Littérature –
Rachida Brakni signe le livre de son père
L’actrice française publie un récit tendre et vibrant aux Éditions Stock.
Publié aujourd’hui à 19h31
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« Kaddour » n’est pas un livre de règlement de compte. Rachida Brakni n’a rien à reprocher à son père. Elle lui consacre un récit vibrant et reconnaissant. Kaddour, c’est le nom de cet homme venu jeune de son Algérie natale pour travailler en France. C’est le travailleur assidu qui perdra deux doigts au travail et qui parviendra à donner à sa famille un toit et suffisamment d’amour pour que sa disparition les laisse profondément désolés.
L’auteur a construit son récit à partir de ce moment charnière où elle a appris la nouvelle du décès de Kaddour, survenu dans un hôpital de banlieue parisienne. La jeune femme est déjà la personnalité connue qu’elle est aujourd’hui, passée par le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris et la Comédie-Française, devenant actrice de cinéma et de théâtre, épouse d’un célèbre Eric (Cantona), dont seul le prénom est cité dans « Kaddour ».
Un homme fier et honnête
Les préparatifs des funérailles de son père plongent la jeune femme dans l’ambiance de son enfance. Autour de sa mère éplorée, son frère et sa sœur, des amis du quartier se pressent, pour la plupart d’origine maghrébine. Les détails du rite funéraire musulman sont évoqués, le poids à la fois rassurant et étouffant du groupe, de la communauté place Rachida face à son identité première.
On comprend implicitement, et pas seulement, qu’un fossé superficiel mais bien présent sépare désormais l’actrice de la fille arabe de Morangis, qu’elle fut autrefois. Ce qui ne l’empêche pas de se consacrer entièrement aux derniers devoirs dus envers le défunt, notamment l’épineuse question du retour de son corps en Algérie, expressément demandé par lui-même. Un vrai casse-tête.
L’histoire alterne entre des scènes de live peintes avec tendresse et humour et les souvenirs qui reviennent, formant peu à peu le portrait d’un homme fier, honnête, travailleur acharné, bon mari, bon père, mais peu expansif. C’est de ce silence qu’est né le projet de sa fille d’écrire sur lui. Pour lui donner en quelque sorte une voix qu’il n’avait jamais prononcée de son vivant. Ni par la voix ni par l’écriture, car n’ayant pas eu accès à l’école des colons français, ce pauvre orphelin avait débarqué très jeune en France sans savoir lire ni l’arabe ni le français. Kaddour restera analphabète toute sa vie.
Rachida Brakni est venue à la Reading Society fin novembre pour parler de son livre. Par hasard, elle rencontre Coline Serreau à Cornavin, à Genève, pour la première de sa pièce « La Crise ». Les deux femmes se connaissent car Rachida Brakni a joué dans “Chaos”, un film de Coline Serreau qui lui a valu un César du meilleur espoir féminin en 2002. Un espoir confirmé au théâtre et à l’écran, et depuis cette année en littérature.
“Kaddour” by Rachida Brakni, Éditions Stock, 196 pages.
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