Cette vieille Amérique qui ne veut pas mourir

Cette vieille Amérique qui ne veut pas mourir
Cette vieille Amérique qui ne veut pas mourir

Depuis l’élection présidentielle aux États-Unis, on a lu et entendu beaucoup de réactions de la part de commentateurs québécois émus par la réélection de Donald Trump. L’hyperbole côtoie le tragique et le cataclysmique. Ainsi les ténèbres auraient vaincu la lumière, la haine aurait remporté la victoire, la démocratie se serait effondrée sous nos yeux.

En réponse, nous devons « continuer le combat », essuyer nos larmes et résister. Certains se demandent même s’il faut parler de cette élection à nos enfants, chose à éviter si l’on veut éviter les traumatismes. On comprend que la grandiloquence des expressions est inversement proportionnelle à l’insignifiance du sujet.

Cette petite coterie québécoise qui ne comprend rien, et qui ne veut rien comprendre, ne pense qu’à afficher son indignation pour mieux renforcer son adhésion à la tribu idéologique. Ne cherchons pas de commentaires rationnels de sa part, il n’y en a pas. Car comprendre ce qui s’est passé nécessite un esprit ouvert et une capacité à sortir des mêmes ornières. Essayons d’y voir plus clair.

Camp républicain

Contrairement à ce que prédisaient les sondages, Donald Trump et Kamala Harris n’étaient pas au coude à coude : c’était Trump qui était en tête, sans réelle menace. Tous les États pivots sont allés dans le camp républicain et, chose absolument inattendue, le vote populaire est allé à Trump, avec près de quatre millions de voix d’avance sur son adversaire.

Comme lors de chaque élection, les commentateurs et autres soi-disant experts se sont largement appuyés sur les bureaux de vote, même s’ils se sont totalement trompés depuis l’arrivée de Trump en politique en 2016. Ces mêmes bureaux de vote, rappelons-le, affirmaient qu’il n’y avait presque aucune chance que Trump remporterait la Maison Blanche en 2016 : nous avons vu le résultat.

Ils ont continué à errer toutes ces années et, étonnamment, nous continuons à les écouter.

Société en crise

Dans une situation politiquement difficile, les politologues, sondeurs et experts habituels ne servent à rien, car les paramètres habituels sont perturbés. Une société en crise défie les prédictions des plus grands esprits. Le vrai sondage aurait été de donner la parole à tous ces Américains de la majorité silencieuse, vivant dans les villes dévitalisées, les campagnes, la périphérie.

Cette Amérique profonde qui construit ce pays depuis ses fondations, qui est enracinée, fière de son pays, qui a le sentiment légitime d’un déclin et qui en a marre du mépris des élites. Ces Américains ne sont pas nécessairement des trumpistes enthousiastes, mais ils sont très clairement exaspérés par la négligence des démocrates à l’égard de leurs priorités. Ils ont le sentiment que l’élite branchée des mégalopoles et de Californie les a abandonnés et que les grands médias leur font la leçon à longueur de journée.

Cette élection n’était pas comme les autres : elle était existentielle. Et l’Américain moyen le comprend. L’immigration de masse et le wokisme constituent des menaces existentielles pour la nation américaine et plus généralement pour le monde occidental. L’inflation et la mondialisation mettent à mal le rêve américain, et donc une partie de la fierté nationale.

Ce sont des sujets, négligés par nos « experts », qui, en les creusant, permettent de mieux comprendre le sens du vote Trump. Quoi qu’on en dise, le pays n’est pas entré dans le fascisme ou la dictature : le peuple s’est prononcé et veut décider à sa manière. Il s’agit de démocratie et non d’une préférence des médias et de l’élite culturelle.

Photo fournie par Philippe Lorange

Philippe Lorange

Doctorante en sociologie

 
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