« La République des Pyrénées », 3 février 1966. « Il est venu, nous l’avons vu ; nous ne savons pas s’il aura gagné. Johnny Hallyday était à Pau hier. Pas pour un super-gala. Bécaud avait triomphé la veille. Non, répondre des coups et blessures devant le tribunal de grande instance. » René Hégoburu raconte en six colonnes le procès du rockeur après une bagarre à la gare de Pau, le 26 août 1963, à 3h45
« Après l’émission Nay, écrit celui que tout le monde appelle Hégo, Hallyday, Mme Vartan et des amis dont Claude François vont dîner dans une salle réservée au Buffet de la gare. Au moment de leur départ, des jeunes excités entourent le groupe, il y a une discussion, une mêlée, le nommé Dupuy lance une tasse en métal qui frappe Hallyday au front. »
L’idole des jeunes est abasourdie mais se lève et donne un coup de pied ou un coup de poing, les faits ne sont pas si clairs. “Je ne m’en souviens plus, j’étais dans le coma”, s’est défendu Johnny avant le plaidoyer de son avocat exigeant l’acquittement. «C’était en état de légitime défense. Il avait peur pour sa famille, pour Sylvie, dont il faisait sa femme, d’où j’en déduisais qu’il l’aimait. Johnny n’est pas violent, même s’il chante sur la violence. » Le chanteur sera condamné à une amende de 1 500 francs.
Plumes historiques
Cette histoire est celle choisie par nos confrères de Pyrénées Presse pour éclairer l’année 1966 dans leur ouvrage qui remonte les 80 ans de « La Rép’ » et « L’Éclair ». Une somme qui remonte sur les huit dernières décennies au rythme des articles les plus marquants des deux journaux voisins.
« Notre premier projet a été de publier des Unes historiques, puis l’idée d’un livre qui raconterait le Béarn et la Soule à travers des articles de La Rép’ et de L’Éclair a émergé », raconte Nicolas Rebière, rédacteur en chef de chef des deux journaux mariés depuis les années 1970 mais qui proposent toujours une Une et quelques pages qui diffèrent. « Nous avons lancé le projet et choisi de nous appuyer sur les perspectives les plus pertinentes. J’ai demandé à Jean Marziou, le rédacteur en chef emblématique qui m’a précédé et à Renée Mourgues, journaliste historique de la Rep’ qui avait ce souvenir, de participer aux travaux. »
Nous avons également voulu rechercher des histoires typiquement béarnaises comme celle de Miron Kinley, le pompier texan venu éteindre l’incendie du puits de gaz de Lacq.
Les neuf décennies couvertes par Rép’et l’Eclair sont l’occasion de se replonger dans l’actualité de l’époque. « Il fallait d’abord rechercher les principaux événements. C’était compliqué car il fallait à la fois de la grande histoire mais aussi des petites histoires, c’est-à-dire une mémoire collective et populaire. Nous n’avons pas voulu raconter l’histoire de France à travers le Béarn ou ce qu’en disent les journaux béarnais, mais plutôt l’actualité du Béarn sur 80 ans, en retenant l’événement majeur de l’année. »
La libération de Pau, la visite de De Gaulle en 1959, de Khrouchtchev en 1960, le tremblement de terre d’Arette en 1967, mai 1968, l’élection de Mitterrand en 1981, le confinement… Les grands événements à portée locale et nationale sont racontés à travers les plumes de les deux canards. « Mais nous avons aussi voulu rechercher des histoires typiquement béarnaises comme ce jour de 1952 où un pompier texan, Miron Kinley, est venu éteindre l’incendie du puits de gaz de Lacq. Le roi sans diplôme est un « rebouteur de génie » pour « La Quatrième République des Pyrénées ».
Labarrère, Bayrou, European Cups…
Dans le même esprit, on retrouve les grandes victoires sportives, du Brennus 1964 pour la Section jusqu’à la Coupe Korac 1984 à Orthez qui fait même la couverture du livre. On savoure ce papier de 1978 qui raconte l’histoire oubliée du funiculaire de Pau, qui avait cessé d’exister depuis huit ans avant que la mairie n’en prenne la relève. « Le quartier de la gare sans son funiculaire, c’est un peu comme Marseille sans sa Canebière », écrit notre confrère Chantal Renaux. Le retour de la carte postale doit beaucoup à André Labarrère, l’un des personnages qui font l’objet de dossiers sur plusieurs pages, comme François Bayrou.
Le déménagement de l’hôpital Pau de Bosquet au nord de la ville en 1988 ou le percement du tunnel du Somport en 1994 sont d’autres actes de bravoure. « Dans ce dossier, nous avons un article assez incroyable de Jean-Marc Faure sur Éric Pétetin qui s’installe dans la vallée d’Aspe et entame une sorte de guérilla contre le tunnel », souligne Nicolas Rebière. L’affaire est conclue par un récent article de Vincent Martinelli consacré à Tony Estanguet, « Un Palois au sommet de l’Olympe ».
Au fil des pages, on assiste à une transformation. « En relisant les journaux, on voit aussi le regard journalistique évoluer. Dans les journaux des années 1960, on cite toutes les personnalités présentes à la moindre inauguration. Il y avait aussi une forme d’accentuation. Il y a aussi des moments qu’on pourrait croire importants et qui étaient relativement ignorés par le journal à cette époque. Je pense par exemple au classement aux Monuments Historiques du Château de Morlanne. »
Le cœur de métier n’a pas beaucoup changé. « Ce livre doit aussi être vu comme un hommage aux écrits passés, présents et futurs », conclut Nicolas Rebière. Ils font tous le même travail d’information locale. Dès les premiers journaux en 1944, on a l’avancée des forces alliées contre les nazis mais aussi la distribution de tickets de rationnement à Pau. Cela continue aujourd’hui. C’est fondamental pour nos journaux. »