Bien que prévisible, le coup est sévère pour la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le 66e Le sommet ordinaire de l’organisation régionale, qui s’est tenu le 15 décembre à Abuja (Nigéria), a acté son divorce avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger, qui ont fondé l’Alliance des États du Sahel (AES) en septembre 2023 puis ont annoncé leur départ en janvier.
« Les trois pays cesseront officiellement d’être membres de la CEDEAO à compter du 29 janvier 2025 », a déclaré Omar Touray, président de la commission d’organisation, tout en précisant que la CEDEAO mettrait en place une période de transition du 29 janvier au 29 juillet 2025. Durant ces six mois, censés leur laisser le - de régler les modalités de leur départ, « les portes de la CEDEAO leur resteront ouvertes » en cas de volte-face, a-t-il ajouté.
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Instaurer une période de transition était l’une des doléances du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, médiateur officiel entre la CEDEAO et l’AES, mais surtout du chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé, qui joue secrètement un rôle d’intermédiaire entre les deux camps depuis le début de la crise. Tous deux espèrent avoir une dernière chance de faire changer d’avis les putschistes.
A deux jours du sommet d’Abuja, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’AES se sont réunis à Niamey et ont produit une déclaration commune, portée par le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop, dans laquelle ils décrivent « irréversible » leur décision de quitter la CEDEAO.
«Peu de répercussions pour les citoyens du Sahel»
Cependant, dans une région où les économies et les peuples sont interdépendants, les pays de l’AES veillent à ne pas brûler tous les ponts. Leur communiqué évoque ainsi le « volonté ferme » des trois chefs d’État « renforcer, dans un esprit panafricain, les mécanismes visant à faciliter la libre circulation des personnes et des biens dans la région ouest-africaine », une manière de réaffirmer que les pays de l’AES ne quittent pas l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), malgré leurs promesses récurrentes de sortir du franc CFA à moyen terme.
Les deux institutions ont des chartes d’adhésion distinctes et, dans la plupart des pays francophones, l’adhésion à l’UEMOA est antérieure à la structuration de la CEDEAO. ” Concrètement, la rupture entre l’AES et la CEDEAO aura peu de répercussions sur les citoyens du Sahel, y compris les diasporas. », prédit Bangali N’Goran, maître de conférences en histoire des relations internationales à l’université Jean-Lorougnon Guédé de Daloa.
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« La vocation première de la CEDEAO était de poser les bases d’un marché communrappelle l’enseignant-chercheur. Les grands projets de construction de ce marché commun ayant pour base la stabilité, la CEDEAO a alors adopté des normes diplomatiques et politiques, avec des exigences de gouvernance et de démocratie pour ses membres, tandis que l’UEMOA restait une organisation purement économique. Nous nous trouvons aujourd’hui dans un espace ouest-africain où les deux organisations se chevauchent. Les États du Sahel semblent avoir le sentiment que, quand on ne se sent pas bien au sein de la CEDEAO, le plus commode est de se replier vers l’UEMOA. »
Une position paradoxale pour les juntes sahéliennes, qui reprochent à la CEDEAO de rester sous le joug de l’ancienne puissance coloniale française. ” Il faut distinguer les raisons déclarées des raisons réelles de leur départsouligne M. N’Goran. Ils ne quittent pas la CEDEAO car elle serait sous l’influence de la France. Rappelons que le Nigeria, géant économique de la région, n’était pas une colonie française, et que Paris n’y exerce pas d’influence particulière. »
Coopération militaire pacifique entre États
Que se passera-t-il au soir du 29 juillet 2025 si les dernières tentatives de médiation échouent ? Deux scénarios sont possibles. La CEDEAO, à la veille de son 50èmee anniversaire, pourrait décider de sauver son intégrité territoriale en revenant sur ses normes de gouvernance, et notamment ses appels répétés aux militaires pour qu’ils rendent le pouvoir aux civils, afin de convaincre l’AES de rester en son sein. La coopération entre ses États membres perdrait alors sa composante politique et ne deviendrait qu’économique et sécuritaire.
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Dans le cas contraire, la séparation deviendrait effective avec les pays du Sahel. Ce qui ne serait pas forcément définitif : si les gouvernements putschistes passaient à un régime civil, les discussions pour un éventuel retour pourraient être relancées.
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En attendant, la transition devrait permettre de régler certains points, comme le cas des responsables et institutions de la CEDEAO basés dans ces différents pays, ou encore celui des échanges transfrontaliers entre pays francophones et anglophones – notamment le Nigeria. – qui n’appartiennent pas à l’UEMOA et n’utilisent pas le franc CFA. Mais aussi et surtout instaurer une coopération militaire apaisée entre les différents États, condition essentielle pour sécuriser les frontières et limiter l’expansion des groupes jihadistes sahéliens.
Si cette coopération militaire a toujours été le parent pauvre de la CEDEAO, la crise actuelle pourrait justement offrir à l’organisation l’opportunité de réorienter sa politique de sécurité. Des discussions ont notamment été lancées pour changer l’objectif de son « force d’attendre », la force militaire conjointe des Etats membres qui peut être mobilisée par le président de la commission. Initialement destiné à rétablir l’ordre constitutionnel dans les Etats membres, il pourrait ainsi être envoyé en soutien aux armées nationales des pays du Sahel pour lutter contre le terrorisme, alors que les groupes jihadistes continuent de gagner du terrain dans la région.