5 livres français à succès écrits avec le « je »

5 livres français à succès écrits avec le « je »
5 livres français à succès écrits avec le « je »

1. « Famous » de Maud Ventura – dans la peau d’une star

Après le succès de Mon mariVendu à 300 000 exemplaires en 2021, Maud Ventura explore dans ce texte l’ultra-célébrité, un désir contemporain. Elle nous raconte, à travers une confession à la première personne, toujours avec son style très particulier mêlant réflexions profondes et humour mordant, l’ascension d’une Française partie aux États-Unis, dont le premier et unique objectif est d’être célèbre. Puis de le rester. L’auteure dit avoir regardé, pour comprendre la vie d’une pop star, des documentaires sur Taylor Swift, ou sur le destin de Billie Eilish. Maud Ventura précise son travail préparatoire dans le 8h20 sur France Inter :« J’ai écouté des interviews, des heures et des heures d’interviews avec des célébrités, et après, il fallait que j’aille à leur rencontre. J’ai rencontré des célébrités, des dirigeants de maisons de disques, des agents d’artistes. »

L’invité de 8h20 Écouter plus tard

En lisant écouter 18 minutes

On se délecte des mélodies de plus en plus mégalomanes de l’héroïne sous forme de monologues, et de sa bassesse difficile à dissimuler. La célébrité lui apporte un contentement fugace, sans cesse rattrapée par ses envies de plus. Ce texte est un tour de force par lequel on prend plaisir à plonger dans le quotidien et à suivre les réflexions égocentriques d’une personne souvent antipathique. Avoir une confiance en soi aussi excessive est presque absurde. Comme elle l’indique, Maud Ventura offre au lecteur une expérience romantique : vous êtes l’une des femmes les plus célèbres du monde.

Dans le 8:20, l’auteure a parlé de son amour pour la fiction, qui lui a donné l’occasion de créer un personnage ambigu, à la fois méchant voire odieux, et en même temps ultra talentueux et créatif. Maud Ventura :« Je n’ai pas fait d’enquête journalistique sur la célébrité, il n’y a aucune conclusion à en tirer : est-ce bon, est-ce mauvais, est-ce désirable ? Dans le roman, je crois qu’il y a une vérité très spécifique, très fragmentaire, très limitée.mais celle du roman qui est de poser un personnage, une scène et puis le lecteur est confronté à ses propres passions, ses propres désirs et là, il se passe quelque chose.”

Célèbrede Maud Ventura, L’Iconoclaste, 21 euros 90

Retrouvez Maud Ventura dans l’émission d’été Sur la page abandonnéequi mêle musique et littérature…

2. « Les hommes manquent de courage », de Mathieu Palain – dans la peau d’une femme

Après s’être penché sur la violence masculine, d’abord dans une série documentaire pour France Culture en 2019, « Hommes violents“, puis dans l’essai immersif Nos pères, nos frères, nos amis (Les Arènes), Pour son troisième roman, Mathieu Palain se glisse dans la peau d’une femme qui a subi ces violences. Elle avait raconté son histoire à l’auteur, après avoir écouté son podcast et l’avoir contacté sur Facebook. Au début du livre, Mathieu Palain indique sa démarche d’écriture d’une littérature du réel. Pour Blandine Rinkel, dans « Le Débat » sur France Culturecette façon de faire les choses est intéressante : « Cet avertissement jette une ombre sur tout ce que l’on lit derrière. Car on sait que c’est une femme qui a confié quelque chose de confidentiel à un homme. On comprend pourquoi elle ne veut pas que son nom apparaisse. On comprend donc aussi pourquoi, par exemple, il ne signe pas de deux noms, ce qui aurait été possible. Et cette ombre, je crois, ajoute un intérêt au texte. » Pour Mathieu Palain, c’est encore un roman car le « je » n’est pas lui mais il précise : « Il y a moi derrière ce je, il y a moi aussi derrière l’histoire du gamin, il y a moi un peu partout, et parfois même sans que je le fasse exprès. »

Dans ce texte, Jessie est mère de deux enfants, dont un adolescent de 15 ans, Marco. Un soir, il appelle sa mère, ayant commis un acte très grave… S’ensuit un road trip pour la mère et son fils, où le passé de Jessie refait surface. C’est un livre qui pose la question de l’influence des traumatismes sur la vie, et de l’impact des secrets de famille, qui pourrissent si on n’en parle pas. Mathieu Palain s’interroge également sur l’éducation des garçons, avec des mères parfois très démunies lorsque leurs efforts se heurtent à la réalité, à la socialisation des garçons. On aborde aussi le sujet de la prostitution, ou plus précisément de l’escorting, et de la façon dont elle peut « réparer » les victimes de violences. Le personnage de Jessie l’affirme ainsi : « Je dis que l’escorte m’a fait du bien, et c’est vrai, je me sentais mieux, enfin je valais quelque chose. Le prix du pass, au moins. Cependant, je ne peux pas fermer les yeux. Je sais que c’est aussi le stigmate d’une blessure qui recommence toujours à saigner. Se prostituer, c’est tomber par hasard sur des inconnus entravés par des carences affectives excessives, et espérer qu’ils sauront tous se comporter. C’est marcher sur une corde raide entre deux gratte-ciel, fermer les yeux, et se dire à chaque pas, c’est bon, il ne m’est encore rien arrivé. »

Mathieu Palain se glisse ainsi dans la peau d’un personnage féminin, mMais a-t-il le droit de le faire ? La question a été posée dans « Le Débat » sur France CultureIl a pris ce risque parce qu’il a rencontré cette femme : «En tant qu’auteur, je pense que nous devons également essayer de faire preuve d’empathie envers la vie des gens et essayer de faire de notre mieux pour raconter l’histoire de cette vie. Des vies qui ne sont pas les nôtres. Sinon, nous n’écririons tous que des autobiographies. Donc, ce qui m’intéresse, c’est de raconter la vie des gens. Et cette femme, je crois que je ne me serais pas permis ce « je » si je ne l’avais pas rencontrée.

3. « Kiffe, kiffe hier ? », de Faïza Guène – à nouveau dans la peau de Doria

Après le succès retentissant de son premier texte Amour Amour demainFaïza Guène convoque deux décennies plus tard le personnage de Doria que l’on a quitté adolescente, pleine d’humour et d’espoir dans sa cité de Livry-Gargan et que l’on retrouve aujourd’hui à 35 ans, mère d’un fils de 7 ans, au chômage, au bord du divorce, mais heureusement toujours avec le même humour mordant, maniant le millième degré avec panache, dans un livre incarné et extrêmement vivant.

Dans ce texte qui s’apparente à un journal intime, on retrouve des punchlines avec du punch toutes les deux phrases.qui agissent comme des uppercuts. Elle met son sens de la formule au service d’une fine analyse de la société. Elle regrette la France d’après 98, quand Zizou était diffusé en faisceaux lumineux sur les Champs-Élysées. Parfois, elle croit avoir rêvé cette période, tant le réveil fut brutal. Dans le 7:50 sur France Inter, elle explique : « La montée du racisme, de l’islamophobie, ça continue, c’est encore plus violent qu’avant… Et puis sur la question du féminisme, par exemple, parce qu’on en a beaucoup parlé Amour Amour Demain « C’était un livre sur la banlieue, et j’ai toujours trouvé ça assez injuste. C’est donc aussi une manière de réhabiliter ce personnage et de le présenter différemment aussi. » Faïza Guène dit parler surtout de l’abandon de ces populations et de leur stigmatisation permanente. Elle a voulu raconter l’histoire de la banlieue à travers son prisme. Son héroïne, Doria, se moque ainsi gentiment d’un cycliste imprudent, qu’elle trouve représentatif de la gentrification à Pantin, « après avoir conquis Les Lilas, Romainville, Pantin, Noisy-le-Sec et Bondy, Gentrificateur ne recule devant rien, il s’attaque maintenant à Rosny-sous-Bois ! Jusqu’où ira-t-il ? En Seine-et-Marne ? »

C’est un plaisir de retrouver dans ce livre la verve de cette héroïne des temps modernes.

L’invité de 7h50 Écouter plus tard

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4. « Frapper l’épopée » d’Alice Zeniter – dans la peau d’une Calédonienne en quête de ses origines

Tass, la trentaine, revient en Nouvelle-Calédonie après 10 ans en métropole, à la faveur d’une rupture douloureuse. Elle enseigne désormais le français comme remplaçante dans un lycée de Nouméa et les discussions battent leur plein entre professeurs sur les résultats des référendums sur l’indépendance. Nous suivons également un réseau de militants indépendantistes, qui utilisent l’empathie violente, pour faire comprendre à chacun par de petits gestes – parfois absurdes – ce que c’est que de se sentir dominé, colonisé, sans utiliser la violence. Tass se demande s’il s’agit d’un groupe politique ou artistique. Alice Zeniter, dans le 9:20 : « Parler de la Nouvelle-Calédonie, inventer un groupe qui pratique l’empathie violente et non une forme d’action armée avec des fusils, c’est aussi proposer autre chose que les images de violence que l’on peut avoir quand on pense à cet archipel, alors qu’elles peuvent être des souvenirs d’Ouvéa dans les années 1980, ou aujourd’hui des images d’émeutes. »

L’interview de 9h20 Écouter plus tard

En lisant écouter 18 minutes

Ce roman très contemporain, dont le titre marquant est emprunté au rappeur Casey, fait écho aux tensions récentes en Nouvelle-Calédonie au sujet des référendums d’indépendance, mais convoque aussi le passé, avec l’arrivée de diverses populations en Nouvelle-Calédonie, fruit de la colonisation, pour beaucoup condamnées aux travaux forcés, dont des Algériens qui auraient pu être des ancêtres de l’auteur, ou y être envoyés comme main-d’œuvre. À travers ce texte choral, qui mêle générations et luttes, on ressent toute la violence de la colonisation, qui résonne encore aujourd’hui, et on s’interroge sur la réponse à lui apporter, à l’image des personnages de ce livre. Ce nouveau roman d’Alice Zeniter est écrit à la troisième personne, et on suit plusieurs personnages en Nouvelle-Calédonie, mais dans un chapitre l’auteure elle-même brise le quatrième mur, et raconte au « je » comment elle en est venue à écrire ce livre et quelles ont été ses recherches.

Qu’ont pensé les critiques du Masque et la Plume ? Pour le savoir, écoutez leurs avis.

5. « The Country Nowhere », de Doan Bui – dans la peau d’une mère en deuil

Doan Bui est reporter à L’Obs. Pour ses articles et ses enquêtes, elle se concentre sur les conflits et les fusillades, habituée aux drames et à l’horreur qui les accompagne. Dans ce livre, elle nous livre une histoire personnelle et poignante qui a commencé il y a dix ans, après la mort de sa petite fille de 15 jours. Elle utilise la troisième personne du singulier et passe parfois au « je ». Elle précise dans le livre : « J’écris, je coupe dans la chair, pire encore : j’utilise le « je », ce pronom que j’abhorre, ce « je » qui me transperce, parce qu’il m’éloigne de la fiction. – la troisième personne du singulier me permet de me réfugier dans l’illusion que tout cela ne m’est jamais arrivé, que tout cela ne m’est pas arrivé mais à « elle », la mère en deuil. Je ne serais qu’un ventriloque, faisant écho aux mots de ce personnage que je voudrais être de papier.

Dans ce livre, elle écrit l’indicible, racontant sa rencontre avec sa fille, ses premiers jours, l’annonce d’un diagnostic auquel personne ne veut croire, l’agonie de la petite fille. Elle dit aussi qu’elle mesure son chagrin à celui des autres, ne se sent parfois pas légitime face aux autres parents, alors qu’elle cherche absolument à être acceptée par eux. Mais elle se sent rejetée aussi bien dans les groupes de discussion de mères ayant vécu un deuil périnatal qu’au sein d’un panel d’écrivains d’une émission de radio venus parler de la mort de leurs aînés. Elle parle parfois de sa honte d’écrire sur un événement aussi intime, tabou mais aussi de ce besoin d’écrire sur sa fille. Et donc, elle pose aussi la question : écrire est-ce une trahison, un hommage ou simplement une libération ? En tout cas, elle nous emmène dans la tête d’une mère qui a perdu sa fille, et qui perd aussi un peu la tête. Navrant.

En 2016, Doan Bui a écrit un article sur son père, victime d’un accident vasculaire cérébral qui l’a laissé sans voix. Le Dr Bui était arrivé du Vietnam en 1961 et la famille était l’une des premières d’origine asiatique au Mans. Pour en savoir plus, écoutez « Une vie d’artiste » avec Doan Bui, sur France Culture.

La vie d’un artiste Écouter plus tard

En lisant écouter 59 minutes

 
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