2025 sous le feu de 118 poètes – Libération

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2025 sous le feu de 118 poètes – Libération

Chaque semaine, un regard sur l’actualité poésie. Retrouvez tous les articles de cette rencontre ici.

Le poème est-il un acte de résistance ? La question agite les têtes alors que les multiples crises (économiques, environnementales, géopolitiques, d’accueil migratoire…) troublent notre époque. Mais de quelle résistance parle-t-on ? Aux formes dominantes de discours ? Aux dominations au sens large ? À l’impérialisme ? Conventions sociales ou linguistiques ? Est-ce une expression patiente ou un volcanisme déferlant, comme le défend la nouvelle directrice du Printemps des poètes Linda Maria Baros, qui a choisi ce thème pour la prochaine édition 2025 ? Autant de pistes explorées par les auteurs réunis par Jean-Yves Reuzeau, « sans orientation partisane ni querelle partisane » et toutes générations confondues, en Esprit de résistance, chez Seghers.

Le poète et « éditeur de poètes »co-fondateur de l’Astral Castor, rassemble dans cet ouvrage à paraître fin janvier « 118 poètes d’aujourd’hui » (également paroliers et romanciers) français ou issus de la Francophonie (de la Belgique à Haïti, du Québec au Liban). L’objet, publié en partenariat avec la manifestation nationale perturbée l’année dernière par une polémique autour de son sponsor, fait aussi le grand retour d’une publication “resté légendaire”, affirme son directeur, « l’Année poétique », publiant chaque année chez Seghers dans les années 70 et 2000, un panorama d’une année de création poétique contemporaine. On retrouve également dans le millésime 2025 certains auteurs (William Cliff, Annie Le Brun et Jacques Réda, etc.) déjà dans la synthèse il y a cinquante ans.

Cette anthologie annuelle – « textes inédits et écrits pour l’occasion » – s’engage ainsi à continuer à rendre compte du foisonnement de la poésie contemporaine, attesté depuis une dizaine d’années, rendu possible par l’entêtement de l’édition indépendante, des manifestations de la poésie – contre lesquelles les poètes entrent parfois en résistance – et des libraires. Elle tente de montrer au lecteur sa diversité formelle, médiatique (du livre aux réseaux sociaux) et ses préoccupations (écologiques, féministes, sur l’exil, la guerre, l’intolérance, etc.) ; mais sans prétendre à l’exhaustivité.

« Les auteurs présents vivent parmi nous, avec leurs peines et leurs joies, leurs doutes, leurs inquiétudes, leur colère. Ils parlent d’amour et de mort, mais aussi d’illusions et d’espoir.énumère Jean-Yves Reuzeau à ce propos. Illustrations avec ces quelques vers de l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun sur Gaza (« Dans le fracas des corps / Qui tombent / Ceux des enfants / Faire / Moins de bruit »), d’Hortense Raynal (« Deuxième jour de crime organisé. Elle dit encore : / J’ai un utérus dans le cœur ça peut donner naissance à des choses / comme / des feux d’artifice / un cou vu de trois quarts / l’amour avec une fille ») or Séverine Daucourt (« Souvent, vous vous demandez comment – ​​comment faire, comment alerter, comment bifurquer et par où commencer – vous êtes parmi les premiers à souffrir et parmi les derniers à pouvoir agir, vous trouvez que le costume dans lequel vous flottez est trop grand. il”). Et « toute beauté résiste »comme l’affirme Olivier Barbarant, alors ce “esprit” est particulièrement vivante chez ceux qui donnent vie à la poésie.

Esprit de résistance. L’année poétique : 118 poètes aujourd’huisous la direction. de Jean-Yves Reuzeau, éd. Seghers, 400 pp., 20 euros.

L’extrait

Maud Thiria

Langue tordue (extrait)

langue qui coupe

cassure des lames

plus jamais de langue douce et tiède

plus jamais arraché la langue empêchée

coupe-langue ignifuge

-

coupe-feu et langue incendiaire

abîme paradoxal dorsal

ne le dis plus jamais, ne le répète plus jamais

celui qui suffit la nuit murmuré à l’oreille collé aux plumes

s’abstenir langage transformé en révolte

chant mantra où mille et une vies naissent contre la nuit contre

langue de luciole éveillée animal de terrain sur la pollution des terres

une langue qui ne s’apparie plus

le rivage mais l’habitant le sculpte

à cru sans attaches langue déliée

cousu déplié

 
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