(Genève) A quelques jours de l’investiture de Donald Trump, les agences de l’ONU craignent que le président élu américain ne les bouscule encore davantage.
Publié à 7h30
Mis à jour à 20h05
Nina Larson avec Amélie Bottolier-Depois aux Nations Unies
Agence -
Lors de son premier mandat (2017-2021), les États-Unis ont notamment réduit leurs contributions financières aux opérations et agences de l’ONU, ont quitté le Conseil des droits de l’homme, l’accord de Paris sur le climat et l’UNESCO, et ont lancé le retrait de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). .
Les mesures les plus sévères furent prises vers la fin. Cette fois, les choses iront plus vite, disent les experts.
“Il est probable qu’il abandonnera ces accords et mécanismes de l’ONU sans grande cérémonie”, a déclaré à l’AFP Richard Gowan, de l’International Crisis Group.
De nombreux observateurs s’attendent à une réduction drastique du financement des États-Unis, le plus grand contributeur des Nations Unies.
À l’ONU, les responsables s’empressent de souligner l’importance du partenariat américain. “La coopération entre les États-Unis et les Nations Unies est un pilier essentiel des relations internationales et du système onusien”, a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Mais cet amour n’est pas toujours réciproque.
L’élue républicaine Elise Stefanik, nommée par Trump ambassadrice américaine à l’ONU, considère l’ONU comme « une institution corrompue, défunte et paralysée ».
Et certains craignent que les républicains n’adoptent un projet de loi visant à retirer les États-Unis de l’ONU.
“Peu probable”
Jussi Hanhimaki, professeur d’histoire internationale à l’Institut de hautes études (HEID) de Genève, minimise cette menace, estimant que Washington ne souhaite pas céder son influence à la Chine.
“Un retrait total est peu probable”, a-t-il déclaré à l’AFP.
D’autant que lors du premier mandat de Trump, Pékin et ses alliés sont devenus plus présents au sein d’organisations délaissées par les Américains à Genève, comme le Conseil des droits de l’homme.
L’ambassadrice américaine sortante auprès de l’ONU à Genève, Sheba Crocker, souligne : « certains de nos rivaux stratégiques sont fortement investis dans la promotion de leurs intérêts à Genève ». “C’est pourquoi je pense que les Etats-Unis resteront engagés et c’est dans notre intérêt de le faire”, a-t-elle déclaré à l’AFP.
-Le président américain Joe Biden a pris les devants l’année dernière en ne présentant pas la candidature américaine pour un deuxième mandat consécutif au Conseil des droits de l’homme, évitant ainsi un nouveau départ retentissant de Trump.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC), en revanche, pourrait rapidement connaître des temps difficiles, alors que le président élu a brandi la menace des droits de douane avant même son entrée en fonction, selon M. Hanhimaki.
« Très inquiet »
Certains observateurs s’inquiètent également du financement des programmes liés aux droits reproductifs.
Durant le premier mandat de Trump, Washington a annulé le financement du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), accusant l’organisation de pratiques coercitives, notamment d’avortement forcé en Chine.
“Nous sommes très inquiets”, a déclaré à l’AFP Rachel Moynihan, directrice adjointe du bureau de l’UNFPA à Washington.
Mais l’agence, qui estime avoir évité 3.800 femmes de mourir pendant la grossesse en 2023 grâce aux contributions américaines, est habituée à voir ses financements réduits sous les administrations républicaines.
“Nous sommes une agence résiliente”, a noté Mmoi Moynihan.
D’autres agences des Nations Unies pourraient être moins bien préparées. ONU Femmes et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme devraient également être dans la ligne de mire de Trump.
Douloureux
Et la rumeur court à Genève qu’un retrait de l’OMS pourrait être annoncé dès le premier jour. Ce serait une erreur, selon Suerie Moon, codirectrice du Centre de santé mondiale à l’Institut universitaire de Genève.
“Avoir une OMS impartiale et fonctionnelle est entièrement dans l’intérêt national des Etats-Unis”, a-t-elle souligné auprès de l’AFP.
L’OMS a cherché à élargir sa base de donateurs, mais les États-Unis restent en tête.
Interrogé le mois dernier sur la menace, son directeur général, Tedros Adhanon Ghebreyesus, s’est montré confiant : “Je crois qu’ils feront ce qu’il faut”.
L’OMS pourrait survivre à un départ américain “mais ce serait douloureux”, estime M.moi Moon, qui s’interroge cependant sur l’attitude des autres pays.
La dernière fois que Trump était au pouvoir, les pays européens se sont mobilisés pour aider à maintenir à flot les agences ciblées de l’ONU. Cette fois, ils « ont clairement fait savoir qu’ils n’avaient pas économisé d’argent ». […] venir au secours des Nations Unies », argumente M. Gowan.
Certaines agences des Nations Unies envisagent déjà des réductions de coûts, selon divers observateurs, et continuent de rechercher d’autres contributeurs.
En effet, « compter sur un pays politiquement instable comme source de financement à long terme est tout à fait imprudent », commente M. Hanhimaki.