A l’occasion de la 40e édition du Salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis, quelque 400 maisons d’édition, petites et grandes, inspireront les 200 000 visiteurs attendus à Montreuil d’ici le 2 décembre grâce à l’imagination de leurs auteurs et illustrateurs. Rencontrez quatre d’entre eux, qui n’en manquent pas.
► Elena Selena, tout un monde en papier 3D
La Lituanienne Elena Selena a choisi de rester en France « pour la richesse inspirante de son édition jeunesse ». / JEUNESSE GALLIMARD
Sous ses doigts, tout un monde se dévoile, tout un univers se dévoile. A 31 ans, la Lituanienne Elena Selena fait partie de ces magiciennes capables d’écrire, d’illustrer et de concevoir des albums en relief. Après avoir étudié aux Beaux-Arts de Vilnius avant d’intégrer l’École Estienne à Paris, elle découvre le pop-up lors d’un atelier avec l’un de ses maîtres incontestés, Gérard Lo Monaco. Une révélation.
Alors que sous l’influence du numérique, la 3D se banalise, Elena Selena lui donne une autre dimension. « Le pop-up, c’est l’art du détail et de la surprise. » résume-t-elle. L’art de faire ressortir l’émerveillement, avec de subtils coups de plis, des mécanismes et des découpes laser. En 2023, Matin rose, son ultime œuvre, s’est retrouvée propulsée au catalogue de Gallimard Jeunesse, qui vient également de publier son dernier album, Les loups.
Dans ses livres – déjà une dizaine, dont certains publiés chez Bayard et Tourbillon – les images entretiennent souvent un dialogue fructueux avec des textes travaillés. “un peu comme haïkus ». Comme dans ces courts poèmes japonais, la nature est omniprésente, mystérieuse, presque mystique.
Enfant, Elena Selena aimait rêver en paix en lisant un livre, mais aussi partir à l’aventure, grimper aux arbres, nager dans la rivière voisine. Une double impulsion qui est présente dans ses albums. Si elle a choisi de rester en France, c’est « pour la richesse inspirante de son édition jeunesse, pour sa variété stimulante ». Une richesse qui s’illustre chaque année, s’enthousiasme-t-elle, par le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil.
► Marie Dorléans souligne les points de bascule
Le dernier livre de Marie Dorléans, La Couverture, traite avec beaucoup de justesse des peurs de l’enfance. / SLPJ
On l’a retrouvée, à l’approche des JO, avec un album haut en couleur intitulé Chaos à la pagaie (Sarbacane), où elle a pointé les excès d’un esprit de compétition contraire au fair-play. Cet automne, on retrouve Marie Dorléans, ou plutôt le petit garçon dont elle a fait un héros, sous La couverture, son dernier livre, paru au Seuil, et qui aborde avec beaucoup de justesse le thème universel des peurs de l’enfance : c’est seulement enveloppé dans ce gigantesque morceau de tissu doux que l’on ose affronter un monde perçu comme hostile. Les petits se reconnaîtront dans cette histoire, les adultes apprécieront la métaphore.
Dans les livres de cet auteur-illustrateur diplômé de l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, des lignes minutieuses, faussement sages, nées de patients allers-retours entre le papier et l’ordinateur, ouvrent grandes les portes de l’absurde et du fantastique au cœur du quotidien.
“Marie Dorléans aime plus que tout le moment où tout va mal, savors its editor Céline Ottenwaelter. Elle utilise ces points de bascule pour délivrer un regard très personnel, pour délivrer ses messages. Comme dans Mauvaises herbesun album précédent, dans lequel un jardin auparavant entretenu avec une rigueur méticuleuse échappe soudain à tout contrôle. »
Marie Dorléans voit son début de carrière récompensé par plusieurs prix. En 2021, le New York Times a classé son livre Nous avons rendez-vous parmi les dix albums les mieux illustrés de l’année.
► Esmé Planchon, pour l’amour du jeu
Comédienne de formation, Esmé Planchon a fait de la littérature jeunesse son nouveau terrain de jeu. / www.esmeplanchon.com
Comédienne de formation, Esmé Planchon, 32 ans, aime interpréter ses propres textes et dit “bricoler” de la “petites formes” théâtral : numéros de cabaret, spectacles et surtout spectacles pour enfants, comme celui-ci Petit Renard actuellement en tournée, conte musical adapté d’un opéra de Leos Janacek. Lecteur insatiable et grand admirateur de Malika Ferdjoukh(Quatre sœurs, Broadway Limited)elle a fait de la littérature jeunesse son nouveau terrain de jeu.
Contrairement à la scène, le roman propose « des moyens illimités » à son imagination. Ses livres sont conçus comme « cabinets de curiosités » où ils se mélangent dans un “Joyeux désordre”, poèmes, faux articles, extraits de journaux intimes… Dans Entrée fracassante des actrices, sorti avant l’été chez Bayard Jeunesse, il s’inspire de sa propre expérience pour évoquer le goût de la création collective et l’importance structurante des amitiés. Son objectif : « Offrir des possibilités de vie aux adolescents, les faire se remettre en question, leur donner des envies en citant des films, des livres… »
Pour elle, l’art est partout et surtout dans les choses que l’on croit insignifiantes. C’est Fée des grains de poussière, mais aussi dans d’adorables bandes dessinées (trois tomes édités par BD Kids), émerveillez-vous devant un brin d’herbe ou transformez le voyage d’un caillou dans une chaussure en épopée. Esmé Planchon cite volontiers Flaubert : « Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longuement. »
► Mickaël Brun-Arnaud, écrire comme on s’en soucie
Ancien psychologue dans un service de gérontologie hospitalière, Mickaël Brun-Arnaud a réalisé son rêve d’enfant en 2017 : devenir libraire. / Sophie Lavaur / Ricochet
Le vieux Ferdinand Taupe, l’un des personnages de la saga Souvenirs de la forêt, souffre de la maladie des Oubliez-Tout et part à la recherche de son passé avec l’aide de son ami Fox, un libraire au grand cœur. La fuite de la mémoire et les souffrances qu’elle provoque sont des sujets que Mickaël Brun-Arnaud connaît bien. Pendant près de dix ans, il a travaillé comme psychologue dans un service de gérontologie hospitalière, où il accompagnait les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et leurs familles.
En 2017, il décide de réaliser son rêve d’enfant : devenir libraire, comme sa grand-tante, dont la Maison de la presse l’avait tant ébloui dans sa jeunesse. Lorsque le premier confinement l’oblige à fermer temporairement son antre, Le Renard doré, à Paris, spécialisé dans la culture japonaise, il écrit sur papier, histoire de passer le temps, une de ces histoires qui lui trottent dans la tête depuis des années. années.
Rédigé en trois semaines et envoyé par email à plusieurs maisons d’édition, le premier tome de Souvenirs de la forêt paraîtra finalement en 2022 à L’École des Loisirs. Suivront trois autres opus qui, malgré des sujets délicats – secrets de famille, dépression, deuil, etc. –, ont touché le cœur de plus de 300 000 lecteurs.
« On peut parler de tout aux 9-12 ans, à condition de le faire avec la poésie et le recul nécessaires » dit-il, cherchant à libérer les émotions et à favoriser une communication bienveillante. Il n’est pas rare que des parents, lors de séances de dédicaces, disent avoir versé une larme en lisant le livre à haute voix à leur enfant.
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Aller au Salon de Montreuil
Le Salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis fête sa 40ème édition.
Il a lieu du 27 novembre au 2 décembreat the Paris Montreuil Expo, 128 rue de Paris in Montreuil.
L’entrée est gratuiteà condition de réserver votre place en ligne.
Environ 400 maisons d’édition seront représentés, ainsi que 250 artistes invités et plus de 2 000 auteurs et illustrateurs signataires.
Cette année, une distinction particulière, la « Grande Ourse »est attribué à l’auteure franco-américaine Susie Morgenstern. Elle est particulièrement reconnue pour ses livres Le Sixième, Lettres d’amour de 0 à 10, Soyez heureux! Mes meilleures comédies musicales ou même Monsieur Gershwin. Les gratte-ciel de la musique.