En Allemagne, le cordon sanitaire médiatique contre l’extrême droite est brisé : « Une erreur »

En Allemagne, le cordon sanitaire médiatique contre l’extrême droite est brisé : « Une erreur »
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Bjorn Höcke contre Mario Voigt. C’était l’affiche du très controversé duel télévisé qui s’est déroulé jeudi soir sur la chaîne privée Welt-TV. D’un côté, le chef de la fédération de Thuringe du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Ancien patron de la « Wing », courant le plus radical de ce parti, désormais officiellement dissous, Bjorn Höcke est l’homme fort de l’AfD, un extrémiste qui brise les tabous sur l’immigration, la politique mémorielle ou encore l’Europe. C’est notamment à lui que sa fédération régionale doit sa classification comme « organisation avérée d’extrémisme de droite » par les services de renseignement intérieurs.

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Face à lui, le chef du groupe parlementaire du Parti chrétien-démocrate (CDU) au Parlement de Thuringe et tête de liste pour les élections régionales du 1er septembre. Mais avant ce duel télévisé suivi par un million de téléspectateurs, Mario Voigt était largement méconnu du grand public et des électeurs de sa propre région. Un vrai problème à quatre mois de ce scrutin local important où l’AfD, dirigée par Höcke, est en tête, avec 29% d’intentions de vote contre 20% pour la CDU.

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Isoler ou affronter ?

A l’origine de ce duel unique dans l’histoire récente de l’Allemagne, un échange de messages sur le réseau social X entre les deux hommes. L’élu démocrate-chrétien a critiqué en mars une déclaration de son collègue Höcke souhaitant « voir l’UE mourir ». Ce dernier lui a alors proposé d’en débattre en personne, devant un public. Proposition acceptée par Mario Voigt, soutenue par la direction nationale de son parti. “J’en suis arrivé à la conclusion qu’il est erroné d’ignorer l’AfD. Nous devons la confronter sur le fond car elle n’a de réponses réalistes nulle part », estime le patron de la CDU, Friedrich Merz.

Mario Voigt doit-il accepter ce duel quitte à donner une tribune nationale inattendue au représentant le plus radical de l’AfD ? La question reste controversée dans un pays où jusqu’il y a peu les médias généralistes observaient un « cordon sanitaire » assez strict envers l’extrême droite et les partis populistes. Si des représentants de l’AfD ont été interrogés, ils l’ont rarement été seuls. Mais ces derniers mois, avec la montée en puissance de l’AfD, la règle a changé. La chaîne publique ZDF a ainsi invité de hauts responsables de ce parti à deux de ses émissions de débats en direct. “La règle de ne pas les inviter pour éviter leur ascension n’a pas donné de résultats», nous explique un journaliste de ZDF.

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Une banalisation malvenue

Force est de constater qu’au terme des 71 minutes d’affrontement, les deux participants se sont déclarés vainqueurs de ce duel. Contrairement à certaines craintes, Mario Voigt ne s’est pas effondré face à son adversaire, a su le contrer sur certains points et marquer sa différence. Björn Höcke, de son côté, a fait passer son message, tenant la CDU pour responsable de «immigration de masse » et certaines « Débâcle économique du pays »parfois sans être contredit malgré l’énormité de ses propos – il évoque le chiffre de 10 millions d’immigrants supplémentaires depuis 2015, s’exprime pour la fin de l’immigration musulmane, sous-estime l’antisémitisme issu de la population allemande… En revanche, quand Mis sous pression, Björn Höcke s’est montré moins souverain que prévu, notamment sur la notion très controversée de « re-migration » ou sur des citations de son propre livre… »Il semblait parfois mal à l’aise et était incapable d’exposer ses arguments sans opposition comme il le fait habituellement.», a noté Jan Hollitzer, du journal Thuringe Allgemeine, sur la radio DeutschlandFunk.

Pour le politologue Wolfgang Schroeder de l’Université de Kassel, ce duel est en revanche “une erreur». “Cela conduit à une banalisation de M. Höcke. Il a essayé de se mettre au même niveau que M. Voigt, de paraître sympathique. Le résultat est qu’il ressemble à « l’un des nôtres », un homme pas si radical. ». « Ce genre de confrontation télévisée banalise le mal» juge ce politologue, conseillant les médias généralistes «éviter ce type de format de télévision à deux à l’avenir».

 
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