le témoignage d’un diplômé de Harvard après l’intervention d’étudiants pro-palestiniens

le témoignage d’un diplômé de Harvard après l’intervention d’étudiants pro-palestiniens
le témoignage d’un diplômé de Harvard après l’intervention d’étudiants pro-palestiniens

FIGAROVOX/HUMEUR – Timothée Charmeil, récemment diplômé de l’Université Harvard, était présent lorsque des étudiants pro-palestiniens ont interrompu la cérémonie de remise des diplômes de l’université le 23 mai.

Timothée Charmeil est diplômé en droit de l’Université Harvard.


Un désastre. C’est le mot qui revenait sans cesse dans les discussions après la cérémonie de remise des diplômes de Harvard, jeudi 23 mai dernier.

Il était écrit que l’année enfer vécue par Harvard – en raison de la guerre entre Israël et la Palestine ayant transformé le campus en guerre de tranchées – se terminerait ainsi. Mais personne n’avait prévu l’ampleur du désastre. Personne n’avait prédit que le président par intérim de Harvard, Alan Garber, verrait son pire cauchemar se réaliser sous ses yeux, devant des dizaines de milliers de personnes. Un cauchemar qui pourrait bien l’empêcher d’être officiellement nommé président d’Harvard d’ici quelques semaines.

Tout a commencé mercredi, veille de la cérémonie de remise des diplômes, lorsqu’un communiqué est paru annonçant que 13 étudiants de Collège (l’équivalent du permis en France) ne recevraient pas leur diplôme. Ceci en raison de leur occupation pendant plusieurs semaines de Cour de Harvard, centre névralgique de Harvard, pour démontrer son soutien à la cause palestinienne. S’il est possible de débattre du bien-fondé de cette décision de priver 13 étudiants de leur diplôme, un constat implacable s’impose : cette décision constitue une erreur politique majeure. Parce que le campus n’attendait qu’une étincelle. Et il a pris feu.

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Dès l’arrivée sur le lieu de la cérémonie, jeudi matin 23 mai, les débuts de l’incendie étaient facilement perceptibles. Sur les toges des étudiants, les signes de soutien à la Palestine et d’opposition à la direction de Harvard étaient légion. Beaucoup portaient le keffieh. D’autres avaient coloré leurs chapeaux aux couleurs de la Palestine ou collé des autocollants sur leurs robes portant les mots «Harvard finance le génocide» (« Harvard finance le génocide ») ou «Palestine libre» (« Libérer la Palestine »). C’est dans cette ambiance lourde où régnait une odeur de poudre à canon que s’est ouverte la cérémonie de remise des diplômes. Et il n’a pas fallu longtemps pour que le premier fusible s’allume.

Les manifestants ont réussi à prendre en otage la cérémonie de remise des diplômes de Harvard. En ces temps troublés, une telle prise d’otage était-elle nécessaire ?

Timothée Charmeil

L’ironie de l’histoire est que cette mèche a été allumée par un étudiant soigneusement sélectionné par l’administration de Harvard pour prononcer un discours. Un discours, intitulé « Le pouvoir de l’ignorance », dont chaque mot avait été préalablement approuvé. Le plan était parfait. À une exception près. Le discours effectivement prononcé ne portait pas tant sur l’ignorance en tant que vertu… mais plutôt sur l’ignorance de la présidence de Harvard quant au contenu réel du discours. À quelques mètres d’un président par intérim furieux, l’oratrice a rapidement arrêté de lire les téléprompteurs et a sorti de sa poche un tout autre discours. Un discours dénonçant la présidence de Harvard et appelant à la révolte et au soutien à la Palestine. Ceci sous les applaudissements nourris de centaines d’étudiants debout pour l’acclamer et criant «Honte» (« Honte ») contre la présidence.

Un passage du discours est particulièrement révélateur du drame qui se joue actuellement aux États-Unis. L’étudiante a recommencé à publier son nom et son visage sur les réseaux sociaux au lendemain de l’attaque du Hamas en Israël après avoir apporté son soutien à la cause palestinienne. Affirmant qu’elle a été ciblée parce qu’elle est une personne de couleur. Nous ne pouvons que condamner avec la plus grande fermeté cette campagne inhumaine d’appels à la violence à son encontre. On peut cependant émettre des doutes sur le bien-fondé du raisonnement de cette jeune femme. A-t-elle vraiment été ciblée à cause de sa couleur de peau ? N’était-ce pas plutôt en raison de son soutien à une attaque terroriste contre une population innocente ?

En réalité, peu importe qu’elle ait raison ou tort. Ce qui compte, c’est sa perception selon laquelle le conflit entre Israël et la Palestine n’est pas tant un conflit territorial ou religieux qu’un conflit entre la classe blanche dominante et la classe des personnes de couleur. Perception partagée par un nombre croissant d’Américains. Chaque jour, de plus en plus, une partie des États-Unis transforme un conflit entre deux pays étrangers en un conflit entre Américains « blancs » et Américains « de couleur ». En d’autres termes, une guerre étrangère se transforme en guerre intérieure. Et cette guerre interne entre une classe d’oppresseurs et une classe d’opprimés écrase tout sur son passage. Au point que la guerre entre la Russie et l’Ukraine n’a pas plus été évoquée dans le discours de la jeune femme que dans les autres interventions tout au long de la cérémonie.

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Alors que l’orateur quittait la scène sous les acclamations de la foule, la présidence de Harvard pensait probablement avoir résisté au plus gros de la tempête. Mais ce n’était que le début de son calvaire.

Le désastre s’est produit au moment le plus symbolique de la cérémonie : la remise des diplômes par le président. Accompagnés d’un seul homme, des centaines d’étudiants se sont levés, ont sorti des drapeaux palestiniens et des pancartes cachées sous leurs robes et ont formé un cortège vers la sortie. Le tout au son de «Palestine libre» (« Libérer la Palestine ») et « Laissez-les marcher » (« Laissez-les marcher ») en soutien aux 13 étudiants sanctionnés. Ceci sous le regard hébété du président par intérim et des doyens des différents Écoles de Harvard.

Les cameramen chargés de retransmettre la cérémonie ont pris soin de ne pas faire apparaître les manifestants dans le champ de la caméra. Mais le mal était fait. Les manifestants avaient réussi à perturber la cérémonie de remise des diplômes de la plus grande université du monde, perturbée pendant de nombreuses minutes et interrompue pendant de très longues secondes. Les manifestants ont réussi à détourner la cérémonie de remise des diplômes à Harvard.

En ces temps troublés, une telle prise d’otage était-elle nécessaire ?

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