Il faut lire « Baumgartner », le dernier roman de Paul Auster et son double

Il faut lire « Baumgartner », le dernier roman de Paul Auster et son double
Il faut lire « Baumgartner », le dernier roman de Paul Auster et son double

Temps de lecture : 3 minutes

Le célèbre romancier américain Paul Auster, atteint d’un cancer, publie Baumgartner, un roman élégiaque et ironique dont il a confié à un journaliste du Guardian qu’il sera sans doute “le dernier”. Cela lui confère une dimension évidemment autobiographique et tragique. Le narrateur Sy Baumgartner est son sosie.

Ce long presque monologue est le livre des adieux. Adieu à la vie, adieu à l’amour. À son unique amour, Anna, rencontrée en 1969 et tragiquement disparue, il y a dix ans, dans sa jeunesse, par un beau jour où ils étaient heureux sur une plage.

« L’être de la vie »

Le narrateur rassemble ses dernières forces pour revivre, dès le premier jour, les années passées avec sa femme qui s’est noyée en un instant, sous ses yeux. Ce moment, sans cesse revécu, où soudain elle n’était plus là. Où elle ne sortait pas de l’eau pour se sécher à côté de lui.

Ce roman de douleur atroce, de perte de celui qui était “sa vie étant”comme l’écrivait Thomas Bernhard à propos d’Hedwige Stavianicek, qui lui offrit une seconde existence lorsqu’elle l’invita à vivre sous sa protection et à côté de laquelle il fut enterré.

Anna était bonne “l’être de la vie” du professeur Sy Baumgartner qui dit souffrir comme s’il avait été amputé d’un membre. Il ressent constamment et douloureusement sa présence, mais il n’est plus là. Anna était une poète ; il admirait le seul petit recueil de poésie qu’elle avait accepté de publier.

Professeur de philosophie à l’université, comme Philip Roth et Cynthia Ozick ses aînés, Baumgartner est originaire de Newark, une banlieue très juive de New York. Cloîtré dans la maison où il a vécu de longues années lumineuses avec sa bien-aimée, la réalité du monde quotidien s’impose à lui de manière obsessionnelle et macrophotographique.

Il observe, analyse et commente de longues digressions qui entretiennent des liens avec les souvenirs de Marcel Proust, mais à la différence qu’elles sont plus mécaniques et brèves que celles de l’inimitable auteur deÀ la recherche du temps perdu. Proust a fait un cadeau empoisonné à ses admirateurs, car tout écrivain suivant ses traces est amené, à contrecœur, à devenir son prisonnier ; pas nécessairement son égal.

Deuil et espoir

Sy Baumgartner, qui vieillit et n’arrive pas vraiment à s’intéresser à son essai sur Kierkegaard, tombe dans les escaliers, se blesse gravement, se brûle en essayant de faire chauffer un café, attend que l’on sonne à la porte de quiconque se présente à sa porte. . Il est tellement seul que le livreur et la facteur le ramènent à la vie.

Des journées entières, il se souvient de sa rencontre avec la jeune Anna, de leur amour sensuel, de leur vie commune dans la maison où il endure, sans repos, les affres du deuil.

Mais soudain, il n’y a plus d’espoir. Bebe Coen, une jeune universitaire qui consacre sa thèse aux travaux d’Anna, souhaite venir consulter ses manuscrits chez lui. Une raison de vivre donne à Sy un sursaut d’espoir et d’énergie.

Oui! Il le recevra. Il fera même rénover un studio, afin de l’héberger pendant le temps où elle se plongera dans l’étude des poèmes inédits et du journal intime d’Anna.

Sy et le chercheur Bebe Coen commencent à entretenir une riche correspondance via Internet. Sy attend son arrivée avec impatience, et lui propose de prendre le train pour ne pas avoir à subir un long voyage périlleux en voiture, en plein hiver. Ironiquement, elle aime justement les longs trajets en voiture. Elle le tient à distance, alors qu’elle est encore si loin.

Le dernier chapitre?

La deuxième partie du roman pourrait, à elle seule, constituer une nouvelle à la manière du Portraits de Fidelman de Bernard Malamud, tant l’hyperactivité du narrateur devient, en vain, aussi ridicule que comique. Apollinaire n’écrit-il pas : « Comme la vie est lente / Et comme l’espoir est violent… »

En attendant Bébé, pour passer le temps, Sy prend sa voiture un soir par très mauvais temps et roule sans but dans l’obscurité. Pour éviter un cerf, ébloui par les phares, il fait une embardée dans un fossé et écrase sa voiture contre un arbre. Il est blessé au front et saigne abondamment. Dans un froid glacial, il se dirige vers une maison et frappe à la porte. Nous n’en saurons pas plus. Sauf que le romancier conclut qu’il s’agit «du dernier chapitre de la saga ST Baumgartner». Est-ce une pirouette pour mettre le dernier mot ? Ou la fin de la fin ?

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