquêteurs. Entre octobre et novembre 2019, tous ces salariés ont été convoqués à Prangins, dans un hôtel situé à quatre kilomètres du siège de l’organisation faîtière de plus d’une cinquantaine d’associations nationales de football. Un des deux enquêteurs pose les questions, un commis prend le rapport et l’employé convoqué doit le signer après avoir relu ses propos. Certains interrogatoires sont menés par une femme et un homme pour éviter les accusations de partialité.

Devant les experts, l’assistante se dit isolée, marginalisée et dénigrée. Elle évoque également des propos à connotation sexuelle. Comme la fois où elle s’est assise près de son patron lors d’une réunion et où il lui a demandé si elle lui faisait des avances. Il y a aussi la fois où elle lui aurait demandé son cachet de signature. Il lui aurait alors suggéré de se tamponner le front pour que les gens sachent qu’elle lui appartenait. Des propos contestés par le principal intéressé lors de l’enquête. Devant les enquêteurs, plusieurs collègues de l’assistante ont décrit une femme « terrorisée », « renfermée », « elle pleurait parfois », « on voyait sur son visage qu’elle n’allait pas bien ».

“Cette blonde ne sait rien faire”

Aux yeux des responsables des interrogatoires, les agissements du directeur ont violé les droits de la personnalité de l’assistante et ont eu des conséquences sur son état de santé. Les enquêteurs considèrent également qu’à plusieurs reprises, devant elle mais aussi devant des tiers, il a tenu des remarques sur son apparence physique ou des insinuations à caractère sexuel. Un constat contesté par le réalisateur.

Après avoir interrogé plus d’une quinzaine d’employés, les enquêteurs ont acquis la conviction que ce haut cadre non seulement s’était trompé avec son assistant, mais qu’il avait une manière tout à fait singulière de parler de ses subordonnés. Les exemples sont nombreux. Il y aurait cette employée qualifiée de « gouine » à la cafétéria, cet autre qui serait « psychoride », encore un autre « qui ne dirait pas non », celui-là dont « personne ne veut de toute façon », mais aussi celui qui est “vraiment trop moche”, sans oublier “cette blonde qui ne sait rien faire” et celle qui “a une jupe trop courte”. Des témoignages mentionnent également dire « bonjour les chaudasses » pour s’adresser à des collègues.

Peurs de vengeance

Le directeur se trompait non seulement avec ses subordonnés, mais aussi avec ses patrons. Selon les témoins interrogés, l’un a été traité d’« idiot », l’autre de « bébé ». Dans leur rapport, les enquêteurs notent les propos déplacés du réalisateur, ses moqueries, ses réactions disproportionnées, mais aussi son attitude revancharde.

Pour les enquêteurs, son comportement envers ses subordonnés, mais aussi ses patrons, constitue une violation des droits de la personnalité et peut être perçu comme discriminatoire à l’égard des femmes. Ils estiment qu’en raison des faits retenus au cours de l’enquête, mais aussi du regard que le réalisateur porte sur eux (il mettrait, selon eux, nombre de commentaires sur le compte de l’humour), il n’est pas au mieux de sa forme. lieu et doit être tiré.

La recommandation numéro un est donc de se séparer de lui. Les enquêteurs en formulent une seconde si la première ne doit pas être suivie : le priver de responsabilités managériales ou réduire sa marge de manœuvre au strict minimum. Mais ils soulignent que si cette solution était choisie, il risquerait de se venger des personnes qui ont témoigné. Ils plaident donc pour son licenciement.

« Enquête sur les alibi »

En décembre 2019, le rapport a été envoyé au domicile du secrétaire général Theodore Theodoridis pour des raisons de confidentialité.

Le rapport est accablant, mais le secrétaire général et le président ne tiennent pas compte des recommandations : le directeur n’est pas licencié et il conserve ses nombreuses responsabilités managériales. Aujourd’hui, elle supervise sept divisions de l’UEFA.

Selon les informations de la RTS, avant de mettre les recommandations sous le tapis, la direction de l’UEFA n’a même pas jugé utile de s’entretenir oralement avec les auteurs du rapport. Une pratique qui risque de vous surprendre. Plusieurs spécialistes d’enquête externes contactés expliquent que la restitution orale des rapports soumis est courante et permet notamment de répondre aux questions du client.

Tout aussi étonnant, au moment de la remise du rapport, la direction de l’UEFA a convoqué plusieurs salariés qui avaient témoigné. Elle voulait leur faire part de ses commentaires, mais elle a ignoré les recommandations formulées. «On ne m’a jamais dit que les experts réclamaient le licenciement du réalisateur. On m’a simplement dit qu’il serait réprimandé», confie une personne interrogée lors de l’enquête.

Épinglé par les experts, le réalisateur a donc conservé son poste. L’assistant qui l’a dénoncé a été ému. Contactée par la RTS, elle n’a pas souhaité s’exprimer.

Egalement contactés, les enquêteurs Isabelle Fiset, trente ans de métier et présidente de la Chambre suisse des personnes de confiance dans les affaires, et Marc Rosset, médiateur professionnel depuis quelque vingt-cinq ans, n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

Au bout du fil, une personne entendue lors de l’enquête et qui découvre les conclusions des experts grâce à la RTS, cache difficilement son désarroi : « J’ai vraiment l’impression d’avoir participé à une enquête d’alibi. Cela ne servait à rien. »

Fabiano Citroni et Raphaël Leroy, centre d’enquête RTS

 
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