40 ans d’histoires révélées dans un livre

Que vous soyez mélomane depuis toujours, marseillais ou simple passager, tout le monde le connaît, l’Espace Julien, niché au cœur d’un quartier festif, à l’aura sans égal. Ce lieu abrite depuis 40 ans la mémoire d’une myriade d’artistes, d’ici et d’ailleurs, venus y exposer leur talent. Quatre décennies d’histoire, ce n’est pas rien et c’est tout naturellement, bercés par une douce nostalgie, que Patrice Angosto et Christian Arcamone a décidé de se lancer dans sa rétrospective. “ Nous avons eu l’idée d’en faire un livre en pleine période Covid. On s’est dit qu’avant de passer la main à une nouvelle équipe, il fallait raconter l’histoire de ce lieu magique, de ses acteurs et de ses artistes. », présente Patrice, le créateur de l’Espace Julien, aux côtés de son acolyte, Christian, qui deviendra son directeur adjoint.

S’il se transformait en salle de concert en 1984, via l’association Teknicitéil n’a pas toujours été prévu de faire résonner la musique. Sa genèse commence au XVIIIe siècle^èmesiècle où il servait de temple maçonnique à l’époque puis, à partir de 1860, elle devient maraîchère.

Au cours des années 68-70, le déménagement du marché libère un grand local idéal pour la promotion de la culture qui deviendra la Maison Pour Tous Léo Lagrange, avant de prendre le nom que l’on connaît aujourd’hui. ” Le lieu a toujours été fédérateur, avec un impact social très fort. », tient à rappeler Éric DiMecodernier président de l’Espace Julien, avant sa passation de pouvoir en septembre 2023.

Des débuts incroyables

Des pans de son histoire sont retracés dans l’ouvrage qui lui est consacré, écrit par Marie-Hélène Balivet et Patrick Coulomb. ” C’est une sorte de livre d’héritage, le roman de toute une génération qui aimait communier avec la musique. », glisse Patrice. Un patrimoine culturel façonné au fil des années, avec son lot de tribulations et d’anecdotes à raconter. ” Cette salle n’était absolument pas conçue pour les spectacles, mais grâce à la détermination de ce duo de passionnés (Patrice et Christian, ndlr), elle s’est développée à l’unisson avec tout un quartier. », souligne Marie-Hélène Balivet. Car, si aujourd’hui, il peut accueillir 1 000 personnes (plus 600 places), A ses débuts, elle n’avait qu’une capacité de 300 places..

“ Nous avons vécu 20 ans sans loge ni parking, avec des chaises qui cassaient lors des concerts. Les artistes pensaient juste répéter ici, ils se demandaient où était l’Espace Julien », raconte Patrice, qui se souvient des simples rideaux pour séparer les dressings.

“ On a tiré le rideau, on a vu Chet Baker boire un whisky », plaisante celui qui se demande encore comment cet endroit a résisté ainsi toutes ces années. En 2013, Marseille capitale de la culture (MP13) a insufflé un nouveau souffle à la salle, dépouillé de ses chaises et agrémenté depuis de banquettes en velours, offrant plus d’espace aux spectateurs. “ Il faut encore le dire, aucune des communautés des quatre mandats politiques successifs ne nous a empêché de faire ce que nous aimons. Nous avons évidemment rencontré des difficultés, mais il n’y a jamais eu de sectarisme à notre égard. Nous avons toujours été libres de nous exprimer », avoue Christian.

Une programmation visionnaire et éclectique

Son succès a bien sûr aussi été rendu possible par des programmeurs d’avant-garde, liés par la passion pour la musique. C’est ainsi que la salle si atypique a vu défiler des noms légendaires comme le Gypsy Kings, Indochine, Les Gladiateurs, Michel Petrucciani, IAM, Muse et Claude Nougarone réciter personne d’autre qu’eux… » Il y avait une ambiance incroyable. Les artistes ont adoré le côté intimiste de la pièce. Je me souviens, Mano Negra revenait du Zénith de Paris pour jouer à l’Espace Julien. Il se passait quelque chose, l’ambiance était folle », assure Patrice.

Et puis il y a ceux qui ont éclos ici, pour qui cette scène a été le tremplin de toute une carrière. “ Je pense notamment à Soprano avec le Psy 4 de la Rime. Quand on se revoit aujourd’hui, il parle toujours de ses débuts dans cette salle », ajoute Éric, « fier d’avoir contribué un peu à l’aventure de l’Espace Julien « .

Une aventure pleine de rebondissements et de synergies créatives magnifiquement décrites dans son livre éponyme. Aujourd’hui, entre les mains de l’association « La Responsabilité des Rêves », qui a repris le contrôle de ce lieu aux murs chargés d’histoire, le‘L’Espace Julien devrait voir sa façade entièrement rénovée et œuvre pour dynamiser la vie artistique locale au Café Julien, la petite salle qui juxtapose la scène principale. “ On lui souhaite encore (et bien plus !) 40 années supplémentaires de projets ! », manifeste le fondateur avec sincérité.