Près d’un enfant sur trois est myope dans le monde, une proportion qui augmente plus rapidement depuis la pandémie de COVID-19.
C’est ce que révèle en septembre dernier une étude réalisée par Journal britannique de médecine ce qui impliquait de passer du temps devant des écrans plutôt qu’à l’extérieur.
L’épidémie de myopie est encore plus grave dans plusieurs pays asiatiques, dont Taiwan, où près de 85 % des enfants des écoles primaires ont des problèmes oculaires.
Des programmes de prévention axés sur le dépistage et des messages rappelant l’importance de jouer dehors ont été mis en place il y a une dizaine d’années.
Dans une petite école primaire du comté de Yilan, un coin du gymnase a été transformé en clinique d’ophtalmologie le temps d’un après-midi fin octobre.
Au total, 21 élèves de maternelle passent chaque année un test de dépistage de la myopie entre les tables de ping-pong et les tapis d’exercice.
Les élèves de maternelle passent un test de dépistage de la myopie à l’école.
Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh
Le Dr Tai Der-Tchong de l’hôpital universitaire national Yang Ming Chiao Tung dirige cette équipe qui travaille à l’identification des troubles visuels.
La myopie chez les enfants constitue un problème de santé publique important à Taiwan. Plus la myopie apparaît tôt, plus le risque de myopie sévère est élevé plus tard. En dépistant les enfants de maternelle, on peut détecter une myopie précoce
explique le docteur Tai.
La pression académique est très forte à Taiwan et les enfants consacrent beaucoup de temps à leurs études, ce qui fait qu’ils passent beaucoup de temps le nez dans leurs livres.
Une proportion de 10 % des élèves de maternelle et environ 80 % des Taïwanais de plus de 18 ans sont myopes.
Depuis onze ans, des dépistages sont effectués à la rentrée dans toutes les classes de maternelle du comté de Yilan, une région où le problème de myopie est encore plus grave que l’ensemble de l’île de Taiwan.
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Docteur Tai Der-Tchong de l’hôpital universitaire national Yang Ming Chiao Tung, évaluant un enfant.
Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh
L’objectif des autorités de santé publique de Yilan est d’identifier les enfants à risque de développer des problèmes de vision afin d’assurer un suivi médical.
Ils espèrent ainsi prévenir l’aggravation de la myopie, pouvant conduire à un décollement de rétine, voire à la cécité. À Taiwan, le taux d’enfants souffrant de décollement de rétine est 5 à 10 fois plus élevé que dans certains pays européens.
En raison de l’attrait des écrans et des différentes technologies numériques pour les enfants, leur taux de myopie se dégrade depuis des décennies. Heureusement, depuis la mise en place de nos programmes de dépistage en maternelle, notre taux de myopie a diminué
» déclare Chen Yen Lin, chef de la section de santé publique du comté de Yilan.
Jouer dehors pour prévenir la myopie
C’est le docteur Wu Pei Chang qui est à l’origine de ces programmes de prévention taïwanais. Lui-même myope et porteur de lunettes à monture large, il s’intéresse aux complications de la myopie depuis près de vingt ans, à Kaohsiung, au sud de l’île de Taiwan.
Les causes de la myopie sont multiples, mais la méthode de prévention serait simple : jouer dehors. Des études indépendantes australiennes et singapouriennes ainsi que le programme de prévention du Dr Wu à Taiwan le prouvent.
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Le docteur Wu Pei Chang est à l’origine des programmes de prévention de la myopie à Taiwan.
Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc
La forte intensité de la lumière du jour pourrait stimuler la rétine à produire la molécule de dopamine. En augmentant la production de dopamine, qui est l’un des neurotransmetteurs responsables de la croissance et des ajustements de l’œil, on retarde l’apparition de la myopie.
explique le docteur Wu.
Il a convaincu le gouvernement taïwanais de lancer des programmes de prévention. Une campagne publicitaire nationale souligne l’importance que les enfants jouent dehors 120 minutes par jour pour bénéficier des rayons bénéfiques du soleil et améliorer leur santé visuelle.
Ces programmes de prévention ont porté leurs fruits à Taiwan. La prévalence de la myopie chez les enfants de maternelle a diminué de moitié entre 2014 et 2019.
Environ 30 % de la population mondiale souffre de myopie et la prévalence de cette maladie augmente rapidement. On estime qu’elle pourrait atteindre 50 % d’ici 2050.
Cette croissance s’est accélérée depuis la pandémie de COVID-19, selon une étude de Journal britannique de médecine publié en septembre.
À Hong Kong, par exemple, la prévalence de la myopie a plus que doublé. Dans la province chinoise du Shandong, ce chiffre a quintuplé.
L’article scientifique remet en cause l’augmentation du temps passé en intérieur devant les écrans et surtout la réduction du temps passé à jouer dehors en raison des différentes mesures de confinement.
Ce qui conforte cette thèse, c’est le fait que le taux de myopie est resté pratiquement inchangé à Taiwan, qui n’a pas connu de confinement sévère.
Les enfants ont continué leurs cours en classe sans interruption prolongée, explique le Dr Tai. Nous avons ainsi pu poursuivre les activités de protection visuelle dans les écoles.
Même si les résultats de ces dernières années semblent encourageants à Taiwan, il reste encore beaucoup à faire.
Par exemple, sur les 21 élèves de maternelle qui ont passé le test de dépistage ce jour-là, fin octobre, neuf sont susceptibles de développer une myopie d’ici quelques années.
De nombreux défis demeurent pour la prévention de la myopie et de la myopie sévère, notamment liées au changement climatique. A Taïwan, les salles de classe sont toutes équipées de climatiseurs, ce qui incite les enfants à rester à l’intérieur car il fait très chaud dehors. De plus, chaque élève dispose d’une tablette pour l’apprentissage numérique, ce qui permet d’augmenter le temps passé devant un écran. Il est donc crucial d’encourager davantage d’activités de plein air, idéalement en les intégrant dans des politiques obligatoires pour de meilleurs résultats.
croit le docteur Wu.
Familles, professionnels de santé, écoles et autorités se mobilisent pour enrayer cette épidémie silencieuse qui risque d’avoir des conséquences majeures sur l’ensemble de la population.