Au Sahel, trois pays, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, sont désormais dirigés par des putschistes militaires, le cas du Tchad étant différent depuis l’organisation des élections en mai. Les sociétés civiles locales et leurs partenaires allemands tentent de s’adapter et de redéfinir les bases de leur coopération. Le réseau d’ONG Fokus Sahel a récemment organisé une réunion afin que ses membres puissent discuter librement de ces questions.
Les coups d’État ont changé la situation au Sahel
Aminata Touré Barry préside l’Amasbif, l’Association malienne pour la sauvegarde du bien-être familial, une organisation de la société civile malienne.
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Lorsqu’elle déclare que “Ce ne sont pas des coups d’État, mais ce sont des renversements”, ses propos lui ont valu des murmures de désapprobation de la part des organisations partenaires allemandes présentes à la réunion. Mais aussi d’autres représentants du Mali, du Burkina Faso, du Tchad et du Niger.
La prise du pouvoir par la force par les militaires ces dernières années – comme au Mali, au Niger, au Burkina Faso, au Tchad ou encore en Guinée – a eu des répercussions sur la coopération avec l’Allemagne.
La République fédérale défend en effet la liberté d’opinion, les valeurs démocratiques, l’Etat de droit – autant de notions qui sont, au mieux, passées au second plan sous le gouvernement des putschistes.
Maintenir le lien
L’Allemagne ne veut cependant pas rompre le lien avec les organisations locales de défense des droits de l’homme ou de développement. Et c’est un intérêt mutuel, selon Marcel Maïga, du réseau d’ONG Fokus Sahel. :
« Du côté sahélien, nous avons toujours un intérêt, une volonté que l’Allemagne s’implique dans cette régionil dit. D’un autre côté, l’Allemagne est prête, malgré la situation difficile et malgré les conditions qui ne correspondent pas toujours à ce qu’elle souhaiterait, à poursuivre le dialogue et la collaboration avec ces pays.»
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Ulrich Thum travaille pour le département Afrique de la Fondation Friedrich Ebert (FES ). Cette fondation allemande, proche du parti écologiste, possède un bureau à Bamako et édite chaque année le Mali-mètre. une étude qui reflète l’ambiance qui règne dans la société malienne. « Nous constatons que, d’une part, le soutien au gouvernement reste très fort.explique Ulrich Thum. Et d’autre part, que les Maliens placent la paix et la sécurité au premier rang de leurs préoccupations. Deux tendances qui se contredisent un peu.
Différences de lecture
Aminata Touré Barry, d’Amasbif, ne voit pas en quoi le soutien aux militaires et ces aspirations se contredisent. “Si des partenaires comme l’Allemagne ne veulent pas collaborer avec le Mali, c’est parce qu’ils n’ont pas compris le problème.”
Elle déclare que la population malienne a toujours besoin de sécurité, d’accès aux soins et à la nourriture et que pour cela elle a besoin de l’aide de l’étranger. Cependant, selon elle, c’est actuellement la Russie qui serait la plus rapide à répondre à ces besoins.
Son compatriote, Ousmane Maïga, de l’Association des jeunes pour la citoyenneté active et la démocratie , n’est pas d’accord. Il estime que les efforts actuels en faveur de la cohésion sociale sont insuffisants et déplore les restrictions aux libertés civiles dans son pays.
Ousmane Maïga déplore « une régression du point de vue démocratique et politique, notamment dans l’organisation d’élections libres et transparentes ». Et il continue : “Nous assistons à des reports de ces élections qui mécontentent une grande partie de la population, notamment nous, acteurs (de la société civile), qui suivons la cause de la citoyenneté et de la démocratie.”
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Ousmane Maïga estime également qu’un coup d’État militaire n’était pas nécessaire pour résoudre les problèmes du Mali. Et il cite le Sénégal en exemple : « Le cas d’un pays voisin nous a bien sûr montré que l’on pouvait opérer un changement sans pour autant renverser totalement le système.
Restrictions et frustrations
Au Tchad, les jeunes sont aussi mécontents du manque de perspectives, explique Epiphanie Dionrang. Cette militante féministe ne constate aucune amélioration depuis l’arrivée au pouvoir il y a trois ans du général Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président Idriss Déby Itno. Il a été élu président de la République en mai dernier.
« Il y a tellement de restrictions dans les espaces, beaucoup plus pour les jeunes aussidécrit la jeune femme. Il y a cette haine entre les groupes ethniques. Il y a cette frustration chez les jeunes. Certains sont nés sous un régime, ont grandi sous ce même régime, sans changement.»
Epiphanie Dionrang considère cette frustration comme le terreau d’une radicalisation politique des jeunes qui conduit ensuite à une répression encore plus féroce de la part des autorités.
A l’issue de la réunion, les membres du réseau Fokus Sahel ont réaffirmé leur volonté de continuer à travailler ensemble pour améliorer le quotidien des populations, malgré les difficultés et tout en restant à l’écoute de la base : le principal concerné.
