Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais…

Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais…
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Comme chaque année, nous sommes censés célébrer la Francophonie. Il y a 321 millions de francophones dans le monde. D’ici 2065, ils seront 767 millions. L’OIF représente 88 pays, 16% de la richesse mondiale. Le français est, avec l’anglais, la seule langue parlée et enseignée sur tous les continents, la deuxième langue apprise dans le monde…

Derrière la façade, on découvre une langue française subissant les assauts de l’anglais, tant dans son lexique et sa grammaire que dans son usage, notamment en France, mais aussi ici à Montréal. Des masses de mots, sigles et acronymes anglo-saxons sont importés de l’anglais, le sens des mots français est modifié, des préfixes, suffixes et couches sont introduits dans la grammaire, et des images dans la phraséologie.

Si l’on est sensible à l’emprunt de mots à la forme anglo-saxonne (amplificateur, comme, Tweeter…), nous sommes moins intéressés par l’emprunt de sens et de phraséologie. Les mots anglais agacent, irritent, inquiètent. Les emprunts de sens et d’images passent inaperçus. Or, ils sont la conséquence d’un même phénomène : la pression de l’anglais sur le français.

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Perte d’utilité

L’importation des anglicismes ne signifie pas nécessairement la mort annoncée de notre langue. L’anglais a emprunté beaucoup plus de mots français que le français n’en a emprunté à des mots anglais. Cela ne l’a pas empêché de se propager sur toute la planète. La véritable menace qui pèse sur notre langue réside dans sa perte d’utilité. Depuis plusieurs décennies, on ne compte plus les « territoires perdus » de la langue française.

Cela se voit sur les visages des villes en France. Regardez les noms de leurs commerces, le nombre de leurs enseignes en anglais. Regardez leurs affichages publicitaires, souvent uniquement en anglais. Écoutez leurs publicités télévisées, les chansons diffusées dans leurs commerces… L’anglais est partout. C’est comme si les Français n’avaient plus envie de nommer dans leur langue les choses de la modernité. Pour eux, l’anglais supplante le français lorsqu’il s’agit de nommer toutes les nouveautés – concepts, événements, produits et services.

Certes, il n’y a jamais eu autant de francophones dans le monde, mais jamais le français n’a été aussi menacé. La force d’une langue ne se mesure pas à la « pureté » de son vocabulaire, mais à son utilité, et les territoires perdus de la langue française sont nombreux, et dans des domaines cruciaux, la diplomatie, les sciences et les techniques.

Conflit de législation

Un facteur favorise l’expansion de l’anglais au détriment du français au niveau européen : c’est le « choc des législations ». Les lois et directives européennes s’opposent à celles que la France a adoptées (sans vraiment les appliquer). Malgré les discours sur l’égalité des (24) langues officielles, le multilinguisme des institutions et le multilinguisme des individus, l’anglais est devenu de facto la langue de l’UE. Elle est choisie par la plupart des jeunes Européens comme première seconde langue ; Le français concurrence (défavorablement) l’allemand et l’espagnol dans le choix d’une troisième langue.

Faut-il quand même abandonner ? Certainement pas. Le français est un élément trop important de notre identité pour le laisser se perdre, au point de sombrer…

La campagne des élections européennes devrait être l’occasion de débattre de la place des langues en France et dans l’UE, de prôner une véritable planification linguistique inspirée des modèles canadien et québécois. Vœu pieux? Peut-être oui, quand on considère tous les autres défis auxquels nos sociétés francophones sont confrontées.

Lionel Meney, docteur en lettres, linguiste et lexicographe, ancien professeur à l’Université Laval

 
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