Le réseau social est soupçonné d’avoir failli à ses obligations et d’avoir ouvert la porte à une possible manipulation russe lors de l’élection présidentielle annulée en Roumanie.
La Commission européenne a annoncé mardi l’ouverture d’une enquête contre le réseau social TikTok soupçonné d’avoir manqué à ses obligations et ouvert la porte à une possible manipulation russe dans l’élection présidentielle annulée en Roumanie.
Les autorités roumaines soupçonnent le candidat d’extrême droite Calin Georgescu, arrivé premier au premier tour le 24 novembre à la surprise générale, d’avoir bénéficié d’une campagne de soutien illicite orchestrée par Moscou, notamment sur TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance. « Nous devons protéger nos démocraties de toute forme d’ingérence étrangère »a déclaré la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, appelant à l’action « rapidement et fermement ».
TikTok, qui revendique 175 millions d’utilisateurs en Europe, ne s’estime pas fautif et juge “solide” ses efforts contre la désinformation. « Nous continuons à collaborer avec la Commission européenne »a expliqué un porte-parole, contacté par l’AFP. « Nous avons protégé l’intégrité de notre plateforme à travers plus de 150 élections à travers le monde et continuons de relever de manière proactive ces défis communs à l’industrie. ».
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Sous pression aux Etats-Unis
Le réseau social de partage de vidéos est également sous pression aux États-Unis où le Congrès a adopté en avril une loi obligeant ByteDance à vendre TikTok d’ici le 19 janvier sous peine d’interdiction. Le texte vise à prévenir les risques d’espionnage et de manipulation des utilisateurs par les autorités chinoises. Dans l’UE, la Commission européenne joue le rôle de gendarme du numérique, dans le cadre du Règlement sur les services numériques (DSA) entré pleinement en vigueur le 17 février.
« Suite à de sérieuses indications selon lesquelles des acteurs étrangers sont intervenus dans les élections présidentielles roumaines en utilisant TikTok, nous menons une enquête approfondie pour déterminer si (la plateforme) a violé la loi sur les services numériques en ne prenant pas en compte ces risques »a expliqué Ursula von der Leyen mardi, sans évoquer directement la Russie. Cette enquête portera sur la gestion des risques liés aux systèmes de recommandation soupçonnés d’avoir été utilisés à mauvais escient pour « manipulation coordonnée ». Il examinera également la gestion par la plateforme des « publicités politiques et contenu politique sponsorisé ».
Rapports déclassifiés
La décision d’ouvrir une enquête « prend en compte les informations reçues des rapports de renseignement déclassifiés des autorités roumaines ainsi que des rapports de tiers »a précisé Bruxelles. La Commission rappelle que le DSA ne fixe aucun délai légal pour clôturer une enquête formelle. En cas d’infractions avérées, la Commission peut infliger au contrevenant des amendes pouvant aller jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires annuel. En cas de violations graves et répétées, les plateformes peuvent même théoriquement être interdites de toute activité en Europe.
La Commission européenne a annoncé début décembre intensifier sa surveillance de TikTok. Elle avait commandé la plateforme « congélation et conservation » données liées « les risques systémiques réels ou prévisibles que son service pourrait faire peser sur les processus électoraux et le débat civique dans l’Union européenne ».
L’enquête annoncée mardi est la troisième ouverte dans le cadre du DSA. La précédente, lancée le 19 février et toujours en cours, portait sur la protection des mineurs. Une première procédure pour le même motif a été ouverte en novembre 2023 et clôturée cet été après des engagements de TikTok.
«Des irrégularités multiples»
La justice roumaine a annulé l’élection présidentielle début décembre après le premier tour remporté par Calin Georgescu, citant « de multiples irrégularités et violations de la loi électorale ayant déformé » le vote. Surgi de nulle part, Calin Georgescu, dont le message « La Roumanie d’abord » séduit une partie de la population lassée des partis traditionnels, avait balayé les favoris des partis de gouvernement. Critique à l’égard de l’UE et de l’OTAN, cet ancien haut responsable de 62 ans s’est déclaré favorable à l’arrêt de l’aide militaire à l’Ukraine. Les services de renseignement roumains ont établi des parallèles avec les précédentes tentatives russes d’ingérence électorale en Europe et ont documenté «25.000 comptes TikTok» directement associé à la campagne de Calin Georgescu, devenu « extrêmement actif deux semaines avant la date des élections ».
Moscou est régulièrement accusée d’orchestrer des campagnes de désinformation pour défendre des candidats qui lui seraient favorables au sein de l’UE ou dans les pays voisins comme la Moldavie ou la Géorgie.