Sang Woo Kim expose chez Sébastien Bertrand

Le regard de Sang Woo Kim regarde le monde

Publié aujourd’hui à 16h34

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Voir et être vu. Le regard est sans doute le sens qui offre la relation la plus directe avec autrui et c’est aussi à travers lui que l’on est le plus prompt à juger. Au cours de son enfance en Angleterre, le physique différent de Sang Woo Kim lui a fait subir des discriminations ; et sa beauté, devenue adulte, était tellement scrutée que son image lui échappait. Ces expériences sociales ont développé chez l’artiste sud-coréen une fascination pour les yeux, motif qu’il expose à travers une série d’autoportraits et de peintures à Sébastien Bertrand.

La galerie Eaux-Vivienne consacre ses deux espaces au peintre né à Séoul en 1994, qui a la particularité de mener une carrière de plasticien et de mannequin – sur son Compte Instagram il y a aussi des photos de ses peintures et shootings pour Hermès, Burberry et Balenciaga. Intitulé « Glance » (« regard ») et « Ways of see » (« manières de voir »), ce double accrochage interpelle le visiteur dans sa qualité même de spectateur.

Alimenté par la différence

Arrivé bébé avec sa famille au Royaume-Uni, Sang Woo Kim a rapidement été victime de plaisanteries à cause de ses yeux bridés, à travers lesquels il « ne pouvait pas voir », affirmaient les moqueurs. Propulsé dans la différence par le regard occidental, il n’a cessé de se réapproprier son identité par l’acte de peindre, en mettant en scène justement la particularité à l’origine de son ostracisme : son regard.

Si l’ensemble de son œuvre est autobiographique, l’artiste s’est récemment emparé du genre de l’autoportrait pour pousser encore plus loin sa quête de soi. Regroupé sous le titre « Regard », le thème occupe le premier espace de la galerie. Avec ces représentations littérales de lui-même, souvent cadrées de très près et exécutées avec un trait oscillant entre hyperréalisme et quasi-impressionnisme, il incite le public à réfléchir sur ses interprétations, en lui tendant un miroir un peu provocateur : c’est le visage et non le style. ce qui rend un être cohérent.

« Clearer 004 », 2024, huile sur toile.

Tantôt statique, tantôt en mouvement, n’hésitant pas à paraître prosaïque ou vulnérable – on le voit porter des lunettes, mettre des lentilles de contact ou apparaître avec une paupière gonflée – il se dépeint en toute objectivité, dans un quotidien fluctuant, le pinceau peint la réalité. de sa personne que le monde de la mode a trop glorifié. Car voici la deuxième distorsion d’image à laquelle Sang Woo Kim doit faire face : en tant que mannequin, il n’a aucun contrôle sur la perception que les autres ont de lui. L’autoportrait, en quelque sorte, remet le « je » au milieu du visage.

« Closer 005 », 2024, huile sur toile.

Stimuli visuels

La deuxième salle met en avant la notion d’altérité. Ce ne sont plus ses propres yeux que le plasticien appréhende, mais ceux des autres, poursuivant sa réflexion autour du « regard » tout en regardant le monde à son tour. Grâce à un procédé de transfert de pigment sur toile inspiré des « impressions picturales » de Robert Rauschenberg dans les années 1960, qu’il réalise manuellement à partir de photos imprimées, il rassemble des images d’archives collectées auprès de toutes sortes de sources. Tirés de films, de livres, de magazines, de flux Reddit ou de photothèques d’iPhone, ces instantanés de regards sont manipulés et recadrés afin de se répondre les uns aux autres.

Parfois seules, parfois réunies par séries de trois ou cinq, les peintures font référence à de multiples références (archéologie, peinture classique, imagerie médicale), créant des jeux formels et des accords de couleurs, dans une dominante de bleu, de noir et de blanc. On ne peut s’empêcher de penser à la multitude de stimuli visuels que nous impose la circulation contemporaine des images. En les capturant dans l’instant présent, Sang Woo Kim interroge leur nature et met en garde contre les manipulations auxquelles nos sens sont trop souvent soumis.

« Ways of Seeing 007 », 2024, transfert pigmentaire sur toile.

Jusqu’au 20 juillet à la Galerie Sébastien Bertrand, 16, rue du Simplon, mar-ven 14h-19h ou sur rendez-vous.

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