(Damas) Chaque soir du mois de Ramadan, avant de rompre le jeûne, des motards sillonnent les rues de Damas pour livrer des repas aux nécessiteux, brisant les stéréotypes attachés aux amateurs de deux-roues en Syrie.
Publié hier à 15h08
Maher AL MOUNES
Agence France-Presse
« Nous allons dans les quartiers les plus populaires, les gens nous connaissent, nous sourient et nous aiment », raconte le président du moto-club « Hope Bikers Syrie », Tarek Obaid.
Ce quinquagénaire supervise les distributions alimentaires effectuées dans les quartiers populaires de la capitale pendant le ramadan, durant lequel les musulmans s’abstiennent de manger et de boire jusqu’au coucher du soleil.
Comme lui, une cinquantaine de motards bénévoles se relaient au sein d’associations caritatives pour préparer et distribuer des repas aux personnes dans le besoin pendant ce mois de jeûne.
En préparant des plats de riz au poulet, Tarek Obaid affirme que son groupe se mobilise à des fins « humanitaires ou morales ».
Les bénévoles, dont certains portent une barbe épaisse et une bague flanquée d’une tête de mort, se rassemblent chaque jour dans la cuisine.
Ils coupent et cuisent des légumes et de la viande, les ajoutant au riz qu’ils ont acheté auprès d’associations caritatives, avant de l’emballer pour la distribution.
“Avant, les gens évitaient les motos lorsqu’ils les voyaient, mais aujourd’hui, ils se réjouissent à la vue de nos uniformes bleus ou lorsqu’ils entendent le bruit de nos véhicules”, s’enthousiasme M. Obaid, professeur de natation.
L’équipe, composée de membres chrétiens et musulmans, n’a aucune affiliation politique ou religieuse et a commencé ses activités pendant la pandémie de COVID-19.
Elle était alors chargée de transporter rapidement des bouteilles d’oxygène pour les cas médicaux urgents.
La pandémie s’étant apaisée, le groupe a réorienté ses efforts vers d’autres activités humanitaires, comme l’aide aux victimes du violent tremblement de terre qui a secoué la Syrie en février 2023, l’implication d’orphelins dans leurs activités, ou encore des distributions de repas.
« Moyens d’assistance »
Après avoir préparé les repas, l’équipe se rend dans une maison de retraite en périphérie de Damas.
Juchés sur leurs Harley-Davidson et autres motos imposantes, les bénévoles évoluent avec agilité dans les quartiers très fréquentés et les ruelles étroites. Ils profitent de l’avantage d’être à moto pour éviter les embouteillages et livrer le plus de plats possible le plus rapidement possible.
« Même si la moto consomme moins [qu’une voiture], on a du mal à avoir de l’essence», assure George Hafteh, 37 ans, bénévole à la barbe pleine. “Mais nous prenons même en charge le coût” du carburant.
Ravagée par 13 ans de guerre civile, la Syrie traverse une crise économique étouffante, marquée par une hausse des prix, notamment ceux de l’essence depuis la levée des subventions en août dernier.
Depuis le début du conflit qui a laissé 90 % de la population sous le seuil de pauvreté de l’ONU, les motos en Syrie ont acquis une mauvaise réputation, souvent utilisées par des voleurs en fuite.
Une image que le groupe tente de peaufiner, « en assumant notre responsabilité envers les gens », assure George. « Toute notre fatigue se dissipe lorsque nous voyons les sourires des enfants. »
Arrivés à la maison de retraite, George et ses camarades descendent de leurs motos et transportent les sacs de repas jusqu’aux chambres.
Amer Totanji, 31 ans, participe également à la distribution cette année et a contribué avec son équipe à aider des dizaines de familles depuis le début du mois de jeûne.
« On profite du fait que la moto est plus pratique du fait de sa petite taille […] Plus qu’un simple moyen de transport, il est devenu un moyen d’assistance aux personnes dans le besoin. »
