Pourquoi as-tu voulu écrire ce livre ?
Julien Rosanvallon: Nous nous connaissions depuis plusieurs années avec Benoît Cassaigne et Philippe Tassi car nous travaillions ensemble, malgré nos parcours très différents. Et un jour, Philippe nous a proposé d’écrire un livre. Et cette proposition était évidente car nous partageons une passion commune pour la compréhension des médias et souhaitions transmettre ce savoir.
Philippe Tassi : Durant mes longues années chez Médiamétrie, j’ai eu le temps de constater qu’en France, il existait bon nombre d’ouvrages sur l’histoire des médias mais aucun spécifiquement dédié à la mesure des médias (sur l’histoire, les enjeux et les perspectives). Et étant donné que j’ai pris ma retraite en 2019, j’avais un peu plus de temps libre à consacrer à l’écriture d’un livre.
Benoît Cassaigne: Nous avions effectivement cette envie commune de transmettre et cet amour partagé pour la mesure d’audience. Et une réelle opportunité de sortir un livre sur la mesure des médias s’est présentée à nous car nous vivons actuellement un moment charnière sur le sujet. L’ouvrage que nous avons rédigé offre donc une perspective particulièrement intéressante dans un contexte où se posent de nombreuses questions sur l’avenir des médias et leur évolution.
Quels sont les différents défis auxquels sont confrontés les acteurs médiatiques ?
BC : Celui qui structure le plus le travail reste la numérisation du paysage médiatique. Un chapitre est consacré aux conséquences du numérique sur les médias. Il y en a principalement deux : le mode d’expression s’est d’abord considérablement élargi. En effet, si plus de la moitié de la diffusion de la presse est numérique, ce taux atteint encore 20 % lorsqu’il s’agit de radio. Les médias sont donc amenés à s’exprimer de manières très différentes. Puis il y a l’apparition d’une nouvelle concurrence avec l’avènement des plateformes. Comment les médias traditionnels peuvent-ils cohabiter avec ces plateformes ? Dans ce contexte, ces nouveaux acteurs auront sans aucun doute leur mot à dire dans les études d’audience.
TP : Il y a près d’un siècle – dans les années 1930 – avec l’émergence de la théorie mathématique des enquêtes et de l’échantillonnage représentatif. Et aujourd’hui, avec le numérique, nous vivons effectivement une deuxième évolution majeure de la mesure. Dans ce monde numérique, on ne parle plus d’échantillons de quelques milliers de personnes mais d’une analyse quasi exhaustive en temps réel identifiée par les plateformes. Alors là aussi, une certaine obligation de repenser le modèle de mesure s’impose.
JR : Le numérique fournit des données à la valeur infinie, mais qui segmente également de nombreux marchés, générant de nombreux points d’interrogation pour les annonceurs, pour le régulateur et plus généralement pour l’ensemble des acteurs médiatiques. Comment pouvons-nous parvenir à une compréhension globale et partagée ? Et c’est là aussi qu’il y a beaucoup de réflexion à mener sur ce sujet de convergence en créant un langage et un standard commun à tous.
Médiamétrie a d’ailleurs récemment annoncé des avancées significatives sur ce sujet de mesure cross-média. Pouvez-vous nous en dire plus ?
JR : Les premières tentatives de Médiamétrie pour mettre en œuvre des mesures cross-média remontent à loin. Même s’ils permettaient de créer des ponts entre les médias, ils étaient limités car l’ancien système les maintenait en silos. Par exemple, pour un acteur de la presse qui disposait d’une version papier et d’un site ou d’une application, on pourrait déjà faire le lien entre toutes ces audiences afin d’obtenir une audience globale. Les années ont passé et le sujet de la convergence autour de la vidéo a commencé à émerger et on a donc essayé de lancer une mesure qui rassemblait tout et qui faisait le lien sur le plan publicitaire. Ainsi, il y a un peu plus de deux ans, Médiamétrie a initié un grand projet de mesure cross-média dont les principales étapes doivent être franchies cette année 2025. Mais pour cela, il faut réunir tous les acteurs du marché autour de la table.
C’est ce que fait Médiamétrie avec le lancement du comité cross-média…
JR : Il y a effectivement une dynamique très positive. Les chaînes de télévision, les diffuseurs, les agences et les annonceurs – très engagés dans cette démarche – sont en phase. Et aujourd’hui, plusieurs grandes plateformes ont accepté de rejoindre ce comité : YouTube, Netflix, Disney+, Prime Video… (NDLR : alors que des discussions sont en cours avec Max et TikTok, seul le groupe Meta a refusé de rejoindre le comité). L’engagement de ces acteurs à participer à ce processus et à souscrire à ces mesures qui arrivent en 2025 est un signe très positif pour le marché.
-TP : Nous sommes l’un des rares pays à engager ce dialogue avec l’ensemble des acteurs médiatiques. Je pense que Médiamétrie avait un avantage que n’ont pas forcément d’autres sociétés d’études dans d’autres pays : c’est la référence non seulement de la télévision mais aussi du web et de la radio. L’acquisition de cette culture numérique depuis le début des années 2000 a été très favorable pour Médiamétrie car elle lui permet de parler de manière expérimentée avec les plateformes.
BC : Mais pour être clair, nous avons souhaité dissocier notre livre de l’actualité des médias et de Médiamétrie. Il était important pour nous qu’il ne s’agisse pas d’un ouvrage sur Médiamétrie mais qui examinait, avec plus de recul, l’histoire, les enjeux et les perspectives de la mesure des médias.
Les auteurs :
Benoît Cassaigne, former manager of large media companies and executive executive at Médiamétrie.
Julien Rosanvallon, specialist in marketing and digital media, current deputy general director of Médiamétrie.
Philippe Tassi, doctor in mathematics and former scientific director of Médiamétrie.