« En soutenant le lecteur, nous dynamiserions toute la chaîne du livre !

« En soutenant le lecteur, nous dynamiserions toute la chaîne du livre !
« En soutenant le lecteur, nous dynamiserions toute la chaîne du livre !

Bichr Bennani
Co-Founder of Tarik Éditions

Avec plus de 100 titres à son catalogue, Tarik Éditions, créée par Bichr Bennani et Marie-Louise Belarbi, a été fondée en 1999. Son champ éditorial privilégie l’histoire, la mémoire et l’actualité, mais aussi la littérature générale.

Quel est le domaine d’expertise de Tarik Éditions ?
Eh bien, au départ, nous nous sommes principalement concentrés sur les témoignages. Aujourd’hui, on peut dire que l’on évolue entre littérature et histoire.

Et la traduction au Maroc ?
Concernant les traductions locales, il est assez rare qu’un auteur écrive en français puis traduise son œuvre en arabe. En gros, nous avons environ 70 % de livres en arabe et 30 % en français dans le pays. Lorsqu’il s’agit de trouver d’autres œuvres importantes à traduire, nous sommes encore un peu en retard. Il y a un vrai manque d’humilité, je pense. Nous avons tendance à sous-estimer les œuvres étrangères, comme si nous étions presque les meilleurs. Certes, il existe une aide à la traduction, que ce soit des services culturels français ou du ministère, mais elle reste malgré cela encore très faible.

En termes de production, rencontrez-vous des obstacles particuliers ?
Quant à l’impression, nous disposons aujourd’hui d’imprimeries locales qui sont vraiment efficaces et de grande qualité. C’est peut-être un peu plus cher qu’ailleurs, mais au final, avec les frais de transport, cela revient au même.

Le gros problème c’est vraiment la distribution. La distribution est en chute libre, ce qui est très inquiétant. Actuellement, les livres français sont bien mieux distribués que les livres marocains. Certaines librairies réalisent jusqu’à 90 % de leur chiffre d’affaires avec des livres français, souvent importés. Le distributeur qui distribue le livre étranger refuse de distribuer le livre marocain. Il est pourtant bien plus efficace que celui qui prétend distribuer des livres marocains.

Et les librairies ?
Il faut relativiser ce que l’on appelle une librairie. Environ 90 % des panneaux indiquant « librairie » n’ont rien à voir avec les livres. Il n’existe que quelques rares librairies qui vivent exclusivement de la vente de livres, mais si l’on exclut les livres scolaires, on en trouvera à peine quatre ou cinq. La plupart des autres vivent à 70 % de livres scolaires et à 20 % d’autres produits.

Des centaines sont inscrites au registre du commerce en tant que librairies. Du coup, les statistiques de certains organismes publics donnent le nombre de ces librairies enregistrées, mais beaucoup n’ont rien à voir avec une véritable librairie.

Tarik Éditions s’est essayée à la vente de livres électroniques. Où est le marché du livre électronique au Maroc ?

Le marché est en croissance, mais il reste encore très faible. Nous avons commencé, je dirais, il y a environ 4 ou 5 ans, avec le Covid. J’avoue que j’étais un peu réticent au début… Mais finalement, dans une situation où les lecteurs ne viennent plus chercher des livres, il a fallu s’adapter et leur apporter ce qu’ils veulent, que ce soit sur leur téléphone ou leur ordinateur. Cela dit, pour l’instant, cela ne représente pas encore 10 % de notre chiffre d’affaires.

Localement, il n’existe pas de distributeur de livres électroniques. Nous utilisons pour cela des plateformes en Belgique et en . Ils sont très efficaces, mais tout est fait à la machine. C’est un peu triste à dire, mais il n’y a plus aucun risque d’erreur ou de triche. Nous recevons automatiquement des rapports sur le nombre d’exemplaires vendus, quel que soit le pays, que ce soit au Kazakhstan ou ailleurs. Alors que, par exemple, si nous vendons deux exemplaires à Oujda, nous n’en sommes pas informés. C’est vraiment dommage.

Quels pays achètent le plus de livres électroniques marocains ?
La France est en tête, suivie par la Belgique, et, de temps en temps, nous en vendons un exemplaire aux Etats-Unis, trois en Allemagne, deux en Suède… C’est vrai qu’on a des demandes de partout, sans doute parce qu’il y a tous des Marocains. à travers le monde.

La machine ne précise pas encore si la personne qui a acheté est marocaine ou suédoise. Mais je suis toujours étonné de voir qu’on peut vendre un livre au Mexique ou au Brésil, même si ce n’est pas en grande quantité.

Quant aux ventes au Maroc, c’est assez triste. Par exemple, à Fès, nous ne vendons pratiquement rien, et ce n’est pas que pour nous, c’est le cas de toutes les maisons d’édition. En gros, je dirais que 75 à 80 % des ventes se font sur l’axe Casa-Rabat.

Quel type de support de publication trouveriez-vous utile ?
Depuis les années 70 et 80, des subventions ont été distribuées pour vendre des livres à un prix abordable, mais cela n’a pas vraiment augmenté les ventes. En fait, je dirais même que c’était mieux dans les années 70 et 80. Donner de l’argent aux éditeurs est, à mon avis, une mauvaise idée. Cela leur permet de publier, mais ils ne rendent pas compte des livres qu’ils ont publiés. C’est donc un peu pernicieux.

Aujourd’hui, le tirage moyen tourne autour de 200 ou 300 exemplaires, ce qui est ridicule. Le vrai défi, c’est la lecture ! Comment inciter les gens à lire ? Il ne s’agit pas de jouer sur les prix, mais de favoriser la diffusion et le contact avec les lecteurs. Nous devrions commencer par l’école. J’ai rencontré des étudiants qui, à la fin de leur licence ou même de leur master, n’avaient jamais lu un seul livre en dehors du cursus scolaire. C’est absurde ! Au lieu de subventions, j’offrirais une aide directe aux lecteurs, comme des chèques-livres pour les étudiants. Ils pourraient se rendre chez le libraire, découvrir les livres et repartir avec un titre. Il faudrait aussi familiariser les citoyens, dès l’école primaire, à la lecture.

D’autres pays ont déjà mis en place des systèmes de lecture obligatoire dans les écoles. Les étudiants doivent lire un livre parmi une sélection et en faire rapport. Cela encourage vraiment la lecture. Mais depuis 50 ans, rien n’a changé. Il est temps de réfléchir à une politique qui n’a pas produit de résultats.

Ainsi, aider le lecteur bénéficierait aux libraires, aux distributeurs et aux éditeurs. Au lieu de vendre 20 titres, nous pourrions en vendre 200 ou 300, si le livre est bon. L’éditeur serait alors incité à améliorer la qualité de ses publications. Ce n’est pas compliqué, il suffit d’aller à la racine du problème. Et cette racine est le lecteur. En soutenant le lecteur, nous dynamiserions toute la chaîne du livre !

Murtada Calamy / Inspirations ECO

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV 5 applications de livres interactifs pour les 2-5 ans
NEXT RENCONTRE. Son livre, la souffrance à vélo, son avenir à la FDJ… Guillaume Martin raconte son histoire