Les mille talents de Jean-Claude Carrière dans un livre

Son génie de conteur n’avait d’égal que son humilité et sa discrétion. Jean-Claude Carrière, qui nous a quitté en 2021, aura exercé son imaginaire, inlassablement nourri par son goût de la découverte, à tous les genres et à toutes les formes de culture. Au théâtre, il fut le complice d’écriture de Peter Brook (La conférence des oiseaux…). Au cinéma, il a écrit les scénarios de six films de Luis Buñuel, dont Cet obscur objet de désir qui a révélé Carole Bouquet. En littérature, il s’essaie volontiers aux romans, aux essais et même aux contes mythologiques.

Trois ans après sa disparition, ce Pic de la Mirandole contemporain que tous les hommes d’esprit vénéraient, – comme ses amis de l’Académie Alphonse-Allais qui aimaient cette grâce qui lui permettait de passer du bouddhisme aux moindres bêtises sans y avoir touché – , méritait qu’on lui consacre le bréviaire de toutes ses réalisations spirituelles, intellectuelles et même matérielles puisqu’il était aussi un amoureux du vin et de la vigne. Consciente qu’un tel travail manquait à l’entretien de sa mémoire, Delphine Bürkli, maire du IX^e quartier de Pari, et Jean Audouze, astrophysicien de renom, ont édité un livre qu’ils voulaient simplement nommer With Jean-Claude Carrière.

L’élu de la capitale, dont la mairie est située près de Drouot, a accepté de dire à la Figaro pourquoi elle voulait personnellement contribuer à ce qu’elle considère être « un hommage incontournable à cet homme immense, curieux de tout ».

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LE FIGARO. – Comment vous est venue l’idée d’écrire sur Jean-Claude Carrière ?

Delphine BÜRKLI. – Il avait choisi de vivre au IX^edans une maison nichée entre la rue des Martyrs et Pigalle. Ce quartier lui ressemble, à la fois sage et dévergondé. Je le rencontrais parfois dans les rues où il aimait faire ses courses. Je dois dire qu’au début je n’osais même pas l’approcher tellement il m’impressionnait.

Vous le connaissiez de réputation…

Oui bien sûr. Je savais qu’il avait été le scénariste de Buñuel, de Pierre Étaix et de bien d’autres grands cinéastes. Pour moi surtout, il a dialogué avec Rappeneau Cyrano de Bergerac. Je me suis dit à l’époque qu’il fallait une sensibilité incroyable pour donner ainsi vie à l’écran au texte d’Edmond Rostand.

Comment avez-vous abordé son œuvre protéiforme dans votre livre ?

La difficulté avec Jean-Claude, c’est de ne pas trouver des choses à dire sur lui, ce serait plutôt de ne rien oublier et de chercher à ordonner le foisonnement de ses idées. Nous avons Jean Audouze et moi déclinons toutes les disciplines de cet athlète de l’esprit : cinéma, théâtre et parole et enfin littérature. Et pour rendre le tout le plus vivant possible, nous laissons écrire des témoins qui ont connu l’œuvre aussi bien que l’homme, car avec lui, c’est intimement lié. On peut ainsi retrouver des témoignages ou des analyses de Volker Schlöndorff, Jean-Paul Rappeneau, Peter Brook, Éric Fottorino, Serge Toubiana… Je ne pourrais tous les énumérer de tête. Tout cela foisonne à l’image de l’esprit de Jean-Claude Carrière.

Il y a aussi dans votre livre des témoignages de personnes qui ont bien connu l’homme Jean-Claude Carrière…

Encore une fois, je ne peux pas tous les énumérer. Parmi ceux-ci je pense à Jean Audouze qui en quelques mots a si bien décrit le travail intellectuel « invisible » de Carrière qui aimait mûrir ses idées lorsqu’il butait sur une difficulté. Je pense aussi à Carole Bouquet, qui a dressé de lui un portrait très épicurien, presque charnel, même s’il ne s’agissait que d’amitié pure. Elle le connaissait bien et l’aimait pour sa disponibilité, son goût des autres, son envie de transmettre les choses.

En plus de ce livre, vous avez décidé de nommer un lieu du 9e^e au nom de Jean-Claude Carrière…

Oui, il s’agit de la place Jean-Claude Carrière, qui se situe au pied du Sacré-Cœur. C’est ici qu’il a emmené sa fille, Karia, lorsqu’elle était encore enfant. C’est un petit coin de verdure au pied de cette montagne à Paris. C’est un lieu qui lui ressemble et c’est pour cela que nous avons souhaité qu’il lui soit dédié.