La justice française a condamné jeudi Dominique Pelicot à la peine maximale dans le procès extraordinaire des viols en série en France. Elle a prononcé des peines inférieures à celles demandées par le parquet pour ses 50 coaccusés.
Dans une brève intervention après le verdict, l’ex-femme de Dominique Pelicot, 72 ans, devenue une véritable icône féministe depuis sa décision de refuser le huis clos à l’ouverture de ce procès historique, le 2 septembre, à Avignon (sud – Est de la France), a également dit penser aux « victimes méconnues » des violences sexuelles.
Elle a également assuré avoir « désormais confiance » dans « un avenir dans lequel chacun, femme et homme, pourra vivre en harmonie ». Sans surprise, son désormais ex-mari, Dominique Pelicot, également âgé de 72 ans, a été condamné à la peine maximale pour viol aggravé, soit 20 ans de réclusion criminelle, comme l’avait demandé le parquet dans son réquisitoire fin novembre.
Il était jugé pour avoir aspergé Gisèle Pelicot d’anxiolytiques pendant une décennie, en faisant son objet sexuel et en la livrant à des dizaines d’hommes recrutés sur internet.
Les enfants « déçus »
Ses 50 coaccusés, des hommes âgés de 27 à 74 ans, ont également été déclarés coupables, le président Roger Arata énumérant une à une les peines prononcées, sans aucun commentaire ni motivation, au cours d’une dernière journée d’audience qui a duré à peine plus d’une heure, mettant brusquement fin à près de quatre mois de débat.
La peine la plus faible, trois ans de prison dont deux avec sursis, a été prononcée contre Joseph C., 69 ans, accusé d’avoir « attouché » Gisèle Pelicot. La plus lourde, 15 ans de réclusion criminelle, a visé Romain V., 63 ans, venu six fois à Mazan pour violer Mme Pelicot. Dans son réquisitoire fin novembre, le parquet a requis 18 ans de prison à son encontre.
Le ministère public avait requis des peines de 10 à 18 ans d’emprisonnement à l’encontre des 49 coaccusés jugés pour viol aggravé ou tentative de viol. Au total, le parquet avait requis 652 ans de prison pour les 51 accusés, qui ont finalement été condamnés à 428 ans de prison.
Un verdict jugé trop clément par les enfants du couple Pelicot, David, Caroline et Florian, “déçus” de ces peines “faibles” prononcées par les cinq magistrats professionnels du tribunal correctionnel du Vaucluse (sud-est), déclarés au auprès de l’AFP un membre de la famille, qui a requis l’anonymat.
Si la Fondation des Femmes considère qu’en reconnaissant tous les accusés coupables, « la justice a donné raison à Gisèle Pelicot » et que donc « la honte peut faire changer de camp », elle dit « partager l’incompréhension et la déception face à certaines des condamnations prononcées », malgré les témoins et les preuves, ces milliers de photos et vidéos des viols infligés à son épouse que Dominique Pelicot avait minutieusement conservées et légendées.
“La lutte contre l’impunité est loin d’être terminée”, a commenté la fondation dans un communiqué. “Le message envoyé est ‘le viol n’est pas si grave, c’est un sous-crime'”, s’est également indignée Céline Piques, porte-parole de l’association Osez le féminisme.
Dans la foule rassemblée devant le tribunal, la colère était également forte. « Justice patriarcale », « arrêtons de demander justice, faisons justice », criaient certaines femmes. Signe de l’extrême tension qui règne à l’extérieur du tribunal, l’un des six accusés sortis libres a été bousculé alors qu’il s’éloignait en compagnie de son avocat.
Dominique Pélicot “hébété”
Selon son avocat, Me Béatrice Zavarro, Dominique Pelicot était “un peu abasourdi” par la période de sûreté des deux tiers prononcée à son encontre, n’excluant pas un recours pour être rejugé, cette fois devant “un jury populaire”, comme c’est la règle. après une première instance devant un tribunal correctionnel, composé de magistrats professionnels.
En fin de matinée de jeudi, le nombre de prévenus qui feront appel n’était pas encore connu, ils ayant dix jours pour prendre cette décision. Il n’était pas non plus clair si l’accusation ferait appel.
Cette décision, dans un palais de justice d’Avignon sous forte protection policière, a été scrutée de près, en France et à l’étranger, tant ce procès a provoqué une onde de choc depuis son ouverture, devenant emblématique des questions autour des violences. sexistes et sexuels, soumission et consentement chimiques et plus largement relations homme-femme.
Dans son réquisitoire, Laure Chabaud, l’une des deux représentantes du parquet, espérait que la décision du tribunal permettrait de surmonter le sort de ces prévenus et d’adresser « un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles ».
A l’inverse, les avocats de la défense ont formulé une trentaine de demandes d’acquittement pour leurs clients qui ont été selon eux « manipulés » par le « monstre », le « loup » ou encore l’« ogre » Dominique Pelicot. Donc sans succès. La tension était palpable dans la salle d’audience, où un important dispositif policier avait été déployé. Reconnus coupables, plusieurs des 32 accusés qui comparaient libres devraient en effet dormir jeudi soir derrière les barreaux.
Insolite par sa durée, le nombre d’accusés, mais surtout l’atrocité des actes reprochés, ce procès est déjà entré dans l’histoire. Clôturant ce dernier chapitre, Gisèle Pelicot a quitté le palais de justice avec des « bravo » et des « merci », faisant écho à une immense banderole « Merci Gisèle » accrochée sur les remparts de la vieille ville d’Avignon, face au tribunal.
/ATS